L’Initiative de paix en attente au Proche-Orient

Écrit par Alon Ben-Meir, Collaboration spéciale
29.03.2008

Les nations arabes doivent pouvoir convaincre le public israélien 

 

  • Des Palestiniens passent devant le Dôme de la montagne du Temple dans la vieille ville de Jérusalem.(Staff: David Silverman / 2007 Getty Images)

 

Avant même d'avoir commencer, le sommet qui se tient actuellement à Damas (29 et 30 mars) faisait face à de sérieuses difficultés liées aux désaccords politiques persistants entre États arabes et aux incessants conflits armés du Moyen-Orient.

Bien qu’une résolution sur la crise de l’élection présidentielle au Liban semble un prérequis à la réussite du sommet, personne n’attend des représentants qu’ils tentent seulement de résoudre les nombreuses autres crises qui minent le monde arabe. La question critique qui doit refaire surface à Damas est celle de l’initiative de paix arabe vis-à-vis d’Israël, en attente et dont il faut éviter qu’elle devienne une relique supplémentaire dans les annales d’un conflit arabo-israélien apparemment sans fin.

Le moment n’est pas venu de menacer de retirer l’Initiative ou de poser un ultimatum à Israël d’accepter ou de faire face aux conséquence, comme certains dirigeants arabes l’ont proposé. Les deux parties sont responsables de n’avoir pas fait assez, et partagent une part égale de blâme pour le manque de progrès.

L’Initiative est la plus importante action collective des États arabes, et elle doit rester la pierre angulaire du processus de paix israélo-arabe. Les négociations en cours entre Israël et l’autorité palestinienne ne mèneront nulle part. Le conflit sanglant avec le Hamas persistera si les nations arabes dans leur ensemble – et la Syrie en particulier – ne mettent pas leur poids dans la balance et ne s’impliquent pas positivement. Tous les plans de paix précédents – y compris la feuille de route, les paramètres Clinton/Barak et les accords d’Oslo – ont échoué parce qu’il leur manquait l’exhaustivité de l’Initiative arabe et parce qu’ils excluaient la Syrie du processus de paix.Même si Israël a des réserves quant à l’Initiative, elle devrait la prendre à bras le corps, et annoncer publiquement sa volonté – pour arriver à la paix – d’échanger des territoires saisis en 1967, de participer à la recherche d’une solution humanitaire pour les réfugiés palestiniens, et de trouver une solution mutuellement acceptable pour le futur de Jérusalem. Tous ces éléments sont les demandes principales de l’Initiative.

L’INITIATIVE, UN TOURNANT POUR LA PAIX

Cette prise de position ne devrait pas empêcher Israël d’indiquer clairement ses quatre propres demandes essentielles pour la paix, qui se concilient avec les principes de l’Initiative : 1) assurer la sécurité nationale d’Israël et son intégrité territoriale, 2) maintenir l’identité nationale juive d’Israël, 3) avoir Jérusalem comme capitale (ce qui n’empêcherait pas les Palestiniens d’avoir leur capitale dans la même ville) et 4) établir des relations diplomatiques normales avec tous les pays du monde arabe.

Les dirigeants israéliens doivent comprendre que pour les États arabes, cette initiative est un pas en avant monumental. Ils sont aujourd’hui irrités de ne pas voir Israël saisir cette chance historique de garantir la paix recherchée depuis maintenant 60 ans. L’Initiative offre à Israël paix et sécurité ; les dirigeants israéliens peuvent-il imaginer ce qu’impliquerait le lever du drapeau israélien dans 22 capitales arabes ? Peuvent-ils imaginer la transformation que cela provoquerait dans tout le Moyen-Orient ?

Dans le même temps, même si l’Initiative est un document capital, les États arabes ne peuvent attendre Israël pour aller de l’avant. Ils doivent provoquer l’ouverture pour démontrer à leurs propres peuples que leurs dirigeants ont fait le choix stratégique de la paix tout en assurant le public israélien de leur implication dans la paix.

C’est ce que les Israéliens veulent voir. Ils se souviennent bien de la proposition de paix avec l’Egypte d’Anwar Al-Sadat, en échange des territoires pris à l’Egypte en 1967. Sadat avait voyagé jusqu’à Jérusalem sans avoir reçu l’assurance qu’Israël lui rendrait ne serait-ce qu’un pouce de territoire. Il avait fait le déplacement pour montrer sa volonté de paix. Ceci, plus que toute autre chose, a convaincu le peuple israélien de soutenir les négociations de Camp David en 1979, qui ont conduit à la paix entre les deux nations et au retrait total d’Israël des territoires égyptiens.

Imaginons l’effet qu’aurait sur les Israéliens une visite du roi Abdullah d’Arabie Saoudite à Jérusalem pour une prière au troisième site le plus sacré de l’Islam et pour, en même temps, s’adresser au Parlement israélien quant à la valeur de l’Initiative.

Imaginons le changement de l’opinion publique israélienne si des représentants arabes autres que les jordaniens et les égyptiens, désignés par la Ligue Arabe, rencontraient leurs homologues israéliens pour faire avancer l’Initiative.

Imaginons l’effet sur les extrémistes arabes qui souhaitent la destruction d’Israël, face à cette volonté arabe collective.

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DES DÉCLARATIONS D’INTENTION AU PROCESSUS DE PAIX

De telles ouvertures ne signifient pas l’acceptation des positions israéliennes ni le soutien à la politique juive. Elles ne signifient pas que le monde arabe reconnaisse les frontières d’Israël ou le fait que Jérusalem soit sa capitale comme légitimes. Elles signifient seulement que le monde arabe accepte l’État d’Israël et souhaite donc transformer les déclarations d’intention en processus de paix.

Quand le président Sadat a parlé au Parlement israélien, il a dit très clairement ce que serait le prix à payer pour la paix. Il a été encensé par la grande majorité des Israéliens comme le plus courageux, le plus visionnaire et le plus digne de confiance des dirigeants étrangers. Aujourd’hui, 30 ans après,  l’Egypte est toujours en paix avec Israël. La Ligue Arabe a courageusement mis en avant l’Initiative arabe, un document qui eut été impensable sans le souvenir du voyage historique de Sadat.

Comment les Saoudiens espèrent-ils que l’Initiative devienne la base d’un processus de paix israélo-arabe s’ils refusent jusqu’à une poignée de mains avec les dirigeants israéliens ? Même si un tissu de contentieux sépare Israël des États arabes, le manque de confiance d’Israël demeurera le point clé tant que des groupes arabes radicaux et des États islamiques comme l’Iran continueront à appeler à sa destruction.

Israël peut être accusé de paranoïa quant à sa sécurité nationale, mais comment les États arabes peuvent-ils faire face à cette paranoïa quand la sécurité nationale israélienne est la question de vie ou de mort de cet État?

Les efforts pour persuader Israël d’adopter l’Initiative doivent être des actions concrètes et transparentes qui démontreront un véritable changement dans la dynamique du conflit telle que le peuple israélien la voit. « Peuple » est ici le mot clé. Les États arabes à la recherche de la paix doivent être univoques dans leur volonté d’interagir avec Israël. Ils doivent faire appel directement au peuple israélien, qui malgré sa disparité, souhaite une paix réelle. Si les États arabes ne veulent pas que leur initiative subisse le même sort que la version précédente au Liban, en 2002, alors ils doivent changer de stratégie.

Israël est ouvert à la persuasion, mais il doit reconnaître ce changement historique et adhérer publiquement à l’Initiative. Au vu de la longue et amère histoire du conflit cependant, il faudra plus qu’une déclaration des États arabes pour convaincre Israël.

 

Par Alon Ben-Meir, professeur de relations internationales au « Center for Global Affairs » de l’université de New York

 

L’INITIATIVE DE PAIX

L’initiative saoudienne du prince Abdallah, en 2002, est le plus grand pas vers la paix au Proche-Orient depuis les accords de Camp David en 1979.

Sa force tient d’abord au fait qu’elle émane d’un État arabe prestigieux, non directement impliqué dans les hostilités israélo-arabes, et qu’elle appelle à un accord total. Rien moins que tous les pays arabes proposant une fin du conflit et la reconnaissance officielle de l’existence d’Israël en tant qu’État.

Cette reconnaissance, que certains pays arabes craignent être un possible outil de domination d’Israël sur les territoires palestiniens, est par contre pour Israël un élément indispensable pour s’assurer de la sincérité de la Ligue Arabe.

Le document actif de l’Initiative, version modifiée lors du sommet arabe de Beyrouth, « refroidit » Israël par l’ajout d’une obligation, inconditionnelle, de retour des réfugiés palestiniens, qui impliquerait pour Israël un brusque déséquilibre démographique. La question du partage de Jérusalem reste épineuse, mais  – peut-être plus que tout – Israël semble ne pas être encore convaincu de la sincérité de l’offre qu’elle perçoit plus comme un geste de l’Arabie Saoudite à destination des États-Unis juste après les attentats de septembre 2001 qu’un pas vers Israël.

L’Initiative a été ravivée lors du sommet arabe de Ryad en 2007 et surtout à Annapolis à l’automne 2007, où elle a servi de fil conducteur aux discussions qui ont rassemblé le monde arabe jusqu’à la Syrie et l’Arabie Saoudite et qui doivent mener à la constitution d’un État palestinien début 2009, avec les frontières de 1967.

L’AGENDA DU SOMMET ARABE

Le sommet arabe de Damas, durant lequel le blocage des institutions au Liban devrait être un des points de discussion majeur, commence sur une controverse : La Syrie, largement considérée comme responsable de l’impasse politique au Liban, est-elle bien légitime à organiser ce sommet?

La Syrie, après les menaces de boycott de capitales arabes comme Ryad, a finalement invité le Premier ministre libanais Fouad Siniora, membre de la majorité anti-syrienne.

La même semaine, les États-Unis ont appelé les pays arabes à « réfléchir » avant de participer à ce sommet hébergé par la Syrie.

Depuis fin novembre 2007, le Liban n’a plus de président du fait de l’opposition entre une majorité parlementaire soutenue par États-Unis et Arabie Saoudite, et une opposition proche de la Syrie et du groupe terroriste Hezbollah.

Pour le quotidien L’Orient-Le jour, «le sommet arabe n’est plus qu’une rencontre parmi d’autres, qu’une simple échéance du calendrier de la Ligue qui n’a pu en profiter pour astreindre la Syrie à faciliter l’élection d’un chef d’État.»

Dès lors, considère le journal, le sommet en tant que tel n’a guère plus d’intérêt pour le Liban. Et c’est désormais la période de l’après-29 mars qui est entrée en ligne de mire des protagonistes locaux. Un remaniement ministériel – sans accepter la démission de ministres proches de la Syrie – est évoqué pour faciliter l’élection d’un chef d’État.  

AURÉLIEN GIRARD