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Bush bloque la loi antitorture

Écrit par Genevieve Long,La Grande Époque – New York
18.03.2008
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  • Le président américain, George W. Bush. (Stringer: SAUL LOEB / 2008 AFP)

NEW YORK – Une loi ayant pour objectif d’empêcher l’armée et les services de renseignement américains d’utiliser la torture a été bloquée. Le président des États-Unis, George W. Bush, s’adressant à la nation par voie radiophonique le 8 mars dernier, a affirmé avoir utilisé son veto contre la Loi sur l’autorisation de renseignement, pour la raison qu’elle réduirait les «outils importants» nécessaires pour prévenir des attaques terroristes contre l’Amérique.

«Le projet de loi que le Congrès m’a fait parvenir retirerait un des outils les plus utiles dans la guerre contre la terreur – le programme de la CIA pour détenir et questionner des chefs et agents terroristes clés», a fait valoir M. Bush dans son allocution.

Les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé ce geste et la logique qui le sous-tend.

«Le veto du président Bush, en somme, a rejeté les lois intérieures et internationales et a compromis les droits de l’homme pour justifier des pratiques illégales, inefficaces et immorales», a déploré Larry Cox, directeur exécutif d’Amnesty International USA, dans un communiqué de presse.

La section 327 de la Loi sur l’autorisation de renseignement 2008 (H.R 2082) aurait créé une norme unique pour toute collecte de renseignements durant les interrogatoires de combattants ennemis. Cette norme comprend des clauses qui concernent le traitement humain des prisonniers.

L’appui de militaires retraités

Le veto survient alors que l’administration Bush fait face à une tempête de critiques depuis quelques mois, à propos de ce qu’elle qualifie de «techniques d’interrogation avancées».

Ces techniques incluent le waterboarding, où la bouche et la gorge d’un détenu sont immergées d’eau pour simuler la noyade. L’objectif est de soutirer des renseignements qui, selon l’administration Bush, auraient aidé à prévenir des attaques terroristes post-11-septembre partout dans le monde.

Toutefois, certains des individus les plus critiques de ces techniques d’interrogation sont ceux qui ont des dizaines d’années d’expérience militaire. Un nombre considérable d’officiers supérieurs à la retraite, incluant un ex-commandant du Corps des Marines, ont envoyé une lettre au Congrès le 18 février 2008.

La missive, adressée au U.S. Senate Select Committee on Intelligence, a été signée par 43 officiers retraités de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine. Ils affirment que le guide pour l’interrogation des détenus devrait être le très estimé Army Field Manual. Ce dernier, utilisé depuis des décennies pour orienter les techniques d’interrogation, a été mis à jour en 2006 pour s’adapter à la guerre non conventionnelle. Il interdit strictement la torture et demande aux interrogateurs d’agir humainement.

«La situation actuelle – dans laquelle le militaire agit, selon un ensemble de règles d’interrogation qui sont publiques, et la CIA, selon un ensemble séparé de règles secrètes – n’est ni sage ni pratique», indique-t-on dans la lettre. «De manière à assurer, au sein du gouvernement, la conformité aux exigences de la Convention de Genève et de maintenir l’intégrité des normes de traitement humain sur lesquelles nos troupes se basent, nous croyons que tout le personnel américain – militaire et civil – devrait être soumis à une norme unique de traitement humain, telle que reflétée dans le Army Field Manual.»

S’adresser au public

Human Rights First (HRF), une organisation de défense des droits de l’homme, a fait beaucoup de lobbying pour qu’il y ait un changement de politique et elle a obtenu l’appui, entre autres, d’ex-militaires. Lors d’un forum public à New York il y a deux semaines, deux signataires de la lettre au Congrès ont été invités par HRF. Le major général Fred Haynes et le brigadier-général James Cullen se sont adressés à une foule debout de plus de cent personnes.

Le major général Haynes, un retraité du Corps des Marines et vétéran de trois guerres, fait partie de l’Histoire en tant qu’officier des opérations au sein du 28e Régiment. Ce dernier est renommé pour avoir érigé le drapeau américain sur le mont Suribachi, durant la bataille d’Iwo Jima contre le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, Haynes marque encore l’Histoire alors qu’il fait partie d’un groupe de vétérans demandant la fin de la torture contre les combattants ennemis. Il affirme que les leçons d’une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale ainsi que des décennies d’expérience ont formé ses opinions au sujet des politiques américaines actuelles sur la torture.

«Lorsque nous étions à Iwo Jima, j’avais une seule règle pour mes hommes : traiter ceux que vous capturez comme vous aimeriez être traités», a raconté le major général lors de l’événement.

Haynes s’est rappelé une leçon saisissante qu’il a apprise après avoir capturé un ennemi particulier durant la bataille d’Iwo Jima.

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«Mon unité a capturé environ seize Japonais. Parmi eux, il y avait un homme qui, le 17 mars, aux premières lumières du jour, est sorti d’une caverne. Le nom de cet homme était Taizo Sakai. Il s’est avéré que Sakai était le chef commis du commandant général de toutes les forces japonaises sur Iwo Jima.»

Haynes a souligné qu’en aucun moment Sakai a été torturé pour lui soutirer de l’information. Il a néanmoins été un prisonnier de guerre très utile aux forces américaines.

«Il [Sakai] est devenu l’un des meilleurs prisonniers de guerre que nous ayons capturé», explique M. Haynes. «Il était très familier sur l’état du moral [des troupes], il en connaissait beaucoup sur la région d’Okinawa que nous allions envahir quelques semaines plus tard et il était au courant de la situation des Japonais en Manchourie et ailleurs en Asie.»

Cette leçon qui l’a marqué l’inspire encore plusieurs décennies plus tard. «La morale de cette histoire, qui est encore très présente dans mes pensées, est très simple. Si vous traitez les gens correctement, il est probable que vous obtiendrez de la bonne information», fait remarquer M. Haynes. «Je n’ai jamais entendu de bonnes informations provenant d’individus qui avaient été torturés. Je ne peux pas dire, par expérience, qu’ils ne produisent pas de bonnes informations, mais je peux presque le garantir en me basant sur la nature humaine. J’ai toujours agi avec mes troupes en termes très simples. Je leur disais simplement : “Traitez-les comme vous aimeriez être traités.” C’est comme une règle d’or pour l’armée.»

Le brigadier-général à la retraite, James Cullen, qui s’est également exprimé lors de l’événement, était membre d’un corps de procureurs généraux et compte plus de 26 ans de service militaire. Il mentionne que la loi, appliquée à l’utilisation de la torture, est claire comme de l’eau de roche. Il cite la Convention de Genève et le Code militaire de justice qui interdisent à tout membre d’une force militaire d’obéir à un ordre immoral, comme la torture.

«La loi est très claire», explique M. Cullen. «Bien sûr, l’armée comprend que nos obligations sont déterminées par la loi intérieure et les traités.»

Il ajoute que le problème ne vient pas de quelques pommes pourries qui ont décidé d’agir à leur guise, mais qu’il est plutôt le résultat d’une chaîne de commandements dont le leadership est prêt à utiliser tous les moyens nécessaires, qu’ils soient moraux ou non.

«Le problème que nous avons est la crise de conscience morale qui semble affliger certaines personnes au sein du leadership national», estime Cullen.

Devon Chaffee, un avocat associé du bureau de HRF à Washington, D.C., a également pris la parole lors de la rencontre. Il a résumé le débat pour adhérer à une seule norme de traitement humain pour les interrogatoires.

«La cruauté ne nous rend pas plus en sécurité. En fait, l’utilisation de la torture, et autres formes de cruauté, met nos troupes en danger et met en péril notre sécurité nationale.»

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.