Ouvrir une fenêtre sur le large

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
12.02.2008

 

Le parti Projet Montréal caresse de grands projets pour l’entrée maritime de Montréal  

  • La rue Notre-Dame(攝影: / 大紀元)

Montréal, c’est, d’abord et avant tout, une ville portuaire qui possède une entrée maritime ample et majestueuse. Malheureusement, les activités portuaires ont fait en sorte de couper la ville historique de son contact avec l’eau. Une promenade maritime a bel et bien été aménagée dans le Vieux-Port il y a une vingtaine d’années, mais de larges pans des berges du fleuve sont toujours obstrués.

La formation politique Projet Montréal souhaite que Montréal puisse reprendre contact avec le majestueux fleuve Saint-Laurent qui borde la métropole. Profitant de la controverse qui entoure le projet de modernisation de la rue Notre-Dame, l’équipe derrière Projet Montréal souhaite relancer le débat concernant l’accès aux berges du fleuve Saint-Laurent. À l’instar de Barcelone, célèbre ville portuaire d’Espagne, Montréal pourrait exploiter ce potentiel d’ouverture sur le fleuve pour revitaliser ses anciens faubourgs ouvriers. Chemin faisant, l’ouest et l’est de la métropole seraient enfin réconciliés dans le cadre d’une vaste opération de requalification des friches industrielles qui bordent un port qui n’en finit plus de s’étendre à l’infini.

Réhabiliter les anciennes fonctions portuaires

Richard Bergeron, urbaniste de formation et chef du parti Projet Montréal, estime que l’administration actuelle devrait faire marche arrière et revenir à l’idée d’aménager un boulevard urbain le long de Notre-Dame. Et ce dernier de nous rappeler que l’actuel projet du ministère des Transport du Québec comportera deux sections en tranchée, dont une dans la portion qui passe derrière la place Radio-Canada pour se rendre jusqu’à la rue Fullum. Il s’agit d’un secteur historique qui avait été baptisé «Faubourg à la mélasse» naguère et qui a été littéralement éradiqué par l’implantation de l’autoroute Ville-Marie durant les années 1960. M. Bergeron nous rappelait aussi que la ville de Barcelone a justement pris le parti durant les années 1980 et 1990 de réhabiliter ses friches portuaires, notamment celle qui correspondait à l’ancien quartier de la Barceloneta, un faubourg populaire dans la partie est du port.

Contrairement à nos édiles, l’administration municipale de Barcelone a eu le courage de mettre en branle un ambitieux projet de réhabilitation des friches industrielles qui longeaient son bras de mer… histoire d’aménager une promenade maritime de près de quatre kilomètres de long. L’ancien quartier de la Barceloneta s’intègre à un circuit de plages urbaines qui ont fait la réputation de la métropole catalane. Notre interlocuteur nous rappelait, fort à propos, que «la ville de Barcelone s’est réapproprié la moitié de son port, sans pour autant sacrifier ses activités de transbordement».

D’ailleurs, les nouvelles techniques de manutention et de gestion du trafic maritime par conteneurs font en sorte de sauver énormément d’espace aux anciens ports qui, autrefois, grugeaient une part appréciable de nos cités. M. Bergeron ajoute que «les technologies portuaires ont beaucoup changé. L’espace requis étant aujourd’hui nettement plus limité, les parties excédentaires peuvent être consacrées à des projets de développement urbain visant la réappropriation et la mise en valeur des rives». L’expérience de Barcelone pourrait servir d’exemple à nos développeurs s’il faut en croire M. Bergeron qui ajoute qu'«un boulevard riverain, à trois voies par direction, borde cette très belle fenêtre sur la Méditerranée. Un corridor pour les bus a été aménagé en «site propre» au centre de ce boulevard urbain, ce qui permet d’acheminer les citadins vers les équipements récréo-touristiques qui ont remplacé l’ancien port de mer».

À Barcelone, la rive donnant sur la Méditerranée a été refaçonnée en plage de sable… invitant touristes et citadins à venir se tremper les pieds à deux pas du centre-ville. Et, qui plus est, plusieurs secteurs clés de Barcelone, ayant été disloqués par l’expansion du port au fil du temps, ont été requalifiés dans le sillage des Jeux olympiques de 1992 qui auront accéléré les choses. Outre le réaménagement de la rive maritime et l’ouverture de nouvelles perspectives, les nouveaux projets immobiliers riverains ont permis de décongestionner le centre-ville de Barcelone. L’aménagement d’un boulevard urbain permet de constituer une desserte rapide et efficace, tout en préservant l’intégrité du tissu urbain limitrophe.

Tirer parti d’une position stratégique

Selon Richard Bergeron, l’entrée maritime de Montréal donne à voir «un des espaces les plus somptueux du monde». Les embarcations qui se dirigent vers le Vieux-Port voient se profiler la pointe est de l’île Sainte-Hélène, un espace stratégique qui, s’il faut en croire M. Bergeron, «pourrait accueillir un bâtiment à l’architecture flamboyante». Notre interlocuteur nous rappelait justement le cas des ports de Sydney, en Australie, ou de Hambourg, en Allemagne, des zones requalifiées où furent implantés deux bâtiments emblématiques qui sont devenus la signature de ces villes portuaires. L’opéra de Sydney est situé sur une presqu'île appelée «Bennelong Point», à l’entrée de la ville, invitant les paquebots à contempler ses élégantes structures en éventail… un immense pont, le pont de Sydney, enjambe la baie et sert de toile de fond à ce bâtiment-phare.

Cette idée d’un monument maritime, à l’entrée d’une ville portuaire, a été reprise par les urbanistes et les architectes qui ont aménagé le port de Hambourg. Richard Bergeron se passionne pour le projet d’une salle de concert baptisée «Philarmonie de l’Elbe», un bâtiment d’une rare élégance qui sera érigé à partir d’un ancien entrepôt jugé irrécupérable et qui se profilera, lui aussi, sur une presqu’île. «C’est tout de même incroyable, ajoute-t-il, d’avoir utilisé la pire contrainte du site pour en faire la structure principale d’un projet qui est devenu la signature de la ville de Hambourg!»

Richard Bergeron est formel : «Il faut prolonger plus à l’est l’effort de requalification du Vieux-Port de Montréal, profitant de la conversion de la rue Notre-Dame en véritable boulevard urbain pour reconnecter les anciens faubourgs ouvriers de l’est avec le fleuve Saint-Laurent. À l’image de plusieurs villes du monde, nous avons les moyens de profiter des nouvelles technologies afin de relocaliser les activités du port plus à l’est et d’ouvrir, enfin, une fenêtre sur le large!»