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Tohu-bohu

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
10.03.2008
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  • La salle de spectacle circulaire de la TOHU. (攝影: / 大紀元)

La vie citoyenne s’approprie un environnement urbain mis à mal par l’industrialisation

À l’heure du développement durable, certains membres de la société civile tentent d’humaniser les anciennes cités industrielles. C’est avec cette idée en tête que les fondateurs de la TOHU ont pris le pari de ressusciter une zone en friche d’un ancien quartier ouvrier de Montréal. En 1999, contre toute attente, naissait un organisme à but non lucratif appelé à rayonner dans son quartier d’adoption. Une décennie plus tard, le complexe de la TOHU s’est transformé en navire amiral d’une véritable renaissance urbaine.

Situé à l’entrée du Complexe environnemental de Saint-Michel (CESM), sur le terrain de ce qui fut, naguère, un site d’enfouissement, cet étonnant complexe culturel tisse des liens inusités avec son voisinage. En effet, outre son rôle initial qui consistait à abriter une «Cité des arts du cirque», la TOHU sert aussi de lieu de rassemblement et de divertissement pour les populations limitrophes. Implanté dans l’arrondissement Saint-Michel, un secteur populaire, le fougueux organisme serait en train de faire la preuve que la culture peut être un moteur de développement économique. Véritable incubateur pour les jeunes créatifs du cirque, avec la première salle de spectacle circulaire au Canada, la TOHU favorise aussi la diffusion des cultures émergentes.

Faire émerger la vie du chaos urbain

À l’origine, c’est le terme Tohu-bohu qui aura donné le ton à cette grande aventure collective. Dérivé de l’ancien hébreu, Tohu-bohu réfère à l’état de la Terre, dans le chaos primitif. Bien avant que les hommes ne l’habitent, la Terre aurait été un amalgame de matière informe… «tohu» signifiant non habitable. C’est sans doute cette signification qui aura inspiré les instigateurs de cette entreprise humaniste, dans un contexte où la vie des grandes villes peut sembler chaotique à maints égards.

Et, en l’absence d’un véritable consensus parmi les élites politiques, plusieurs de nos créatifs auront décidé de relever le défi d’établir leurs quartiers généraux dans les secteurs les moins nantis de la cité. Un collectif de plus de 300 artistes et artisans a bien tenté de se fédérer au sein de l’immense complexe industriel de la Grover, dans le quartier Sainte-Marie, histoire d’y établir leurs pénates de façon permanente. D’autres collectifs d’artistes tentent de se fédérer afin de s’approprier les espaces résiduels de nos cités, menacés par l’appétit des promoteurs de tout acabit. Et, en l’espace d’une décennie, la TOHU aura fait la preuve qu’une initiative culturelle peut bourgeonner dans son quartier d’adoption, en ouvrant ses portes aux acteurs locaux et en mettant à contribution les forces vives d’une jeunesse qui est, plus souvent qu’autrement, laissée pour compte en ville.

Une initiative locale ayant un impact à l’étranger

Une telle entreprise collective ne pouvait faire autrement que de se reproduire à l’étranger. C’est ainsi que le directeur général de la TOHU, Charles-Mathieu Brunelle, fut invité à présenter son organisme dans le cadre de la Conférence mondiale sur le développement des villes. Le 16 février dernier, M. Brunelle débarquait donc à Porto Alegre, au Brésil, le cœur léger et la tête pleine de témoignages à partager avec ses interlocuteurs. Bien au-delà de l’aspect strictement culturel, le porte-parole de la TOHU désirait insister sur l’importance de développer des «pôles d’attraction ancrés dans les préoccupations locales», pour reprendre les termes du communiqué officiel.

Rejoint à ses bureaux, à Montréal, le principal intéressé tenait à souligner que l’approche mise en œuvre au sein de la TOHU n’est, certes, pas étrangère à cet altermondialisme qui a fait les beaux jours de Porto Alegre depuis 1996. À cette époque, alors que les puissants de ce monde se réunissaient à Davos, en Suisse, une cohorte d’activistes et d’intellectuels se réunissait, quant à elle, afin de jeter les bases d’une participation citoyenne qui concernait, fort justement, l’avenir des villes. M. Brunelle aime aussi à rappeler que, déjà, vers la fin du XIXe siècle, une première mobilisation citoyenne avait vu le jour à Londres, en pleine révolution industrielle. Et c’est manifestement l’idée de rendre la ville à ses citoyens qui intéresse notre interlocuteur.

À la rencontre de l’autre

Si la citoyenneté est un gage d’intégration, on aura compris qu’elle se forge dans le creuset de la différence et de l’hétérogénéité. Charles-Mathieu Brunelle soutient qu’il est impératif «d’aller à la rencontre de l’autre, dans une disposition de l’esprit qui se prête à l’introspection». L’espace socioculturel devenant un pôle d’échange et un facteur de changement, dans un contexte où «plutôt que de gérer la biodiversité, nous en sommes partie prenante», tient-il à ajouter.

Ainsi donc, bien au-delà d’un complexe culturel, la TOHU serait devenue un «instrument de rencontre», pour reprendre une heureuse expression de notre conférencier à l’autre bout du fil. À l’heure où pas moins de 65 communautés culturelles se côtoient dans l’ancien quartier ouvrier Saint-Michel, la «capacité de gérer la diversité» serait donc gage de réussite à tous les niveaux. Si l’on se fie au bilan que dresse M. Brunelle, «les gens du quartier se sont appropriés nos infrastructures, faisant en sorte que la TOHU devienne beaucoup plus qu’une institution de diffusion culturelle au sens traditionnel».

Outre sa fonction de centre d’incubation pour les arts du cirque, ce complexe protéiforme ouvre ses portes à des expositions, des concerts ou des événements que peut se payer le commun des mortels. Et, sa configuration originale invite les badauds à venir explorer les quelques sentiers de ce qui sera appelé à devenir un véritable jardin d’Éden. En effet, l’ancien site d’enfouissement est en train de se convertir en immense parc, attirant plus de 40 000 visiteurs par année, ce qui fait preuve que les jardins parfumés peuvent croître sur les vertiges d’un site qui regorgeait de déchets naguère, avant la mobilisation des artisans de la TOHU.

Ainsi donc, cette expérience collective vient alimenter les velléités de nos édiles de mousser Montréal comme ancienne cité industrielle reconvertie en véritable «cité-jardin».

À l’instar du célèbre chalet du Mont-Royal ou de la promenade du Vieux-Port de Montréal, la TOHU sera devenue une interface privilégiée, une véritable «place publique», pour parler comme les urbanistes. Plus de 40 spectacles gratuits, ou presque, sont diffusés, bon an mal an, auprès de la population : des expositions de photographies ou d’arts visuels et des concerts font preuve que la culture est l’affaire de tous. Véritable approche prospective, cette initiative favoriserait «le redéploiement de friches urbaines qui, autrement, auraient été laissées pour compte», conclut M. Brunelle.

Nous vous reviendrons avec un article portant sur les aspects environnementaux de ce bâtiment qui a obtenu une certification LEED OR. D’ici là, vous pourrez toujours aller jeter un coup d’œil sur le site de la TOHU : [www.tohu.com].

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