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Au Canada, les médias chinois attisent la colère contre les Tibétains

Écrit par Matthew Little et Jason Loftus, La Grande Époque - Toronto et Winnipeg
01.04.2008
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  • Caption : Manifestation pro-Pékin à Toronto, le 29 mars 2008. (La Grande Époque)(攝影: / 大紀元)

C’était une diffusion typique de la chaîne de télévision d’État chinoise. Le narrateur a présenté le reportage : «Incités et dirigés par la clique du Dalaï-lama, quelques criminels ont battu, détruit, pillé et incendié dans le centre-ville de Lhassa, causant d’immense dommages à la vie et à la propriété des gens.»

Des commentaires comme celui-là, qui introduisait un documentaire du 23 mars dernier sur les troubles au Tibet, ont été diffusés dans les domiciles des Canadiens d’origine chinoise au cours des trois dernières semaines par la chaîne du régime communiste – China Central Television 4 – transmise sur le câble par la compagnie de télécommunications Rogers.

Il y a deux semaines, les reportages de CCTV 4 sur le Tibet duraient jusqu’à 15 minutes et étaient diffusés jusqu’à huit fois par jour. Ils présentaient tous une version unilatérale des évènements à Lhassa depuis le début des manifestations, le 10 mars.

Contredisant des rapports selon lesquels la police a violemment réprimé les manifestations, CCTV 4 a affirmé que les autorités chinoises ont utilisé une «retenue maximale», ne répliquant pas lorsque attaquées, ne jurant pas lorsque critiquées.

Les fidèles du Dalaï-lama, toutefois, étaient décrits continuellement comme des «émeutiers hors-la-loi» commettant des «atrocités» sur des gens innocents, ces derniers étaient cités comme déclarant ouvertement leur «haine» des manifestants.

«Leurs intentions sinistres sont de tirer avantage des prochains Jeux olympiques  pour saper la stabilité et l’unité de l’environnement social, dans une tentative de séparer le Tibet de la mère patrie», a présumé le narrateur.

Pouvoir souple

Autrefois confinée aux médias de Chine continentale, la ligne de parti du régime communiste est maintenant dominante dans les médias de langue chinoise à l’étranger. Des contrats de diffusion, comme celui avec Rogers, et l’influence grandissante sur plusieurs journaux chinois ont aidé Pékin à faire passer son message.

Les effets d’une telle couverture médiatique peuvent se mesurer par la manifestation pro-Pékin qui a eu lieu à Toronto la fin de la semaine dernière.

Un organisateur de la manifestation «antiviolence», qui a demandé d’être identifié seulement comme «Chris», affirme que l’objectif de l’évènement était de démontrer la «vérité» au sujet du Tibet. «Mort au Dalaï-lama!», pouvait-on entendre chez les participants. «Quittez le Canada!», criaient d’autres Chinois s’adressant à un groupe de Tibétains rassemblés pour dénoncer cette manifestation «anti-tibétaine»

Un dépliant qui annonçait l’activité incluait des images prises de la CCTV avec des légendes comme «Des Tibétains “pacifiques” mettent le feu à l’école secondaire de Lhassa. La majorité des salles de classe (90 %) a été détruite.»

«La violence [est] créée par le peuple tibétain», a affirmé Chris en entrevue. «Ils sont contre toutes les autres ethnies; ils veulent juste chasser tout le monde [du Tibet]... Le gouvernement chinois n’a rien fait de mal.»  

Chris, comme d’autres Chinois, mentionne qu’il fait confiance à certains des journaux chinois les plus largement distribués au Canada – comme le Sing Tao Daily – pour le renseigner sur ce qui se passe vraiment au Tibet.

Liens financiers

Mais beaucoup de journaux chinois ont, ces dernières années, adopté des positions éditoriales très favorables au régime chinois.

La Jamestown Foundation, un groupe de réflexion américain dont une de ses spécialisations est la Chine, a analysé en 2001 l’influence de Pékin sur les médias chinois d’outre-mer.

Elle a découvert que trois des quatre journaux chinois d’importance publiés aux États-Unis – le Sing Tao Daily, le Ming Pao Daily News et The China Press – sont tous sous influence directe du gouvernement communiste chinois.

Le quatrième, le World Journal, est administré par une maison mère à Taiwan et cède de plus en plus à la pression de la Chine continentale, estime Jamestown.

«Les médias chinois traitent la nouvelle comme des émeutes anti-Chinois plutôt qu’anti-gouvernement. Ils essaient d’en faire quelque chose contre le peuple chinois. Ce n’est pas contre le peuple chinois», croit pour sa part Tsering Wangdu Shakya, spécialiste du Tibet à l’Université de Colombie-Britannique.

Trois de ces journaux – Sing Tao, Ming Pao, et le World Journal – ont aussi des éditions canadiennes.

«Pour se préparer au retour de Hong Kong à la Chine en 1997, le gouvernement chinois a fait d’énormes efforts au début des années 1990 pour acheter plusieurs agences de médias importantes à Hong Kong. Ceci a été effectué par le biais de commerçants tierce partie qui ont des liens d’affaires étroits avec la Chine», indique le rapport de la Jamestown Foundation.

Dans le cas de Sing Tao, le régime chinois a fourni un soutien financier pour aider la propriétaire de l’époque, Mme Sally Aw Sian, qui était victime d’une crise financière à la fin des années 1980, rapporte Jamestown. Il en a résulté une transformation du journal en une publication procommuniste qui a même vu un ex-éditeur du Quotidien du peuple (l’organe officiel du régime chinois) prendre la barre.

Même si Sing Tao Canada est maintenant une propriété majoritaire de TorStar, qui possède également le Toronto Star, la branche canadienne reçoit ses nouvelles sur la Chine de la maison mère, Sing Tao, à Hong Kong.

Actuellement, la plupart des journaux importants en langue chinoise au Canada font du journalisme pro-Pékin très similaire à ce que l’on retrouve en Chine communiste, à l’exception de l’édition chinoise de La Grande Époque, le Dajiyuan.

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Des mots familiers

La Grande Époque a étudié des dizaines d’articles du World Journal, Ming Pao Daily et Sing Tao Daily. Il en ressort une fidèle reproduction du discours du Parti communiste chinois en ce qui a trait aux récents évènements au Tibet. Les journaux s’appuient abondamment sur les sources du gouvernement chinois et utilisent des citations provocatrices dans tous leurs reportages.

La police est dépeinte, à de nombreuses reprises, comme non violente et presque passive, «extrêmement contenue» et «ne contre-attaquant pas lorsque mordue». Les premiers reportages décrivaient les soldats comme présents, mais «balayant et nettoyant les rues plutôt que de réprimer les manifestants.» (Sing Tao, 15 et 18 mars)

Les Tibétains, quant à eux, sont toujours qualifiés comme violents, vicieux et ils sont tenus responsables d’avoir battu à mort des policiers. (Ming Pao, 21 mars) D’autres articles accusent les Tibétains d’avoir tué des civils innocents.

La couverture dans les journaux a systématiquement répété les dires de Pékin selon lesquels le Dalaï-lama est derrière la «brutale violence criminelle» au Tibet – de même que les affirmations du régime qu’il y a beaucoup d’éléments de preuve pour démontrer ceci – sans toutefois présenter en quoi consiste ces preuves.

Les journaux ont aussi fréquemment adopté les termes utilisés par les médias du régime pour décrire les évènements à Lhassa, qualifiant le gouvernement tibétain en exil de «faux gouvernement» et utilisant le mot plus violent «émeute» plutôt que «manifestation» ou «troubles».

Dans l’analyse finale, les articles donnent l’impression qu’une police passive faisait de son mieux pour contenir de violents Tibétains anti-Chinois qui prenaient part à une attaque bien organisée contre les résidents chinois, les soldats et la police à Lhassa. Les articles n’expliquent pas le contexte des manifestations et dépeignent les Tibétains comme étant généralement impliqués dans le «vol, l’incendie et le meurtre» dans ce qui devrait pourtant être pour le Tibet son «meilleur moment de l’histoire». (World Journal, 16 et 17 mars)

On dirait que le message passe. Plusieurs Chinois habitant dans des pays démocratiques, comme le Canada, croient qu’il faut jeter tout le blâme sur les Tibétains pour les troubles.

Droits de l’Homme

Cela inquiète les militants pour les droits de l’Homme en Chine.

«Nous sommes assez ébranlés par le fait que les Chinois partout dans le monde, incluant au Canada, sont si mal informés», déplore Michael Craig, président du China Rights Network.

M. Craig souligne que même si plusieurs Tibétains ont été tués et que maintenant «des centaines et des centaines» ont été arrêtés, des lettres des lecteurs envoyées au quotidien Globe and Mail révèlent que des Chinois de Toronto montent aux barricades pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme de violents séparatistes au Tibet.

«Il est vraiment honteux de constater que la propagande du gouvernement chinois fonctionne», constate M. Craig.

Le spécialiste du Tibet Tsering Wangdu Shakya mentionne qu’à part cela, certains Chinois peuvent considérer qu’appuyer la répression est une «bonne opportunité de suivre la ligne du parti.»

«Plus vous coopérez avec le gouvernement, plus vous êtes considéré comme une bonne personne», fait-il remarquer, ajoutant qu’une participation visible pourrait aider les étudiants chinois à se trouver de bons emplois à leur retour en Chine.

Tandis que les médias chinois décrivent les manifestations comme étant l’œuvre du Dalaï-lama et de violents séparatistes, M. Shakya estime que leur origine véritable provient d’un fossé grandissant entre riches et pauvres qui s’est accentué lorsque le régime a incité les Chinois de l’ethnie han à émigrer en très grand nombre au Tibet, marginalisant ainsi les Tibétains.

Selon M. Shakya, le plus grand écart entre riches et pauvres en Chine est au Tibet. Les cadres du Parti communiste sont riches, tandis que les Tibétains moyens sont pauvres.

Des réalités du genre ne sont pas mentionnées dans les reportages des médias chinois étudiés par La Grande Époque.

Ce qui pourrait expliquer pourquoi des immigrants chinois comme Chris, qui se fient à ces informations, sont si convaincus.

Entre-temps, les sympathisants de la cause tibétaine apportent un éclairage nouveau sur la situation. Lobsang Lhedub, président du Tibetan Youth Congress, résume la situation : «Les Chinois, comme nous, souffrent sous le régime communiste.»

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.