Quand les dictatures font semblant d’être des démocraties

Écrit par Gary Feuerberg, La Grande Époque - Washington
15.02.2008
  • Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch,(攝影: / 大紀元)

Une nouvelle tendance inquiétante se dessine : des régimes tyranniques obtiennent respect et acceptation non mérités en Occident en tenant des simulacres d’élections et en prétendant être démocratiques, fait remarquer Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch.

Les dirigeants de démocraties établies – en Amérique du Nord et en Europe – régressent en n’insistant plus sur les droits fondamentaux de l’homme, comme les libertés d’expression, d’association et d’élections libres.

En 2007, des pays comme Bahreïn, la Jordanie, le Nigeria, la Russie et la Thaïlande se sont faits passer pour «démocratiques», tout simplement pour avoir tenu un vote, alors qu’ils étaient engagés dans la fraude électorale, la répression sévère, l’intimidation et la violence contre les membres des partis d’opposition ainsi que dans les menaces et le harcèlement envers la presse.

Avec ce vernis de démocratie, l’Occident semble plus à l’aise à fermer les yeux sur les abus.

«Le gouvernement américain a épousé la promotion de la démocratie en tant qu’alternative plus douce et duveteuse à la défense des droits de l’Homme», a dénoncé M. Roth au National Press Club de Washington D.C., le 31 janvier 2008. Ce même jour, était publié le Rapport Mondial 2008 de Human Rights Watch (HRW), un ouvrage de 569 pages documentant les abus dans quelque 75 pays.

«Il semble que Washington et les gouvernements européens vont accepter même les élections les plus douteuses, aussi longtemps que le “gagnant” soit un allié stratégique ou commercial», a ajouté Kenneth Roth.

Ce dernier soutient que les États-Unis font un bon travail démocratique à domicile avec la primauté du droit, les élections libres et la liberté des organisations de travailler et de recommander. Toutefois, ils ne peuvent «parler avec crédibilité de la promotion des droits de l’Homme» lorsque cela pourrait «évoquer des faits embarrassants» concernant leur programme de contre-terrorisme comme «Guantanamo, les prisons secrètes de la CIA, la noyade simulée, l’interprétation, les commissions militaires et la suspension de l’habeas corpus», explique M. Roth.

D’autres pays aussi, tels que le Pakistan, le Royaume-Uni et la France, tolèrent les violations des droits de l’Homme au nom de la lutte contre le terrorisme, précise Kenneth Roth.

La popularité de se faire passer pour une démocratie a même touché la Chine qui, dans le passé, considérait la démocratie comme un concept bourgeois et rebelle. Le dirigeant chinois, Hu Jintao, a appelé à plus de «démocratie» au sein du Parti communiste chinois lors d’un discours en octobre 2007, utilisant le mot «démocratie» plus de 60 fois, toujours selon M. Roth.

«Mais cela n’a pas empêché [Hu Jintao] de bannir les partis politiques indépendants, de bloquer les efforts légaux pour défendre les droits fondamentaux, de dissoudre d’innombrables organisations de la société civile et de fermer des sites Internet», affirme le directeur exécutif de HRW. Le dirigeant chinois se référait au Parti qui a laissé seulement 221 candidats lutter pour 204 sièges sur le Comité central, ce qui est assez loin d’une élection nationale.

La clé à la légitimité

La démocratie est la «clé à la légitimité», assure M. Roth, «alors que les autocrates, les tyrans et les dictateurs essaient tous désespérément de se prétendre démocrates».

Un bon exemple est l’Ouzbékistan, où son «dirigeant sanguinaire», Islam Karimov, a mis en scène des élections en décembre 2007. Le régime emprisonne environ 7000 personnes pour des motifs politiques ou religieux; la torture est répandue et endémique dans le système judiciaire criminel, et le gouvernement ouzbek continue de rejeter «les appels à une enquête internationale indépendante sur le massacre d’Andijan en mai 2005, où des centaines de manifestants non armés ont été tués», indique le Rapport Mondial 2008.

Personne n’ose organiser une opposition sérieuse à Karimov, mentionne M. Roth, mais il ressent encore le besoin de légitimer son règne par la façade d’une élection.

D’autres dirigeants veulent «se faire passer pour des démocrates», parmi eux : Robert Mugabe (Zimbabwe), Pervez Musharraf (Pakistan), Hosni Mubarak (Égypte), Melles Zenawi (Éthiopie), Vladimir Poutine (Russie) et Umaru Yar'Adua (Nigeria), a dénoncé M. Roth en conférence de presse.

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Un modèle commun des dirigeants autocratiques est de qualifier leur type de démocratie avec un adjectif. Pour Vladimir Poutine, c’est la démocratie «souveraine», alors qu’apparemment, c’est lui le souverain. La Chine utilise la démocratie «sociale»; pour Musharraf, c’est la démocratie «authentique» et, en Birmanie, c’est la démocratie «disciplinée». Dans chacun des cas, le vrai sens de la démocratie est perverti et les vraies intentions antidémocratiques des dirigeants sont révélées.

Pakistan : Bush appui Musharraf malgré que celui-ci ait un comportement antidémocratique

Le Pakistan est un pays sous les projecteurs dernièrement et un allié de l’administration Bush dans la «guerre à la terreur». Le général Musharraf a imposé un état d’urgence le 3 novembre 2007, suspendant la constitution et congédiant les deux tiers des juges principaux du pays, incluant le juge en chef de la Cour suprême, Iftikhar Muhammad Chaudhry.

Musharraf a défendu ses actions comme étant nécessaires pour «préserver la transition démocratique», mentionne M. Roth, mais il voulait vraiment empêcher que la Cour suprême «juge que son élection, à titre de président, était illégale alors qu’il demeurait à la tête de l’armée». Les autorités pakistanaises ont ensuite arrêté des milliers d’avocats, de juges et de militants de l’opposition et violemment réprimé des manifestations pacifiques, écrit le rapport de HRW.

«Les journalistes travaillant pour des médias locaux, régionaux, nationaux et internationaux ont fait face à la torture, aux enlèvements, aux détentions illégales, aux raclées et à la coercition», souligne le rapport. «Avec la déclaration de loi martiale, Musharraf a imposé une sévère censure aux médias, fermant définitivement des chaînes de télévision privées et des agences médiatiques internationales.»

Il ne s’agit que d’un bref exposé de la multitude de violations du régime de Musharraf contenues dans le Rapport Mondial 2008. Néanmoins, le président Bush a dit que son allié n’avait pas «dépassé les bornes», qu’il «croyait à la démocratie» et que le «Pakistan était sur le chemin de la démocratie», fait remarquer Kenneth Roth.

Dans le passé, Musharraf s’était lui-même allié aux islamistes pour maintenir son pouvoir et s’opposer aux modérés. Certains ont aussi indiqué que les deux partis politiques centristes du Pakistan s’opposent fortement aux intégristes et que si l’un d’eux était au pouvoir, il serait autant enclin, sinon plus, à combattre le terrorisme. Les partis intégristes n’ont jamais remporté plus de 11 % du vote lors d’élections nationales, explique M. Roth. Donc, des élections libres n’amèneraient pas des islamistes au pouvoir, mais diminueraient plutôt leur menace.

L’administration Bush continue de miser sur Musharraf qui, tous les jours, sape la primauté du droit. Washington pourrait demander à Musharraf de réintégrer les juges indépendants de la Cour suprême et suspendre son importante aide militaire. Mais les États-Unis préfèrent défendre davantage quelqu’un qui prétend être un «démocrate» que les «principes des droits de l’Homme qui donnent un sens à la démocratie», assène Kenneth Roth.

Le Rapport Mondial 2008 de Human Rights Watch décrit en détail le passé récent de tous les pays du monde où il y a des conflits, une tyrannie et/ou des violations des droits de l’Homme, incluant une section finale sur les États-Unis.

Human Rights Watch a commencé ses activités en 1978 et était alors appelée Helsinki Watch. Il s’agit d’une organisation non gouvernementale indépendante ne recevant aucun financement de gouvernements, directement ou indirectement. Elle se donne l’objectif de «tenir les gouvernements responsables s’ils transgressent les droits de leurs populations».

Le Rapport Mondial 2008 peut être consulté sur le site Internet de l’organisation : [hrw.org/wr2k8]