Une crise humanitaire en perspective

Écrit par Irin News
21.02.2008

 

DUSHANBE – Le Tadjikistan pourrait être confronté à une crise humanitaire complexe, attribuable à des coupures de courant prolongées, à une période d’extrême froid exceptionnellement longue et à l’insécurité alimentaire naissante qui en résulte, ont révélé les autorités du pays.

«Nous avons eu l’hiver le plus rude des trois dernières décennies. Le froid a gelé les systèmes d’arrivée d’eau qui alimentent les réservoirs qui produisent de l’électricité. Parallèlement, les températures basses ont entraîné une augmentation de la consommation d’électricité», a déclaré Michael Jones, coordinateur résident des Nations Unies au Tadjikistan.

«C’est une crise complexe; elle est multidimensionnelle», a expliqué à IRIN M. Jones, le 11 février dernier.

Pendant presque tout le mois de janvier, les températures à Dushanbe, la capitale, ont été en moyenne de moins 15 degrés pendant la journée, et ont baissé jusqu’à pas moins de moins 25 degrés la nuit, selon le Programme d’atténuation des catastrophes naturelles du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) au Tadjikistan.

«Les turbines [des usines hydroélectriques] ne peuvent pas produire du courant pour Dushanbe et les autres régions du pays», a expliqué M. Jones. «C’est ce qui est actuellement à l’origine des longues coupures de courant.»

Selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, la production hydroélectrique représente 76 % de l’énergie totale produite dans le pays.

Sharifkhon Samiev, directeur de Barqi Tojik, la compagnie nationale d’électricité, a déclaré, le 7 février dernier, que le secteur énergétique du pays était en crise. En conséquence, la centrale électrique de Barqi Tojik a mis en place un plan de rationnement de l’électricité dans le pays.

«Le Tadjikistan est au bord d’une réelle catastrophe humanitaire. Le gouvernement ne peut faire face à la crise sans l’aide de la communauté internationale», a estimé Tursun Kabirov, un analyste local.

Hôpitaux, orphelinats, les plus vulnérables

«Les plus touchés par cette crise sont les hôpitaux, les orphelinats et les établissements où nous avons des groupes de personnes vulnérables», a déclaré M. Jones.

«Nous savons à présent que nous allons avoir de longues coupures [de courant] pendant au moins 25 jours – et, par coupures, j’entends peut-être deux heures d’électricité par jour, trois ou quatre heures, peut-être, dans d’autres localités», a expliqué le représentant des Nations Unies.

Dans les hôpitaux, la température est inférieure à zéro, et les bébés prématurés vulnérables devant être placés en couveuses sont particulièrement exposés, selon les autorités et les experts.

Le chauffage

Pour ce qui est du chauffage, ce sont les zones urbaines qui sont les plus vulnérables.

«Le problème [de l’électricité et du chauffage] semble se poser principalement dans les zones urbaines. Ici, dans les immeubles de plusieurs étages, les gens dépendent totalement de l’électricité et du gaz naturel pour [le chauffage et la cuisine], alors que dans les zones rurales, la population a l’habitude de vivre sans électricité; elle utilise d’autres formes de combustibles», a expliqué M. Jones.

D’après les conclusions d’une enquête, portant sur l’impact des coupures de courant sur les foyers, menée entre la fin de janvier et le début de février par le réseau REACT (constitué des ministères tadjiks, des agences des Nations Unies et des grandes organisations non gouvernementales concernées), 88 % des foyers interrogés à Dushanbe ont indiqué que l’électricité était leur principale source de chauffage.

Dans les grands immeubles d’habitation, les systèmes de chauffage datant de l’ère soviétique sont généralement en panne et le réseau de distribution électrique dans son ensemble a été d’autant plus perturbé, récemment, par la suspension des livraisons de gaz, décidée par les autorités de l’Ouzbékistan.

Insécurité alimentaire

Les coupures d’électricité ont entraîné une hausse du prix des denrées alimentaires, et les foyers, dans les zones rurales notamment, ont dû dépenser plus pour se procurer du combustible. Les effets combinés de ces deux facteurs font que les foyers disposent de moins de ressources pour se procurer des vivres, a dit M. Jones.

Toujours selon les conclusions de l’enquête du réseau REACT, environ 35 % de la population de Dushanbe a des difficultés pour se procurer de la nourriture et d’autres produits de première nécessité, contre 63 à 78 % dans d’autres régions.

D’après M. Jones, le nombre total de personnes vulnérables – ce qui inclut les enfants dans les orphelinats, les bébés prématurés dans les maternités, les patients hospitalisés et les personnes qui n’ont pas les moyens de se payer plus d’un repas par jour – est d’environ 500 000.