Combat de coq

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque - Montréal
12.03.2008

Critique de film 

  • Sébastien Messier et Guillaume Lemay-Thivierge(攝影: / 大紀元)

L’amitié que l’on éprouve pour une personne peut devenir un élixir amer qui empoisonne la vie, lorsque mêlée à la jalousie et à l’envie. Jalousie que l’on voudrait écraser comme on écrase un gant de boxe sur le visage de son adversaire, entre les câbles d’un ring. David Boutin et Guillaume Lemay-Thivierge incarnent dans La ligne brisée deux personnages qui utilisent la boxe comme prétexte pour régler leurs problèmes d’amitié écorchée.

Sébastien Messier (David Boutin) est un boxeur talentueux, mais «tête brûlée», à l’aube de devenir champion du monde. Son ami d’enfance, Dany Demers (Guillaume Lemay-Thivierge), lui, est le second violon du gym qui ferait tout pour son meilleur chum. Lorsque, pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le sport, Messier perd le match de sa carrière, il s’écroule et sombre dans l’alcool et les batailles de bars miteux. Quand une étoile s’éteint, une autre naît. Durant les cinq années suivantes, Demers a le champ libre et, à force de travail et d’une tête plus solide sur ses épaules, il obtient à son tour sa chance sur le ring… et remporte le titre tant convoité. Messier qui s’effrite de jalousie, parce que plus talentueux au départ que Demers, tente de se remettre en shape pour pouvoir «planter» son ami et porter la ceinture du numéro 1 qu’il estime lui revenir de droit.

Chapeau (et c’est sûrement unanime) pour l’entraînement des deux comédiens et le réalisme des combats. On y croit à cet univers de la boxe et, par de nombreux retours en arrière qui nous dévoilent graduellement les enjeux de cette amitié, on nous prépare habilement à l’affrontement ultime dans lequel on embarque pleinement.

Mais ne vous laissez pas tromper, cette exploration québécoise de ce genre cinématographique n’est que le moyen de s’aventurer plus en profondeur dans la relation qu’entretiennent ces deux hommes qui se tapent dessus. Le réalisateur Louis Choquette (2 frères, Tabou et Rumeurs) a décidé de présenter les forces, mais aussi les vulnérabilités de ces deux durs à cuire. On s’attache autant à l’un qu’à l’autre, car ils ne sont pas des personnages monolithiques comme pouvaient l’être les adversaires de Rocky Balboa. Si bien que – contrairement aux combats entre l’étalon italien et Appolo Creed – dans La Ligne brisée, on a mal pour les deux opposants.

Lors de différentes scènes, on nous montre plusieurs facettes de ces deux protagonistes qui, chacun à leur tour, se dominent l’un l’autre, tantôt l’un éprouve de la jalousie, tantôt l’autre doute de ses propres capacités à cause de l’ascendant de son ami, etc. On présente la vraie complexité d’une amitié entre deux gars, qui débouche – comme c’est souvent le cas à différents degrés dans la vraie vie – sur l’envie et la compétition. C’est l’élément central du film.

Certains choix au niveau de la scénarisation sont néanmoins discutables, par exemple, le dénouement de la relation entre la physiothérapeute, Fanny Malette, et Messier qui rappelle un peu trop, et sans que ce soit vraiment nécessaire, un certain film de Denis Villeneuve… En outre, à l’arrivée du générique, on demeure quelque peu perplexe puisque la conclusion laisse certains éléments en suspens.

Cependant, c’est un film à voir ne serait-ce que pour la performance des deux comédiens et pour assister à un match de boxe dont les enjeux ne sont pas présentés de manière simpliste, mais concrétisent un combat plus profond.