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Daniel Mesguich et Satoshi Miyagi : un Duo détonnant pour mieux préparer Beijing 2008

Écrit par Michal Neeman, La Grande Époque - Paris
20.02.2008
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Neige d'été est une pièce qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Pour certains elle représente un nouveau genre et mérite d’être enseignée dans les cours de littérature et de scénographie, pour d’autres c’est une faute de goût, un mélange de styles différents pour faire passer un message qui devient embrouillé. 

 

Il est vrai qu’on en a pour son argent: une ancienne pièce chinoise datant du XIIIe siècle interprétée par une actrice de Kabuki japonais (XVIIe siècle) montée dans un théâtre occidental contemporain sous la direction d’un metteur en scène russe pour décrire une actualité brûlante en Chine. Vous suivez ?

Alors recommençons ! Une troupe de théâtre contemporain se prépare à présenter à un festival de théâtre la pièce chinoise classique «Dou E,  l’innocente condamnée» écrite au XIIIe siècle par Guan Han Qing. Le rôle principal est interprété par Joie, interprétée elle-même par l’actrice japonaise Ayako Terauchi tandis que son double est interprété par l’actrice française, Marie Frémont.

  

Pièce dans la pièce, le spectacle traite du sujet antique d’une justice massacrée par un système juridique corrompu. Le personnage de Doue E est accusé d’avoir empoisonné son soi-disant beau père car elle refuse d’épouser l’Ane, un être  cupide qui a empoisonné lui-même son père en croyant empoisonner la mère de Dou E pour mieux arriver à ses fins. Au fur et à mesure que les acteurs s’identifient à leur personnage, leur propre destin va basculer dans une tragédie parallèle à celle qui se déroule dans la pièce antique qu’ils sont entrain de répéter. Comme le personnage de l’ancienne pièce, la fille et la mère de l’actrice principale sont persécutées et torturées tout simplement parce qu’elles aiment se lever tôt le matin pour faire leur méditation dans le parc. Finalement le bien triomphe puisque la neige tombera en plein été selon le dernier vœu de l’innocente condamnée, manifestant ainsi le désapprobation du ciel face à la corruption humaine. Jusque-là tout est clair ; l’injustice est intemporelle, elle traverse les continents, menée par le temps (superbement interprété par Catherine Berriane) qui n’y est pour rien et qui n’y peut rien. Mais quelle est la réalité brûlante qui est à la base de la pièce ? Il est difficile de le dire si on ne connaît pas le sujet.

C’est donc le troisième niveau qui reste le plus brumeux car le spectateur moyen n’est pas forcément au courant de la persécution contre les pratiquants de la méthode bouddhiste Falun Gong qui se passe de nos jours en Chine non seulement dans le district de Shu Zhou où se passe la pièce mais aussi à Pékin, à Shanghai et partout où il y a un bureau du parti communiste. Le spectateur non averti ne sait probablement pas non plus que le parti a fondé un bureau 610, comme l’indique le panneau au dessus du bureau du policier qui brutalise Parfum. Le bureau 610 est aux pratiquants du Falun Gong ce que la Gestapo était aux juifs sous l’occupation nazie. Son rôle est de trouver les pratiquants de la méditation et de les éliminer par n’importe quel moyen. Il est placé au dessus de toute instance politique ou judiciaire.

«Tu ne sais pas encore tout. Nous pouvons encore fabriquer la haine. Cela, c’est notre spécialité. La haine entre les hommes, la haine du peuple contre vous, que vous périssiez sous la haine du peuple.»

«Tout cela n’est qu’un jeu pour moi. Un tout petit jeu pour moi…», dit le petit chef qui torture Parfum.

Et notre spectateur ne sait toujours pas que la scène dans laquelle le policier accuse Parfum de tentative de suicide ou d’incendier la capitale est inspirée par la fausse auto immolation que le régime a fabriqué pour diffamer le Falun Dafa.  

Quand l’Ane, le copain de Parfum dit « La TV reprenait un air de révolution déjà vu. C‘était comme un appel au meurtre... », notre spectateur candide ignore que le 20 juillet 1999 tous les medias en Chine ont diffusé  en boucle 24 /24 heures des fausses informations pour diffamer le Falun Gong. Il ne sait  pas non plus que le régime chinois a diffusé cette information dans les médias étrangers à travers ses ambassades et ses agences de presse et ainsi ont étendu la diffamation en dehors de la Chine.

Nous avons interviewé Ekaterina  Bogopolskaïa, critique de théâtre et membre du syndicat des critiques. 

Ekaterina  Bogopolskaïa : J’ai beaucoup aimé le propos d’assembler l’histoire contemporaine avec la légende ancestrale. A travers cette légende ancestrale on peut toucher les problèmes d’aujourd’hui. L’éloignement dans le temps donne de l’importance au sujet contemporain. Donc j’ai beaucoup aimé  ce procédé de conjuguer ces deux histoires et le fait que la pièce ancienne peut révéler la grande vérité de l’histoire contemporaine.

LGE : Qu’avez-vous pensé sur le fait de mélanger le théâtre japonais avec le théâtre occidental dans une pièce qui se passe en Chine ?

Ekaterina  Bogopolskaïa : J’ai beaucoup aimé le fait qu’il y avait deux actrices qui interprétaient le rôle de Dou E l’héroïne ; cette thématique est enracinée dans la tradition japonaise où il y a toujours le dédoublement des personnages. C’est un grand thème de l’art japonais, donc ce n’était pas quelque chose de bizarre. Au contraire c’était tout à fait dans l’esthétique de ce spectacle et c’était une très bonne idée. En même temps ça nous donnait le goût de la musique de la langue japonaise qui était en harmonie avec le corps, le sujet et avec tout ce qu’on voyait. Par ailleurs grâce à ce dédoublement, à l’actrice qui joue l’ombre, le double français, on pouvait aussi comprendre de quoi il s’agit et c’était une excellente idée.

Par contre j’ai trouvé que le spectacle n’était pas toujours égal. Il y a des morceaux qui étaient mieux travaillés, mais bon, comme j’étais à la première je pense qu’ils ont été retravaillés depuis. Parce que le procédé qu’on avait choisi à savoir le théâtre japonais, est un théâtre rituel, un théâtre symbolique et demande beaucoup plus de travail et de précision que le fonctionnement d’acteur dans une pièce soi-disant réaliste. Mais je répète que j’aime beaucoup le propos, et il suffirait que les deux metteurs en scène travaillent encore avec les acteurs pour aboutir vraiment à quelque chose de plus raffiné car le théâtre japonais est quand même le théâtre du raffinement avant toute chose. Evidemment l’actrice japonaise qui joue le rôle principal est beaucoup plus à l’aise.

Le fait qu’on puisse transposer le théâtre chinois à travers  la tradition japonaise dans le théâtre occidentale, c’est quand même osé et en même temps c’est original et ça permet tout de suite de s’éloigner de la rubrique des faits divers et de rendre le sujet beaucoup plus important. Je parle là du sujet de la persécution de Falun Dafa.

LGE : Justement, quel est le message de cette pièce pour vous ?

Ekaterina  Bogopolskaïa : Pour moi le message de la pièce c’est qu’il faut rester fidèle à ses convictions car de toute façon la justice sera rendue d’une manière ou d’une autre, ne fut-ce que symboliquement par une neige qui tombe sur la ville en plein été. Cela veut dire qu’il faut rester fidèle à ses convictions. Cela fait évidemment qu’on ne voit pas l’histoire du Falun Dafa car c’est trop abstrait. On ne comprend donc pas de quoi il s’agit, pourquoi ils sont torturés dans l’histoire moderne. On a du mal à comprendre pourquoi ils sont persécutés pour la méditation. Cela paraît complètement abstrait et métaphorique, alors qu’en fait c’est bien réel. »

LGE : Et vous, comment êtes vous au courant ?

Ekaterina  Bogopolskaïa : Il se trouve que j’ai vu un film qui parlait des persécutions en Chine. Mais pour un spectateur, pour un français qui vient regarder ce spectacle ce n’est pas du tout évident qu’il s’agit d’une persécution qui a lieu  actuellement en Chine. Tout simplement il ne sait rien à ce sujet. En revanche, je trouve très beau que l’histoire devienne universelle dans le spectacle. Peut être que dans le programme il faut donner beaucoup plus d’information sur ce qui se passe réellement en Chine actuellement, et après c’est au spectateur d’en tirer les conclusions.

C’est un peu comme dans Antigone. Il s’agit de rester fidèle à ses idéaux même en sachant ce que tu risques de perdre. C’est dans ce genre d’idée.

LGE : En tant qu’originaire de l’ex Union-Soviétique, est-ce que vous voyez un parallèle avec le régime de Staline ?

Ekaterina Bogopolskaïa : Dans l’Union-Soviétique les gens ont été arrêtés à droite et à gauche sans aucune raison c’était pour semer le terreur et parce qu’ils avaient besoin de travail d’esclaves pour faire la course aux armement. Souvent ils pensaient qu’ils étaient arrêté par erreur il ne pouvaient pas penser que Staline pouvait être tout simplement un tyran.

 

Neige d’été est publié par les éditions L’Harmattan. Neige d’été, au Théâtre de Ménilmontant jusqu’au 6 mars.

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