Critique de film 

Un film mettant en scène un sujet difficile et tabou, les personnages autour desquels tourne le récit sont des adolescents, une première expérience de long métrage pour le réalisateur… comment ne pas craindre la caricature ou le propos qui passe à côté du sujet sans l’atteindre?

Pourtant, ce premier long métrage de Yves-Christian Fournier (gagnant de la Course destination monde édition 1997-1998) saisit avec vérité, froideur et espoir un épisode noir dans la vie d’un adolescent.

Vivant en banlieue, le jeune Josh (Maxime Dumontier, Gaz bar blues) est laissé seul derrière du côté des vivants, alors que ses quatre amis sont allés jusqu’au bout d’un pacte de suicide. Malgré qu’il soit le survivant, il paraît encore moins vivant que les morts, tentant, même inconsciemment, de saboter sa propre existence. Il sombre et s’isole de plus en plus, se coupant de sa famille, de toute autre forme d’autorité et même de sa nouvelle copine, Mia (Chloé Bourgeois, ADN-X), qui est pourtant la seule personne qui semble pouvoir le toucher sous son épaisse carapace juvénile.

Là où beaucoup échouent, Yves-Christian Fournier et le scénariste Guillaume Vigneault (fils de Gilles Vigneault) ont réussi. À la télévision, comme au cinéma, les adolescents sont dépeints de façon caricaturale, comme des êtres vides avec tout plein d’expressions «weird» en bouche probablement attribuable, de la part de la réalisation, à un manque de recherche, de sensibilité ou de compréhension générationnelle. Dans Tout est parfait, ouvrant la 26e édition des Rendez-vous du cinéma québécois, ce n’est pas seulement le sujet inconfortable du suicide que l’on évoque, c’est tout un voyage à travers l’intériorité des périodes troubles de l’adolescence. Et c’est très réussi!

C’est avant tout un film d’atmosphère, d’ambiance, que nous présente ici Fournier. Les silences sont dominants sur les dialogues, l’image sur le récit et l’intrigue. Il s’occupe de nos sens pour que nous puissions expérimenter toute la torpeur, l’angoisse, mais aussi la candeur et la joie que peut ressentir un adolescent devant la vie.

Tout est parfait est une œuvre vraie et froide qui tente à aucun moment de gommer la réalité pour la rendre plus digestible. A contrario, c’est également un film qui recèle une certaine chaleur, une lumière comparable à l’étincelle dans l’œil de l’adolescent qui s’émerveille devant les détails simples de la vie.

Les interprétations réalistes de ces jeunes comédiens talentueux qui n’ont pas essayé de jouer l’adolescence, mais qui la vivent littéralement devant la caméra, le scénario crédible et assumé en dépit de la dureté du propos, une direction photo précise qui sculpte agréablement l’image font de Tout est parfait une œuvre à voir.