Les leçons des élections législatives iraniennes

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
29.03.2008

  • Le vote de l’ayatollah Ali Khameini.(Stringer: Majid / 2008 Getty Images)

 

Le 16 mars, 44 millions d’Iraniens étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés, qui siègeront au Parlement iranien, le Majlis. Plusieurs enjeux derrière cette élection qui a vu une confirmation de la force des tranches conservatrices du pouvoir : d’une part une prise de température du soutien populaire à la politique guerrière du président Mahmoud Ahmadinejad, et d’autre part le positionnement des futurs candidats aux élections présidentielles de 2009.

En Iran, le camp des conservateurs contrôle quasiment toutes les instances du pouvoir. Les élections parlementaires étaient donc l’occasion d’éventuellement observer un rééquilibrage des forces. Les observateurs internationaux s’intéressaient en particulier aux taux de participation qui, à lui seul, devait donner des indications sur le soutien ou la défiance du peuple iranien envers son gouvernement.Les conclusions de ce scrutin peuvent être tirées sans attendre le second tour qui aura lieu fin avril ou début mai et n’attribuera qu’une soixantaine de sièges supplémentaires. Globalement, le camp des conservateurs reste ultra-majoritaire avec environ 70 % des sièges à Téhéran, et de 50 à 60 % nationalement ; mais il se morcèle. Les réformateurs, désavantagés par l’inéquité du scrutin, assoient cependant leur force d’opposition : la liste de Mohammad Khatami, ancien président et grand opposant à Mahmoud Ahmadinejad, pourrait atteindre le chiffre de 50 députés, ce qui validerait son poids politique.

Les réformateurs augmentent donc en nombre, et les conservateurs se divisent en un camp pro-Ahmadinejad et un camp plus « pragmatique » et modéré, qui compte parmi ses membres le maire de Téhéran, Mohammad Bagher Qalibaf, et Ali Larijani, ancien chef des négociateurs sur le nucléaire qui a démissionné de son poste en octobre 2007 – pour incompatibilité d’humeur avec Ahmadinejad – croient savoir de nombreux diplomates.C’est donc au final un parlement moins facilement manipulable que le précédent qui devrait conduire l’Iran jusqu’aux élections présidentielles de l’année prochaine. Les courants conservateurs de Larijani et Qalibaf, bien que minoritaires, pourraient de façon opportuniste choisir de construire des alliances avec les réformateurs de M. Khatami afin de bloquer le président Ahmadinejad, réputé sourd à l’opposition et dont la politique économique hérisse une grande partie des parlementaires.

ÉLECTIONS « À LA RUSSE » – LES PEURS ET LE NATIONALISME

L’Union européenne, par la voix de la présidence slovène a jugé que les élections législatives iraniennes n’avaient été ni libres, ni équitables : le Conseil des Gardiens, qui contrôle les élections et est composé de religieux proches du camp conservateur, a en effet invalidé près de 2.000 candidatures de réformateurs, dont le camp n’a au final pu postuler que pour la moitié des sièges du Majlis.

Pour autant le taux de participation, évalué à 60 % des inscrits, est plus élevé que celui des précédentes élections législatives où il n’était que d’environ 50 %. Soutien et adhésion à la politique d’Ahmadinejad ? Thierry Coville, chercheur associé à l’IRIS (Institut des Recherches Internationales et Stratégiques) estime qu’il faut effectivement y voir une réaction nationaliste face aux pressions internationales liées au dossier du nucléaire iranien. Mahmoud Adhmadinejad semble avoir réussi son pari d’exalter auprès des masses populaires l’idée d’un grand Iran chiite ressuscitant l’empire perse, seul réel contre-pouvoir à des États-Unis jugés toujours prêts à envahir le pays.

DES INDICATEURS  POUR LES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES DE 2009?

Mahmoud Ahmadinejad « surfe » ainsi sur une vague de peurs et de besoin de sécurité de la même forme – toutes proportions gardées – que celle qui a conduit à la réélection du président américain George W. Bush en 2004. Le « Guide suprême », l’ayatollah Khamenei l’appuie publiquement en cela et a encore récemment loué sa fermeté sur le dossier du nucléaire.

C’est donc peut-être dans ce besoin d’un sentiment de défense du pays face aux menaces internationales qu’il faudra chercher les clés de l’élection présidentielle iranienne de 2009. A ce jeu, Ahmadinejad n’est pas le seul à pouvoir tirer son épingle. Malgré 35 % des votes sur les listes estampillées Ahmadinejad aux législatives,  les conservateurs modérés montent. Ali Larijani, élu triomphalement avec 76 % des voix à Qom, ville sainte et hautement symbolique, pourrait être un futur nouveau champion. Issu d’une famille d’ayatollahs, Larijani est l’un des deux représentants du guide suprême Khameini au conseil. Il a montré une stature internationale et une fermeté remarquables lors des négociations sur le dossier du nucléaire, ce qui ne peut déplaire à l’opinion.