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Poésie crue

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque - Montréal
14.02.2008
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Critique de film : Borderline 

  • Kiki (Isabelle Blais)(攝影: / 大紀元)

Le pari était gros, mais remporté avec brio. Le nouveau film et premier long métrage de Lyne Charlebois, Bordeline, réussit à regrouper et à porter à l’écran, avec poésie et fluidité, les mots de deux livres à succès (Borderline et Labrèche) de l’auteure Marie-Sissi Labrèche.

Kiki (Isabelle Blais) ne sait pas pleurer. Elle vient tout juste d’avoir trente ans et termine sa maîtrise en littérature. Elle a une relation «de chambre d’hôtel» avec son directeur de maîtrise, Tchecky (Jean-Huges Anglade) qui est beaucoup plus vieux qu’elle et «marié jusqu’aux oreilles». Son mal de vivre et d’écrire l’encourage à relire les pages douloureuses de sa vie. Pour faire la paix avec son passé, elle devra replonger dans son enfance trouble alors qu’elle vivait avec sa mère névrosée (Sylvie Drapeau) ou sa grand-mère acariâtre (Angèle Coutu). Elle fera face à ses insécurités qui la poussaient, à vingt ans, à se nourrir de «miettes affectives» en multipliant relations amoureuses pour lesquelles elle était présente de corps mais absente d’esprit.

Rares sont les films qui réussissent à rendre justice à l’œuvre littéraire d’où ils prennent racine. Dans le cas de Borderline, justice est rendue aux romans autofictionnels (style littéraire à mi-chemin entre l’autobiographie et la fiction) de l’auteure. Le film est une œuvre en soi, et en aucun moment nous sentons avoir mal saisi le sens d’un passage parce que nous n’avons pas lu le livre.

Au niveau de l’interprétation, on a misé juste dans le choix des comédiens. Isabelle Blais incarne une Kiki oscillant entre un mal et une joie de vivre, à la fois troublée et attachante, qui crève l’écran. Jean-Huges Anglade en Tchecky est bouleversant, en particulier, dans une scène déchirante dans laquelle il peine à mettre fin à cette relation extraconjugale qu’il qualifie lui-même de «toxique». Sylvie Drapeau en mère déséquilibrée est très touchante. Et une des belles surprises du film est bien évidemment Angèle Coutu, en grand-mère aigrie plus vraie que nature.

Le langage et les scènes sont crus. Les «sacres» autant que les nombreuses scènes de nudité font partie du film, mais le propos les justifient bien. Rien n’est utilisé de façon gratuite et vulgaire pour le regard des voyeurs ni pour faire une «bonne blague grivoise». Le film reflète plutôt une réalité qui touche probablement une partie des gens dans la trentaine issus d’une société qui, comme le personnage de Kiki, est «sans limite» quant aux relations de couple; sans limite dans le nombre, mais aussi dans la façon de ne pas s’investir par peur du rejet.

Du côté de la réalisation, Lyne Charlebois passe continuellement, mais très habillement, du présent au passé en faisant se croiser des personnages des différentes étapes de la vie de Kiki qui plonge parfois dans le souvenir. Les changements de temps et les enchaînements de scènes se font avec une grande fluidité qui permet au spectateur de ne jamais décrocher, de plutôt voyager avec les protagonistes.

Le film, qui ne se voulait pas trop littéraire, respecte l’importance et la poésie des mots de Marie-Sissi Labrèche. Nous pouvons le percevoir à travers les dialogues des comédiens qui reprennent des lignes tirées des livres de l’auteure, mais également dans une belle scène dans laquelle sont projetés, sur les murs de la chambre de Kiki, les mots qu’elle tente d’écrire pour son roman.

En bout de ligne, le scénario a l’honnêteté de garder en quelque sorte une fin ouverte qui ne propose pas de solution facile au mal-être de Kiki, puisque la paix intérieure qu’elle recherche ne s’établit pas par l’amour de l’autre, mais bien par un long processus de développement de «l’amour de soi».

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