Les recettes commerciales du «sport business» seront-elles au rendez-vous?

Écrit par Patrick C. Callewaert, La Grande Époque
12.04.2008

  • A Pékin, le 9 janvier 2008, une Chinoise marche sur le site du Stade National qui accueillera les cérémonies d’ouverture et de fermeture des JO en août.(攝影: / 大紀元)

 

Les sponsors occidentaux sous pression suite aux appels au boycott et les considérations sur les droits de l’Homme. Risquent-ils de lâcher Pékin?

A l’image des précédents Jeux Olympiques, ceux de Pékin battent des records financiers et commerciaux. Cependant, face aux derniers événements au Tibet et l’incessante répression des pratiquants du Falun Gong, les appels au boycott des Jeux Olympiques (JO) se multiplient. Cette dénonciation des exactions des dirigeants chinois a suscité un fort battage médiatique qui pourrait remettre en cause la participation de certains sponsors occidentaux et peser sur l’équilibre financier de l’opération.

En juillet 2001, le gouvernement chinois a obtenu l’accord du Comité International Olympique (CIO) pour organiser les XXIX° Jeux Olympiques en 2008 à Pékin, en échange de la promesse d’améliorer la situation des droits de l’Homme en Chine. Pendant près de 7 ans, des investissements énormes de plus 40 milliards de dollars ont été réalisés à Pékin et dans les villes olympiques chinoises pour accueillir les jeux les plus chers de l’histoire. Le coût des JO de Pékin dépasse en effet largement celui des précédentes villes hôtes.

64 PARTENAIRES OLYMPIQUES

Le financement des infrastructures est en grande partie effectué par des fonds publics, mais l’organisation et le fonctionnement des Jeux Olympiques dépendent quant à eux exclusivement des droits télévisés et de marketing, qui sont essentiellement revendus par le Comité d’Organisation de Pékin pour les XXIX° Jeux Olympiques (Bocog). Ainsi, en plus des douze TOP « The Olympic Partner » (1) qui bénéficient de droits mondiaux en échange de leur soutien au CIO, on trouve pour le moment onze partenaires, dix sponsors, quinze fournisseurs exclusifs, et seize fournisseurs du Bocog, soit en tout soixante-quatre entreprises (2) dont près de la moitié sont des multinationales occidentales et le reste, des entreprises chinoises.

JUSQU’À 200 MILLIONS DE DOLLARS DÉBOURSÉS PAR SPONSOR

«Le budget des sponsors et du marketing devrait couvrir le coût des JO, soit 2,1 milliards de dollars, une hypothèse chiffrée qui n’inclut pas les dépenses en matière d’installations publiques», selon Associated Press. Par ailleurs, comme le rapporte le média belge 7sur7, les partenaires du Bocog ont déboursé jusqu’à 200 millions de dollars chacun. On comprend que le chef du département marketing du Bocog, Yuan Bin, ait annoncé à 7sur7 que ces partenaires «fourniront une solide base matérielle pour la réussite des Jeux».

Parallèlement à l’opération de marketing du Bocog, la télévision centrale CCTV a pu accroître ses recettes publicitaires annuelles de 20 % avec un chiffre record de 10,7 milliards de dollars, lors de sa vente annuelle des espaces publicitaires 2008 organisée en novembre dernier. La Chine compte en effet près de 300 millions de consommateurs urbains, et chaque partenaire espère bien profiter des JO pour accroître ses parts de marché.

DES INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES PRÉDOMINANTS FACE AUX DROITS DE L’HOMME

Ces quelques chiffres permettent de prendre conscience de l’importance des JO de Pékin pour les dirigeants chinois, et de leurs craintes suite aux appels au boycott de ces dernières semaines. Les intérêts économiques en jeu sont tels que les sponsors privilégient de rester pour l’instant en dehors du conflit en ne prenant pas publiquement de position, et que les droits de l’Homme ne pèsent pas lourd dans les décisions des hommes politiques occidentaux. Il y a certes quelques réactions indignées, des décisions individuelles courageuses pour déserter la cérémonie d’ouverture (comme celles du président tchèque Vaclav Klaus ou du prince Charles d’Angleterre, du Premier ministre polonais Donald Tusk, du réalisateur Steven Spielberg et de l’actrice Mia Farrow). Quelques athlètes français se risqueront timidement à porter un brassard avec l’inscription «Pour un monde meilleur». Mais comme le pense en effet Gao Xingjian, le célèbre écrivain français d’origine chinoise et Prix Nobel de littérature: «Les Jeux olympiques ne seront pas un vecteur de changement dans ce pays en mutation qu’est la Chine, qui a déjà suffisamment de problèmes à résoudre. Les prises de position personnelles et les campagnes menées contre les Jeux auront une portée minime.»

A moins que les populations occidentales ne s’en mêlent directement, en s’inspirant des campagnes de Ralph Nader aux Etats-Unis pour la défense des consommateurs. Imaginons en effet, que les populations occidentales organisent des campagnes massives d’e-mails de protestation auprès de toutes les autorités concernées, ou menacent de boycotter tous les produits des sponsors et partenaires dont les publicités seront diffusées, voire d’éteindre leurs téléviseurs pendant la période des JO. Les entreprises visées risqueraient alors de voir leurs parts de marché s’effondrer dans les pays occidentaux. Quoiqu’on en dise, même si les consommateurs chinois représentent un énorme marché potentiel, il n’est pas certain que les achats des consommateurs chinois permettraient de compenser les pertes subies ailleurs.

Officiellement bien sûr, il n’y a pas d’alerte, les sponsors continuent d’apporter leur soutien aux JO, mais leur inquiétude grandit, car ils doivent s’expliquer sur les considérations des droits de l’Homme. En effet, « selon des experts marketing occidentaux à Pékin », les sponsors « ont constitué des équipes de management de crise, augmenté leurs budgets de consultants média, et se sont entretenues en privé avec le comité d’organisation des Jeux (Bocog) » fin mars dernier, rapporte l’AFP.

 

(1) Liste des 12 partenaires olympiques TOP : Coca-Cola, General Electric, Kodak, Manulife, Omega, Samsung, Atos Origine, Johnson-Johnson, Lenovo, McDonald’s, Panasonic, Visa.

(2) Liste des 11 partenaires de Beijing 2008 : Adidas, Johnson-Johnson, Volkswagen, Bank of China, Sinopec, China Mobile, Air China, CNC, CNPC, PICC, State Grid