Gongjing le chauve

Écrit par Radio Son de l’Espoir
13.02.2008

 

Conte chinois 

  • Gongjing le chauve(攝影: / 大紀元)

En ce temps-là, un gouverneur de province, nommé Gongjing, souffrait d’une disgrâce qui le perturbait plus que de raison : il était chauve. Mais entièrement chauve, son crâne était un désert, la plaine d’Europe centrale après le passage d’Attila. Un crâne poli, «tel un diamant», selon l’heureuse expression en usage au Tibet, pays de poètes.

Un bel après-midi d’été, Gongjing était assis à l’ombre sur sa terrasse, prenant le frais devant une jarre de bon vin, quand il vit dans la rue un maître barbier, Agabunda, qu’il connaissait de réputation. Ce dernier se hâtait, sans un regard pour le gouverneur. Gongjing, en faisant insolemment tinter les grelots de son cheval, s’écria :

– Comment oses-tu passer devant moi sans me saluer?

Agabunda répondit :

– Pardonnez-moi, seigneur, c’est que je suis pressé, on m’attend chez un magistrat de la ville. Je dois aujourd’hui même lui planter des cheveux!

– Comment cela, lui planter des cheveux?, fit Gongjing.

Agabunda ajouta avec un rien d’impatience :

– Eh bien oui, seigneur! Ne savez-vous pas qu’on plante des cheveux comme on plante des navets? C’est un travail fort bien payé, l’on m’attend, et je ne voudrais pas….

Gongjing commanda :

– Holà, holà! Fit-il, je suis le gouverneur de la province et je dois être servi le premier! Monte sur la terrasse, tu vas me planter des cheveux!

Agabunda gémit :

– Mais, seigneur, que va dire le noble Ojida? Il va me faire fouetter…

– Cesse de discuter et monte immédiatement, ou je te fais appréhender par mes gardes!

Agabunda prit un air résigné, il arrêta sa carriole, attacha son cheval et grimpa sur la terrasse après s’être muni d’une lourde sacoche. Il salua très bas le gouverneur, prit place sur un tabouret, installa sur ses genoux une peau de mouton tannée. Ensuite, il saisit un poinçon, dont il vérifia soigneusement l’ardillon, enfin, il empoigna une touffe de poils de yack. Gongjing observait ces préparatifs avec un peu d’inquiétude, il menaça à tout hasard :

– Attention à toi si tu ne me plantes pas convenablement des cheveux.

Agabunda le rassura :

– Je suis un expert en ce domaine. Ne vous faites aucun souci, maintenant posez, s’il vous plaît, votre tête sur la peau de mouton!

Le gouverneur s’exécuta.

Agabunda, d’un geste vif, saisit son poinçon et perça le crâne glabre du gouverneur :

Gongjing criait :

– Aïe! Que fais-tu donc?

Agabunda répliqua :

– Ne bougez pas, seigneur, ne vous ai-je pas dit que pour planter des navets, il fallait d’abord creuser un trou dans la terre?

Il prit une grosse touffe de poils de yack, les disposa avec soin dans le trou qu’il venait de forer dans le crâne. Il les arrangea un moment avec le coup d’œil de l’artiste. Enfin satisfait, il reprit son poinçon, et recommença à percer :

– Aïe ... Aïe ... Aïe ..., hurla Gongjing.

Agabunda le gronda :

– Cessez de vous agiter ainsi. Comment voulez-vous que je travaille dans ces conditions?

Le gouverneur releva un peu la tête et questionna presque timidement :

- Dis-moi, Agabunda, combien dois-tu percer de trous dans mon crâne pour obtenir une coiffure convenable?

-– Hum! fit Agabunda, je ne sais pas exactement, c’est que vous avez une grosse tête... disons... une petite centaine.

Gongjing s’exclama :

- Cent trous! Ce n’est pas possible, je n’y survivrai pas!

Agabunda lui répondit d’une voix sévère :

– Enfin, seigneur, j’aimerais bien savoir ce que vous voulez. Vous vous conduisez comme un enfant capricieux! Parmi ceux que j’ai eu l’honneur de servir, plus d’un quart ont survécu…. Voyons, fit-il en comptant sur ses doigts, oui, c’est bien ça…. si j’inclus le marchand de poissons…. qui est demeuré sourd et aveugle, mais c’était un regrettable accident.

Gongjing protesta en se relevant brusquement :

– Cela suffit! Je préfère la vie aux cheveux.

– Comme vous voudrez, seigneur.

Agabunda s’inclina très bas et s’en alla au tintement des grelots de son cheval.