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L’Amérique du Sud se dirigeait vers la guerre...

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
09.03.2008
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  • Le président colombien, Alvaro Uribe (droite), blague avec le président du Venezuela, Hugo Chavez(Staff: RODRIGO ARANGUA / 2007 AFP)

On se serre la main, puis on redevient copains

Mais quelle tension planait sur l’Amérique du Sud la semaine dernière! Dans une démonstration de force, le Venezuela et l’Équateur massaient des troupes à leur frontière avec la Colombie, indiquant qu’ils ne tolèreraient aucune entrave à leur souveraineté.

Ce branle-bas de combat avait été déclenché par le coup du siècle de la Colombie le 1er mars dernier. Après avoir localisé dans la jungle, avec une technologie avancée, le no 2 des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), Raul Reyes, l’armée colombienne a procédé à un raid aérien sur son campement, puis est venue terminer l’opération avec des commandos héliportés. En tout, une quinzaine de guérilléros tués en pleine nuit, puis bien sûr Reyes, dont la dépouille a été rapatriée.

Certains observateurs ont tout de suite émis des craintes par rapport à cette opération, alors qu’ils jugent qu’une attitude plus douce envers les FARC est nécessaire à la libération d’un plus grand nombre d’otages. Mais ces considérations humanitaires ont vite été éclipsées par les annonces du Venezuela, puis de l’Équateur, qu’ils allaient envoyer des troupes à leur frontière respective avec la Colombie. Après tout, le raid colombien tuant Reyes avait été effectué 1800 mètres à l’intérieur du territoire équatorien.

Mais il est à ce jour difficile de dire si cette violation du territoire n’était pas simplement une excuse pour Quito et Caracas de ventiler la frustration de la perte d’un être cher. Le président vénézuélien, Hugo Chavez, avait récemment plaidé en faveur des FARC pour qu’ils soient retirés des listes terroristes des États-Unis et de l’Union européenne. Il défend cette organisation au grand jour, disant partager la même idéologie. Donc lorsque la mort de Raul Reyes a été rendue publique, Chavez a naturellement déploré la mort d’un «grand révolutionnaire».

Pour les partisans de Chavez et les nostalgiques de Che Guevara, Lénine et autres «héros» communistes célébrés à gauche, les FARC luttent pour le peuple, pour établir une dictature marxiste-léniniste en Colombie, enrayant ainsi l’influence de l’Empire «du mal» américain. La fin justifie les moyens… Les FARC appliquent cette devise, alors que leur financement provient majoritairement du trafic de cocaïne et du rançonnement d’otages. Chavez lui-même ne nie absolument pas ces deux aspects, jouissant récemment d’un rôle privilégié dans les «libérations» d’otages, orchestrées avec les FARC, voyant son capital politique augmenter au rythme des succès de ses négociations.

Cette proximité qu’il a avec une insurrection narco-marxiste dans le pays voisin ne peut qu’éveiller des soupçons. Avant la présente crise, certains médias non liés au pouvoir au Venezuela faisaient état de la présence de membres des FARC agissant librement dans le pays, côtoyant même tout bonnement des personnalités politiques importantes.

Tandis que le président de l’Équateur, Rafael Correa, épaulait son allié Chavez dans tous les aspects de la crise et que les machines de guerre s’activaient, ce sont les joutes verbales qui ont été les plus épicées, avec un net avantage pour le président colombien, Alvaro Uribe. Correa et Chavez se sont naturellement lancés dans des diatribes liant la Colombie à l’Empire «du mal» de Washington, l’accusant d’en être que le petit valet. Mais Uribe a sorti l’artillerie lourde.

Le gouvernement colombien a publiquement déclaré que des ordinateurs portables, récupérés dans le camp des FARC où se trouvait Reyes, révélaient des liens entre Correa et les FARC, entre Chavez et les FARC! Chavez aurait ainsi donné 300 millions de dollars à l’organisation narco-marxiste, tandis que Correa s’arrangeait bien de la présence de la guérilla sur son territoire. Ils ont évidemment nié. Comment auraient-ils pu faire le contraire?

Uribe est même allé jusqu’à menacer de déposer une plainte à la Cour pénale internationale contre Hugo Chavez pour génocide, en raison de ses liens avec les FARC. Chavez peut bien constamment insinuer que Washington veut l’assassiner ou même envahir le Venezuela pour son pétrole : avec les récentes allégations concernant les informations avancées par le renseignement militaire colombien, le Venezuela de Chavez sera tôt ou tard considéré par les États-Unis comme un pays faisant la commandite du terrorisme, au même titre que l’Iran avec le Hezbollah.

Actuellement, une des principales raisons pour Washington de garder le profil bas par rapport à toutes les insultes que profère Chavez est l’immense quantité de pétrole que fournit le Venezuela aux États-Unis. Même si Washington dort habituellement bien paisiblement avec ses contradictions, elle ne veut pas gérer un dossier additionnel au grand jour. Comment accuser le Venezuela de commanditer le terrorisme tout en continuant d’acheter sa production de pétrole?

Sans jouer une carte très visible, les Américains peuvent néanmoins poursuivre leur travail dans la région. La Colombie demeure un de ses derniers alliés en Amérique latine et plusieurs ont attribué le succès colombien à l’aide militaire américaine, haute de plusieurs milliards et acheminée originellement selon le Plan Colombia pour lutter contre la drogue. Que cet argent soit utilisé pour lutter contre les FARC, eux-mêmes impliqués dans le narcotrafic, fait certainement l’affaire de Washington.

La drôle de résolution

Alors comment s’est résolue cette escalade guerrière? Trop simplement. D’une simplicité si déconcertante qu’on croirait à une mascarade.

Réunis en République dominicaine le 7 mars 2008, Uribe, Chavez, Correa et d’autres chefs d’États d’Amérique latine ont tenu des pourparlers. Après quelques rondes d’insultes, Uribe s’est excusé d’avoir transgressé la frontière de l’Équateur, puis tous les hommes se sont serré la pince. Voilà. La crise était résolue.

En réalité, Chavez a fait des pressions auprès d’Uribe pour qu’il ne dépose pas la plainte de génocide auprès de la Cour pénale internationale. Cette marque de faiblesse ne vient-elle pas contredire sa négation de toute implication directe avec les FARC? On dirait, après tout, que les informations découvertes dans les ordinateurs portables de Raul Reyes étaient hautement compromettantes pour Correa et Chavez, de sorte qu’ils ont, suite à des excuses formelles d’Uribe, décidé de ne plus jouer la carte de la confrontation. Uribe, ne voulant pas que se poursuive l’encerclement de son pays, déjà pratiquement le seul votant à droite dernièrement dans la région, a joué le bon gars en ne mettant pas davantage dans l’embarras ses collègues. Mais lui-même a peut-être eu peur d’être éclaboussé par des déclarations qui auraient pu venir le heurter, concernant ses liens avec les paramilitaires d’extrême droite ou à propos de la corruption dans son gouvernement.

Finalement, ces hommes se sont dits : arrêtons de faire les gamins et de jouer à «vérité ou conséquence». Chacun connaît de sales vérités sur l’autre et nous ne voulons pas en subir les conséquences.

Mais Uribe s’est engagé à ne plus conduire d’opérations transfrontalières. Tout porte à croire qu’il peut dire adieu à son rêve d’avoir la tête des FARC, Manuel Marulanda. Ce dernier, selon la chaîne colombienne RCN, serait réfugié au Venezuela, sous les bons auspices d’Hugo Chavez.

Guerre psychologique? Reyes était bien en Équateur, croyant être bien en paix. Il ne serait donc pas surprenant que Marulanda soit hors de Colombie également. Si c’est le cas, cela confirmerait les dires de certains observateurs qui avancent que la guérilla narco-marxiste commence à perdre du terrain.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.