Le pot magique

Écrit par Radio Son de L’Espoir
14.03.2008
  • Un pot géant(攝影: / 大紀元)

Un jour, un pauvre paysan bêchait son petit champ, quand il entendit soudain quelque chose résonner sous sa pioche. Il ôta prudemment la glaise tout autour et découvrit ainsi un grand récipient, enfoui dans la terre. C’était un pot de la grandeur d’un tonneau, semblable à ceux dans lesquels les paysans conservent leur blé, leurs réserves d’eau ou leurs légumes marinés, le kimtchi.

Le récipient était légèrement fendu, mais pour ce paysan pauvre, il pouvait encore servir. Il l’emporta donc chez lui et le déposa dans la cour. Épuisé par une longue journée de labeur, il mit sa pioche dans le récipient et alla prendre, à la table, son modeste souper.

Le lendemain à l’aube, il reprit sa pioche et s’apprêtait à se rendre aux champs. Mais quelle surprise lorsqu’il vit sortir du pot une deuxième pioche, tout à fait semblable à la sienne! Il prit aussi la deuxième et, alors, en apparut une troisième. «Quelle chose étrange!», pensa-t-il.

Intrigué, il jeta une pièce dans le pot, puis il la reprit. Aussitôt, une autre apparut à sa place. La chose se reproduisit avec tout ce qu’il introduisit dans le récipient: sa chemise, son pantalon et ses sandales de paille.

«Ma femme, viens vite voir!», s’exclama-t-il joyeusement.

Et il montra à son épouse les merveilles accomplies par le pot en grès.

À présent, ils ne connaissaient plus la misère: il suffisait de jeter dans le pot quelques poignées de riz pour remplir leur sac. Il en était de même avec les graines de soja, les œufs, les poules...

La nouvelle du pot magique se répandit très vite dans le village et, bientôt, il n’y eut pas une seule personne dans la région qui n’enviât au paysan son précieux trésor.

Quelques jours plus tard, celui-ci reçut la visite du plus riche fermier du village, un homme avare qui le questionna ainsi: «Où as-tu trouvé ce pot?»

«Dans mon champ», répondit le paysan.

«Alors ce pot m’appartient», proclama le riche fermier avec autorité.

«Comment cela? Je l’ai déterré dans mon champ...», protesta le paysan.

«Tu sais qu’à l’origine ce champ appartenait à notre famille. Tu ignores, en revanche, que c’est mon grand-père qui a enterré ce pot à l’époque des guerres. Je l’avais oublié moi aussi et je t’ai vendu ce champ. Certes, la terre t’appartient, mais le pot est à moi.»

Ainsi, se querellèrent-ils pendant des heures, mais chacun demeura sur ses positions. Ils décidèrent donc d’aller soumettre leur différend au préfet.

Celui-ci les écouta, fit apporter le pot et vérifia personnellement son pouvoir magique. Il était réel en effet: l’objet déposé dans le récipient se multipliait.

«Il me faut ce pot», se dit le préfet qui s’imaginait déjà comment, avec une seule pièce d’argent, il pourrait en obtenir un millier. Alors, il se tourna vers les deux hommes qui attendaient impatiemment son verdict et proclama d’un ton péremptoire:

«Quand vous ne possédiez pas ce récipient bizarre, vous viviez dans la paix et l’harmonie. Aujourd’hui, il est difficile de vous arbitrer, car chacun a raison à sa manière. Aussi, quel que soit mon verdict, celui qui n’obtiendra pas le pot se sentira lésé et votre querelle se poursuivra indéfiniment. C’est pourquoi, dans l’intérêt même de l’ordre public, et en vertu de mon autorité, je confisque le récipient, qui revient à l’administration.»

C’est en vain que le paysan fit valoir son droit, et son voisin envieux, ses prérogatives. Tous deux furent contraints de repartir les mains vides et d’abandonner le pot au préfet. Celui-ci le plaça sur son balcon.

«Que fait ici ce pot fendu?», s’étonna le père du préfet, qui approchait des quatre-vingts ans. Intrigué, le vieil homme à la stature voûtée glissa la tête dans le pot géant, presque aussi haut que lui. Et comme il ne voyait pas bien, il monta sur un rondin de bois et se pencha à nouveau. C’est alors qu’il perdit soudain l’équilibre et tomba la tête la première dans le récipient.

«Aïe! Au secours!», cria-t-il.

Heureusement, les serviteurs n’étaient pas loin et ils le délivrèrent rapidement.

Mais que se passait-il? Dans le pot, se blottissait et gémissait un autre vieillard. Ils l’en sortirent lui aussi mais, à sa place, en apparut un autre, puis un autre, et encore un autre. C’était sans fin et, avant qu’on n’ait pu prévenir le préfet, une centaine de vieillards, tous identiques, étaient assis sur le balcon.

Épouvanté, le préfet voulait savoir lequel était son vrai père et appela: «Père!»

«Qu’y a-t-il, mon fils?», répondirent à l’unisson une centaine de bouches. «Lequel d’entre vous est vraiment mon père?», s’écria le préfet irrité.

«Moi! Moi!», firent cent gorges à la fois.

Alors commença un tapage indescriptible.

«Quoi! Toi, son vrai père? Menteur! Hors d’ici!»

Ainsi s’injuriaient-ils et cette querelle ne tarda pas à dégénérer en bagarre. Les vieillards s’agrippaient par les vêtements, se tiraient les cheveux et la barbe. Les gifles et les coups de pieds volaient. Boum! Dans la bagarre, les vieillards en colère heurtèrent involontairement le grand pot, qui tomba et se cassa en mille morceaux.

«C’est la fin de tout», gémit le préfet. En voyant le récipient brisé, il comprit qu’il ne lui apporterait jamais la richesse. Bien au contraire, il serait désormais contraint de nourrir et de vêtir non plus un seul, mais une centaine de vieillards querelleurs.

Contes et légendes de Corée par Vladimir Pucek

Adaptation française de Karel Tabery