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La maternité, le « dernier recours »

Écrit par Irin News
18.03.2008
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FREETOWN – Deux bébés et des femmes amaigries sont les seuls patients que l’on trouve dans les salles lugubres de la maternité Princess Christian de Freetown, capitale de la Sierra Leone, en Afrique de l’Ouest.

Cette maternité est censée être le principal centre de formation et de référence du pays en matière de soins obstétricaux, mais le peu de personnel qui y travaille se retrouve plus souvent dans les arrières salles à boire du thé, les pieds posés sur les tables d’opération, pour tuer le temps dans ces salles sinistres où tout semble tourner au ralenti.

«Pour les patientes et le personnel médical, la maternité est le dernier recours», a affirmé soeur Rugiatu Kanu, une sage-femme à Freetown qui admet que les conditions pour les mères et le personnel médical ont «à peine changé» depuis la fin des onze années de guerre civile qui ont détruit les infrastructures publiques et sociales de la Sierra Leone.

«Lorsque les femmes arrivent ici, il est trop tard et le mieux que l’on puisse faire est de sauver la mère», s’est-elle désolée. «C’est pour cette raison qu’il y a si peu de bébés à la maternité.»

Destruction du système médical

Selon les estimations des autorités médicales sierra-léonaises, 80 % des femmes accouchent à la maison sans avoir jamais consulté de médecin ou de sage-femme.

D’après le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) en Sierra Leone, la plupart des accouchements se font sous la supervision «d’accoucheuses traditionnelles», à des kilomètres des structures médicales les plus élémentaires susceptibles d’intervenir en cas de complication.

La principale cause de mortalité est tout simplement l’hémorragie qui suit l’accouchement. D’autres femmes souffrent pendant des heures et des jours d’un travail avec obstruction prolongée.

Et selon l’UNFPA, celles qui parviennent à survivre viennent grossir le nombre déjà croissant des femmes sierra-léonaises souffrant d’une fistule obstétricale – une déchirure des tissus qui survient lorsque la circulation du sang vers les tissus du vagin, de la vessie et/ou du rectum est bloquée au cours d’un travail avec obstruction prolongée. Lorsque les tissus se nécrosent, un orifice se forme qui laisse passer l’urine et les fèces.

«Avec la disparition du système [de santé] officiel pendant la guerre, les femmes se sont tournées vers un système informel en ayant recours aux accoucheuses traditionnelles mais, depuis, elles ne sont pas encore revenues vers des structures médicales officielles», a indiqué Dr Jarrie Kabba, chargé de programmes au bureau de l’UNFPA à Freetown.

Et même lorsqu’elles se rendent dans les centres de santé rudimentaires du pays, les femmes doivent payer et fournir tous leurs médicaments et parfois même les poches de sang avant d’être prises en charge.

Selon soeur Kanu, l’accouchement coûte à lui seul 50 000 leones (17 dollars américains), dans un pays où le salaire mensuel minimum est de 14 dollars et où bon nombre des 8 millions d’habitants que compte le pays vivent avec bien moins.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), la Sierra Leone présente actuellement un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde et est peut-être le pays où le nombre de décès de femmes en couche est le plus important.

Une nouvelle stratégie

Pour le gouvernement de la Sierra Leone, l’amélioration de la condition des femmes enceintes et des nourrissons est une priorité. Le 29 février dernier, les autorités ont lancé un plan stratégique de lutte contre la mortalité maternelle. Ce plan tant attendu vise particulièrement à rationaliser les activités des différentes agences gouvernementales intervenant dans le domaine de la santé, de la reproduction et de l’enfant, tout en encourageant les mesures préventives – telles que la vaccination et la protection du droit des femmes – de manière générale.

Cette stratégie bénéficie du soutien du Département pour le développement international (DFID) de la Grande-Bretagne, principal bailleur de fonds du pays.

L’UNICEF a également promis de contribuer à l’amélioration des soins de santé prodigués aux femmes enceintes et aux nourrissons bien que, pour l’agence onusienne, un certain nombre de facteurs culturels, – tels que les mariages précoces, les mutilations génitales féminines, la malnutrition et le refus de l’allaitement maternel – constituent les principaux obstacles à la réduction de la mortalité maternelle et infantile.

Quant au Dr Ibrahim Thorlie, chef du service d’obstétrique à la maternité Princess Christian de Freetown, il a indiqué avoir quelques réserves par rapport à la nouvelle stratégie gouvernementale et aux facteurs culturels évoqués par l’UNICEF.

«Nous avons besoin d’un nouveau système de santé, pas d’une nouvelle stratégie», a déclaré

Dr Thorlie. «Seule la formation, associée à un système de santé produisant des résultats, peut changer les choses», a-t-il indiqué.

Personnel bien formé

En Sierra Leone, le principal problème auquel les mères sont confrontées n’est pas qu’elles ignorent ce qu’il faut faire pour se faire soigner, mais le manque de personnel qualifié capable de leur apporter l’aide dont elles ont besoin, a poursuivi Dr Thorlie.

«À quoi cela sert-il d’avoir plus de médicaments et d’équipements, si nous n’avons pas le personnel pour les administrer?», s’est-il demandé. «Faudrait-il que les patients commencent à se soigner eux-mêmes?»

L’UNFPA partage ces préoccupations, après s’être aperçu que le pays ne comptait que six gynécologues obstétriciens pour une population de 5 millions d’habitants : cinq à Freetown, le sixième étant installé dans la ville de Bo, à 200 kilomètres à l’est de la capitale.

«En fin de compte, il s’agit d’un problème de ressources humaines», a indiqué Bobo Yabi, représentant de l’UNFPA en Sierra Leone, l’agence onusienne qui aide le gouvernement à mettre en place sa réforme.

«La stratégie peut exister, mais s’il n’y a personne pour la mettre en oeuvre, cela ne sert à rien», conclut-il.

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