La semaine dernière, le régime de Pékin a dû faire face à de durs coups en matière de relations publiques. Engagé dans une intense campagne de fabrication d’image à l’aube des Jeux olympiques d’été, des personnalités bien en vue sont venues rappeler que le slogan officiel de cette olympiade – One Dream, One World – n’est pas digéré par tous. Le réalisateur Steven Spielberg a fait le plus de bruit en retirant sa participation artistique à la conception de la cérémonie d’ouverture des Jeux quelques jours après une autre action significative.

Une liste exhaustive de Prix Nobel de la paix, de comédiens d’Hollywood, d’athlètes, d’artistes et de politiciens de divers pays a interpellé le no 1 chinois, Hu Jintao, en lui adressant une lettre ouverte. Le sujet? Le partenariat qu’entretient la Chine avec le Soudan. Pékin est au centre de la mire des militants des droits de l’Homme qui luttent pour que cessent les crimes contre l’humanité dans la région soudanaise du Darfour. La Chine achète la majorité de la production de pétrole du Soudan et lui fournit son matériel militaire qu’il utilise pour lutter contre différents groupes rebelles et mener des campagnes d’extermination, bien documentées par différentes organisations internationales. À ce jour, des centaines de milliers de personnes sont mortes et des millions d’autres déplacées.

Cette alliance est décriée alors que les politiques de la Chine sont de plus en plus sous les projecteurs à l’approche du mois d’août 2008. Le rôle de Pékin est jugé tellement crucial dans cette histoire que certains qualifient désormais d’«Olympiques du génocide» les prochains Jeux.

Dans la lettre ouverte, on invite Hu Jintao à s’engager positivement en faveur d’une résolution du conflit, mais on constate que la Chine est loin d’aller dans ce sens.

«Nous reconnaissons certains efforts de la Chine en 2007 pour augmenter la pression diplomatique sur le Soudan, notamment son appui pour l’adoption de la résolution 1769 du Conseil de sécurité de l’ONU, appelant au déploiement au Darfour d’une force de maintien de la paix hybride ONU-UA. Toutefois, en même temps, nous soulignons avec désarroi que le gouvernement chinois a travaillé à affaiblir la résolution avant son adoption. La Chine a également doublé son commerce avec le Soudan en 2007, fournissant des ressources aidant le gouvernement à poursuivre ses atrocités. La relation militaire avec le Soudan se poursuit également», écrivent les cosignataires.

Chez les Nobel de la paix signataires, il y a, entre autres : l’évêque Carlos Filipe Ximenes Belo, Dr Shirin Ebadi, Rigoberta Menchú, l’archevêque Desmond Tutu et le professeur Elie Wiesel.

Chez les comédiens et artistes les plus connus, on retrouve : Mia Farrow, Emma Thompson, Angelique Kidjo et Hugh Masekela.

Les Canadiens sont également très bien représentés, tant du côté athlétique que politique. Nous pouvons noter la présence d’ex-olympiens : Nikki Dryden (natation), Vince Poscente (ski) et Shannon Shakespeare (natation). Côté politique, douze députés fédéraux sont signataires, dont Irwin Cotler, Alexa McDonough, Libby Davies et Olivia Chow.

Spielberg se retire

Quelques jours après la publication de la lettre, Steven Spielberg a annoncé de son côté qu’il se retirait du comité organisateur de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin. Le plus célèbre réalisateur américain, reconnu pour son implication dans l’œuvre de mémoire de l’Holocauste juif de la Seconde Guerre mondiale, a déclaré que sa «conscience ne lui permettrait pas» de poursuivre comme si de rien n’était.

M. Spielberg était sous pression depuis que son implication avait été rendue publique. Ses critiques voyaient mal comment il pourrait lier son nom à un spectacle que certains associent à d’innombrables violations des droits de l’Homme et crimes contre l’humanité.

Pour apaiser ses détracteurs, il avait même communiqué avec les dirigeants du régime chinois pour leur demander d’utiliser leur influence diplomatique afin de restreindre les agissements du Soudan.

Après une période de silence, les autorités chinoises ont commenté la décision de Spielberg, jugeant que «certaines personnes ont des motifs cachés et nous ne pouvons accepter cela […] » Même si elles ont adopté une attitude plutôt stoïque, il est certain que cet événement représente une défaite majeure pour les autorités chinoises en mal de capital de sympathie. La firme de relations publiques Hill & Knowlton, qu’elles ont engagée pour redorer leur image, doit s’affairer intensément à trouver quelques messages clés pouvant remettre le cirque olympique sur la bonne voie.

Alors que bon nombre de journaux occidentaux félicitaient M. Spielberg pour sa prise de position, d’autres commentateurs soulignaient certaines incongruités dans ce coup d’éclat.

Dan Gardner, du Ottawa Citizen, écrit : «Imaginez si le [régime] chinois s’était comporté un peu mieux concernant le Darfour. Et puis après? Et bien, on présume que la conscience de Steven Spielberg n’aurait pas eu d’objection à continuer sa relation avec un gouvernement odieux, brutal, sanguinaire et autoritaire. Parce que – Darfour ou non – c’est ce qu’est le gouvernement chinois.»

Ce journaliste poursuit en notant la liste des pays brutaux, autres que le Soudan, appuyés par la Chine : Birmanie, Ouzbékistan, Zimbabwe, etc. Et il termine sa chronique en soulignant que l’on n’a pas besoin de regarder à l’étranger pour «voir le caractère du gouvernement chinois».

«Soyons clairs sur une chose. Le problème avec les Olympiques en Chine n’est pas l’implication de la Chine au Soudan. Le problème avec les Olympiques en Chine, c’est la Chine», conclut-il.