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«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme»

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
17.03.2008
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L’ingénieur Martin Roy et son équipe ont fait des miracles dans le cadre du projet de la TOHU 

  • système de circulation d’air(攝影: / 大紀元)

La maxime d’Anaxagore de Clazomènes, un philosophe présocratique, est particulièrement vraie lorsque l’on se penche sur le projet architectural du petit complexe de la TOHU. Véritable tour de force en matière d’efficacité énergétique, ce projet fait la preuve qu’il est possible de concilier développement durable et rentabilité économique. L’ingénieur Martin Roy nous a livré quelques secrets sur la genèse d’une entreprise collective qui risque fort de tracer la voie pour la prochaine décennie.

Cet imposant projet d’architecture verte a été complété en 2004 et fait toujours parler de lui dans les médias aux quatre coins du monde. Et pour cause. Au-delà de la construction d’un bâtiment destiné à épauler la relève dans le domaine des arts du cirque, le projet de la TOHU visait à tirer parti de la revitalisation d’un immense site d’enfouissement – le deuxième en importance en Amérique du Nord – afin d’ériger ce qui allait devenir un modèle de bâtiment vert.

Ce qui frappe le regard, c’est surtout l’immense cylindre qui abrite une salle circulaire de 60 mètres de diamètre. Ce qui constitue le pavillon principal de la TOHU aurait dû être construit sous forme d’un parallélépipède au début. Mais, comme nous le confiait Martin Roy en entrevue, «nous avons fait plusieurs recherches afin de nous documenter sur l’histoire des scènes en usage dans le domaine du cirque. Après bien des séances de consultation, nous avons réalisé que la tradition imposait une scène avec des chapiteaux afin de garantir un maximum de mouvement aux artistes de la scène. Une scène circulaire s’imposait d’emblée. Toutefois, c’est notre approche environnementale qui a déterminé la forme extérieure du pavillon».

Conception intégrée

Martin Roy et son cabinet d’ingénieurs conseils se sont penchés sur les éléments mécaniques et l’analyse énergétique du bâtiment. La commande était passablement exigeante, puisqu’il fallait aménager et construire un complexe respectueux de son environnement et, aussi, relativement autonome sur le plan énergétique. C’est ce qui a poussé Martin Roy à faire appel au processus de la conception intégrée.

Cette approche fait en sorte d’asseoir tous les intervenants impliqués dans le projet autour de la même table, ce qui favorise une meilleure concertation entre tous. L’architecte Jacques Plante ainsi que la firme Jodoin Lamarre Pratte et associés architectes ont travaillé en consortium avec une pléiade de spécialistes du bâtiment, dont Martin Roy, la firme Shème consultants ainsi qu’Andreas Athienitis, de l’Université Concordia, un chercheur qui a conduit des tests de simulation de l’écoulement de l’air afin de maximiser les solutions de ventilation et de climatisation du bâtiment.

Notre interlocuteur nous rappelait, fort justement, que le concept de la conception intégrée est apparu au milieu des années 1990, dans le cadre de la conception de bâtiments scolaires d’envergure. Un groupe de travail était formé afin que tous puissent tenir compte de paramètres essentiels, comme l’orientation du bâtiment, favorisant une conception intégrée.

Mais «la pratique ne s’est toujours pas répandue, puisqu’une majorité de maîtres d’œuvre font appel à des intervenants qui travaillent en “silo”, chacun tirant sur la couverture afin de maximiser son profit individuel. Dans le cadre de la TOHU, il a été convenu de prioriser les aspects liés à la consommation d’énergie, du début du projet jusqu’à la fin de sa durée de vie», tenait à préciser M. Roy. Autrement dit, cette nouvelle approche se soucie des impacts environnementaux d’un bâtiment durant sa construction, mais tient aussi compte de ses cycles de vie par la suite. En s’attaquant aux problèmes de la mécanique du bâtiment, l’ingénieur et son équipe désiraient augmenter son efficacité énergétique, tout en utilisant des sources d’énergie renouvelable.

Géothermie passive

Dans un contexte où le réchauffement de la planète gagne du terrain, M. Roy estime que «le chauffage de l’air de ventilation peut représenter jusqu’à 30 % de la consommation d’énergie de chauffage d’un bâtiment commercial. C’est malheureux de constater que l’on installe de plus en plus de systèmes de climatisation coûteux, mais ça ne me surprend pas puisque l’industrie de la climatisation serait la deuxième en importance en Amérique du Nord».

Pourtant, force nous est de reconnaître avec notre interlocuteur qu’il est possible de climatiser ou de chauffer des bâtiments pour presque rien. Le métro de Montréal est un exemple probant, alors que la chaleur des trains et le mouvement des usagers tient lieu de source de chauffage gratuite pendant les mois d’hiver, ce qui peut être qualifié de géothermie passive.

C’est dans cet état d’esprit que M. Roy s’est tourné vers les méthodes millénaires de ventilation, faisant en sorte que l’air, ayant été préalablement refroidi dans des conduits souterrains, soit distribué autour d’une pièce. Cette réappropriation de la géothermie passive a été rendue possible grâce à l’utilisation de méthode ultraperformante de conception et de modélisation. Une expérience qui démontre, hors de tout doute, qu’il est possible de jumeler la haute technologie avec des approches artisanales, voire ancestrales. D’ailleurs, il tenait à nous rappeler qu’«il s’agit de méthodes millénaires de ventilation que l’on retrouve un peu partout en Europe. Nous n’avons rien inventé en définitive».

Nos intrépides apprentis sorciers ont donc opté pour un système de ventilation naturelle et hybride, un concept qui utilise l’effet de cheminée de la salle de spectacle pour évacuer l’air chaud. L’air de la salle se réchauffe graduellement et, puisqu’il est plus léger que l’air froid, est donc aspiré par la cheminée d’évacuation située sur le toit de la salle. Par ailleurs, on utilise bien peu de chauffage par les froids d’hiver, puisque la coque en béton préfabriqué de la salle de spectacle permet de générer une masse thermique importante qui fonctionne sur le principe d’une batterie.

Un effet de levier

L’ensemble du complexe est chauffé par le biogaz issu du site d’enfouissement du Complexe environnemental de Saint-Michel, lequel est transformé en électricité par une entreprise voisine, la société Gazmont. Martin Roy tenait à nous rappeler «que c’est la chaleur résiduelle du processus de transformation en électricité du biogaz qui est acheminée jusqu’à la TOHU. Autrement dit, cette cogénération d’énergie n’émet pas de gaz à effet de serre et nous permet d’économiser près de 30% de la facture de chauffage en temps normal».

Poussant l’inventivité jusqu’au bout, l’équipe derrière Martin Roy a conçu un gigantesque bac à glace intégré au bâtiment – qui peut être vu à travers le plancher transparent du hall d’entrée – qui, combiné à la géothermie passive, permet de réguler la température intérieure du pavillon. «L’idée était de produire une source de froid pendant 22 heures afin de climatiser la salle de spectacle pour une durée de deux heures», ajoutant qu’«un tel système fait que l’on consomme dix fois moins d’énergie lors d’un spectacle que si on utilisait des équipements de climatisation conventionnel.» Toutes ces techniques font que le bâtiment de la TOHU consommerait autour de 30 % de ce qu’un édifice de cette envergure consomme en temps normal.

Cette vision intégrale fut, certes, récompensée par l’obtention d’une certification LEED OR, une première pour un bâtiment de ce type. Rappelons que ce programme de certification impose des normes et des critères de respect environnemental assez restrictifs et que c’est, sans doute, l’approche de la conception intégrée qui aura permis aux instigateurs de cette folle entreprise d’atteindre à un tel niveau d’excellence. Dorénavant, grâce au système de cogénération énergétique mis en place avec l’aimable participation de la société Gazmont, il serait possible de fournir d’autres bâtiments annexes en énergie renouvelable à bon marché. Qui sait, on pourrait peut-être, un jour, se retrouver avec un campus récréotouristique unique au monde!

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