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Le Partenariat nord-américain manque de transparence, affirment les critiques

Écrit par Joan Delaney, La Grande Époque - Victoria
12.03.2008
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  • Un homme se rince le visage après que la police a utilisé des gaz lacrymogènes(Stringer: AFP / 2007 AFP)

Selon à qui vous parlez, le Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité (PSP) sera positif pour le Canada ou aura pour effet une assimilation aux États-Unis tellement poussée que la souveraineté du Canada deviendra chose du passé.

Ayant fait l’objet d’une entente en mars 2005 entre le président américain George W. Bush, l’ex-premier ministre canadien Paul Martin et l’ex-président mexicain Vicente Fox, le PSP a pour objectif d’harmoniser les standards entre les trois pays pour faciliter le commerce et améliorer la sécurité.

D’après le site Internet du PSP, les trois pays doivent se «coordonner» dans les domaines de la sécurité frontalière, de l’énergie durable et de l’environnement, de la politique économique et commerciale, de la gestion des urgences et de la protection civile, de la sécurité des aliments, etc.

Toutefois, les critiques affirment que le PSP a un programme de «profonde intégration» avec les États-Unis, a une surreprésentation des grandes entreprises et opère en secret et sans disposition en prévision d’une participation de la population.

Décrit comme un «dialogue», le PSP n’est pas un traité et ne requiert pas de législation officielle.

«Ce qui peut être expliqué en partie par le fait que les partisans de l’intégration continentale se sont rendu compte que la population au Canada et aux États-Unis n’appuierait pas un nouveau traité», estime Michael Byers, de la chaire de recherche en politique et droit international à l’Université de Colombie-Britannique.

«Ceci est essentiellement conçu pour limiter le genre d’opposition politique qui pourrait être générée par un processus officiel et transparent. En fait, c’est assez ingénieux.»

Le PSP est apparu pour la première fois sur l’écran radar de plusieurs Canadiens en août 2007 lors d’un sommet à Montebello, au Québec. Des manifestants y avaient fait beaucoup de bruit, dénonçant l’intégration, le programme corporatiste du PSP et l’absence d’espace pour une participation publique.

Mais ce ne sont pas les sommets annuels du PSP qui posent un problème, mentionne M. Byers.

«Ce sont les rencontres entre bureaucrates non élus (américains, canadiens et mexicains), des comités transnationaux qui ont pour mandat d’harmoniser les règles et standards qui gouvernent ce qui se passe dans ces trois pays, et ils font ça sans examen rigoureux du Parlement.»

Les opposants au PSP affirment que les standards élevés du Canada quant à la sécurité alimentaire et la sécurité au travail pourraient être nivelés par le bas pour rejoindre ceux des États-Unis et du Mexique.

Un élément-clé du PSP est le Conseil de compétitivité nord-américain, composé de 30 présidents d’entreprises et de conseils d’administration, dix de chaque pays, chargés de diriger le processus de partenariat.

«Une de nos plus grosses plaintes est que ce groupe consultatif officiel et permanent du PSP est composé seulement de présidents d’entreprises des trois pays, certains venant des compagnies les plus riches, et il est le seul groupe que notre gouvernement choisit d’écouter en ce qui a trait à ce partenariat nord-américain», déplore Stuart Trew, chercheur au Conseil des Canadiens, un organisme de protection civique.

Lors de discussions entre l’ambassade américaine et le Conseil des Canadiens, indique M. Trew, le Conseil a été informé que le débat sur le PSP ne serait pas prolongé de manière à éviter «une autre lutte épuisante [comme sur] l’ALÉNA».

Michael Hart, de la chaire Simon Reisman en politique commerciale à l’Université Carleton, est tout à fait en faveur du PSP et d’une intégration poussée avec les États-Unis.

«Ça éliminera le genre de choses qui empêche nos économies de mieux fonctionner en résolvant certains des problèmes frontaliers», explique-t-il. «Et deuxièmement, c’est un début pour identifier certains des obstacles réglementaires pour améliorer la performance des deux économies.»

M. Hart voit la frontière comme un obstacle à l’interaction et l’intégration entre le Canada et les États-Unis. Dans un récent article d’opinion publié dans le National Post, il affirme que les attaques terroristes du 11 septembre fournissaient une opportunité en or de «re-concevoir la frontière», mais le Canada ne l’a pas saisie.

«Si nous avons chacun nos propres règles pour accomplir en général la même chose, mais d’une manière un peu différente, cela paraît raisonnable d’essayer de trouver d’autres manières qui seraient compatibles», plaide-t-il. «C’est tout, c’est ça le PSP, on s’inquiète à propos de ça.»

M. Hart rejette les accusations de manque de transparence du PSP. Il dit que les seules personnes qui ont des inquiétudes à son sujet au Canada «sont celles à gauche qui pensent qu’on devrait s’inquiéter de quoi que ce soit qui implique les Américains.»

Toutefois, certaines personnes au sud de la frontière ne sont pas très contentes non plus.

Howard Phillips, président du Conservative Caucus, un groupe de pression en politique publique dans l’État de Virginie, fait remarquer que même si la plupart des Américains sont «grandement ignorants» du PSP, une coalition de plusieurs dizaines d’organisations planifie une manifestation lors du prochain sommet devant avoir lieu en Nouvelle-Orléans les 21 et 22 avril 2008.

Ces organisations affirment que le PSP a un programme pour fusionner les trois pays dans une Union nord-américaine, avec une devise commune et pratiquement aucune frontière. Parmi d’autres inquiétudes, elles craignent l’érosion de la souveraineté américaine.

«Le PSP, selon nous, est la première étape d’une longue série de développements», croit M. Phillips. «Ça mènera à la création d’une superstructure bureaucratique, fusionnant les autorités gouvernantes des trois pays nord-américains.»

Le congressiste américain Virgil Goode de Virginie a présenté une résolution au Congrès demandant au président Bush d’abandonner le PSP.

Le préambule de la résolution de M. Goode se réfère au Trans-Texas Corridor actuellement en construction au Texas, notant qu’un «système d’autoroute de l’ALÉNA, allant de la côte ouest du Mexique et traversant les États-Unis puis le Canada, avait été suggéré en tant que partie de l’Union nord-américaine pour faciliter le commerce entre les pays du PSP».

Toutefois, sur le site Internet du PSP, le gouvernement américain indique qu’il n’y a aucun projet de construire une autoroute ALÉNA ou de créer une Union nord-américaine.

Au Mexique, le PSP a été surnommé «ALÉNA Plus» depuis que l’ex-président Fox a annoncé en 2003 que le Mexique, les États-Unis et le Canada débuteraient des négociations vers «une nouvelle phase de l’ALÉNA».

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Selon Laura Carlsen, directrice du Programme de politique américaine au Centre for International Policy à Mexico, le PSP est une continuation de l’ALÉNA et est poussé vers la population mexicaine à un moment où des groupes de la société civile cherchent des moyens de réduire la portée de l’ALÉNA.

Le 31 janvier 2008, 200 000 fermiers et leurs sympathisants sont descendus dans la rue pour demander que la clause sur l’agriculture dans l’ALÉNA soit renégociée. Ils réagissaient contre le retrait des tarifs le 1er janvier 2008 sur les fèves et le maïs, la nourriture de base des Mexicains.

Les fermiers s’inquiètent du fait que ceci va ouvrir la voie à des importations massives, car ils perdront la part du marché qu’ils ont actuellement.

«Le milieu rural est dans une situation si désastreuse depuis l’entrée en vigueur de l’ALÉNA au Mexique que les fermiers en sont venus au point de reconnaître la relation entre leur souffrance et l’ALÉNA», estime Mme Carlsen.

Les opposants au PSP au Canada et au Mexique craignent que l’intégration poussée signifie que les États-Unis, de loin le partenaire le plus puissant, sera le pays qui prend les décisions.

«C’est une intégration qui, au lieu d’être un processus égalitaire d’intégration entre trois pays, ressemble davantage à un processus de subordination du Canada et du Mexique au programme des États-Unis. Et ceci, avec cette administration, est tout simplement dangereux», croit Mme Carlsen.

Mais selon Michael Hart, ça ne fonctionne pas comme ça. «La plupart des ententes que nous avons nécessitent notre accord. Ce n’est pas que les États-Unis nous ordonnent, nous travaillons ensemble.»

Au Canada, le NPD continue de faire pression sur le gouvernement au sujet de la discrétion du PSP, et la chef du Parti vert, Elizabeth May, affirme que l’intégration poussée sera au cœur de la plateforme de son parti lors de la prochaine élection.

Le Conseil des Canadiens a demandé un débat public, un débat parlementaire et un vote parlementaire sur le sujet.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.