Une levée de boucliers contre le groupe chinois Huawei

Écrit par Hanna L.Szmytko, La Grande Époque - Paris
29.03.2008

  • Departement of defense(攝影: / 大紀元)

 

Le feuilleton de l’opération de rachat de l’équipementier de réseaux américain 3Com par le géant équipementier chinois Huawei Technologies, conjointement avec le fonds d’investissement Bain Capital Partners, a commencé fin septembre 2007.

Le montant de l’acquisition devait s’élever à 2,2 milliards de dollars et la transaction était prévue en cash au prix de 5,30 dollars par action de la firme californienne de haute technologie 3Com. Même si Bain Capital et le concurrent chinois devaient contrôler respectivement 83,5 % et 16,5 % de 3Com, cette entrée du géant chinois dans le capital d’une entreprise technologique américaine nécessitait une approbation préalable des autorités américaines CFIUS – Committee on Foreign Investment in the United States (Comité sur les investissements étrangers aux Etats-Unis). Le rachat devait être bouclé au premier trimestre 2008.

CFIUS a finalement montré depuis des signes de réticences pour avaliser l’opération de cession de 3Com. Aux différentes interrogations de la CFIUS, Bain Capital n’a pas réussi à donner des arguments suffisamment rassurants pour poursuivre l’opération. De même, Huawei n’a pas convaincu non plus avec son discours exposant qu’il s’agit principalement d’une opération financière et qu’il a l’intention de rester en tant qu’un actionnaire minoritaire sans avoir le contrôle opérationnel du groupe. Et pourtant si l’on y regarde d’un peu plus près, l’acquisition de 3Com semblait être un projet stratégique de Huawei : le partenariat avec 3Com a démarré en 2003 via une co-entreprise H3C constituée à Hangzhou. Puis, suite à l’accord conclu pour l’opération de cession de 3Com à Bain Capital et Huawei, 3Com a racheté en novembre 2007 la totalité des parts de H3C possédée par Huawei.

Les réticences  de l’administration américaine ne sont pas vraiment une surprise, vue la nature de l’activité de 3Com et les aspirations de Huawei. En effet, 3Com est l’un des fournisseurs de services télécoms de l’administration américaine, et plus particulièrement du département de la défense. C’est le bureau des renseignements généraux américains DNI (Director of National Intelligence) qui a alerté CFIUS en novembre 2007 sur la cession de 3Com à Huawei. D’après les officiels proches du dossier, cette transaction « menaçait la sécurité nationale », selon le Washington Times du 29 novembre 2007. C’est parce que le Pentagone utilise des outils de détection et de prévention d’intrusion informatiques de 3Com que la cession de 3Com au groupe chinois Huawei aurait permis à ce dernier d’améliorer sa technologie et d’accroître les attaques de hackers chinois. Certains observateurs estiment d’ores et déjà qu’une partie des secrets de 3Com est en possession de Huawei grâce à la co-entreprise H3C. CFIUS devait conduire une enquête en deux étapes : une première de 30 jours, suivie d’une seconde de 45 jours. « Huawei a déjà été accusée de nombreuses activités illicites… Huawei était également impliquée dans l’espionnage industriel contre l’américain Cisco System et le japonais Fujitsu », rapporte le Washington Times. Pour rassurer CFIUS et mener à terme la transaction de rachat de 3Com, Bain Capital aurait même proposé de se séparer de Tipping Point, une division de technologie sensible de 3Com acquise en décembre 2004 pour près de 430 millions de dollars et qui développe des logiciels pour la sécurité nationale.

SUSPICION DE COLLUSION AVEC LES AUTORITÉS CHINOISES

Que sait-on de Huawei ? S’agit-t-il d’une société vraiment privé ou publique ? Même si les dirigeants de Huawei déclarent que le groupe est à 100 % privé, on ne peut être qu’intrigué en voyant l’histoire de la société et son mode de financement. Nul doute que Huawei soit en relation avec l’armée chinoise. Selon certains spécialistes, le groupe serait même dirigé directement par l’armée populaire chinoise.

Historiquement Huawei a été créée par Ren Zhengfei, fervent admirateur de Mao paraît-il et ancien officier de l’armée chinoise populaire envoyé à Shenzhen dans les années 80. Basée à Shenzhen, dans le sud de la Chine, la montée en puissance de Huawei depuis 1988 ne doit rien au hasard. Partie discrètement du négoce et de l’importation de produits étrangers sur le marché intérieur, Huawei a rapidement pris un tournant international à partir de 1996 avec une croissance de son chiffre d’affaires de l’ordre 50 % par an ces dernières années.  Ces chiffres stupéfiants de progression ont pu être atteints grâce à une enveloppe de 10 milliards de dollars reçus en 2004 de la banque d’État China Development Bank. Peu d’informations sont communiquées sur la santé financière du géant chinois. Il semblerait qu’il y aurait très peu de bénéfices réalisés. Huawei a remporté de nombreux contrats en cassant les prix, en proposant parfois 50 % moins élevés que ceux de ses concurrents. C’est ainsi que Huawei s’est placée en tant qu’acteur rivalisant avec des géants tels que Alcatel, Lucent, Nortel ou Cisco.

Devant l’opposition du pouvoir politique américain, Bain Capital a annoncé le 20 mars dernier qu’il abondonnait sa proposition de racheter le groupe 3Com. Ainsi, une porte d’entrée au marché de haute technologie américain se ferme pour le géant chinois Huawei. Les considérations politico-stratégiques l’ont emporté sur les aspects financiers.

Une vigilance accrue devrait être de rigueur de la part de tout gouvernement ou grand groupe face à cette ambition chinoise sans retenue de s’imposer à n’importe quel prix dans les secteurs de pointe.