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Silence et fin de règne au Zimbabwe

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
13.04.2008
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  • Bureau de vote au Zimbabwe(Stringer: DESMOND KWANDE / 2008 AFP)

 

Plus de 2 semaines après les élections présidentielles du 29 mars au Zimbabwe, Robert Mugabe est toujours au pouvoir, faute de publication des résultats des votes. Encore soutenu par l’armée et par l’Afrique du Sud, le vieux dictateur prépare-t-il un scénario à la kenyanne, ou une transition pacifique vers l’après Mugabe est-elle possible?

 

Robert Mugabe semble avoir depuis début avril fermé à double-tour les portes de son palais et faire le sourd. Le vieux dictateur ne s’est pas rendu à Lusaka, en Zambie, où les dirigeants d’Afrique Australe avaient organisé samedi dernier un sommet en urgence pour résoudre la crise post-électorale au Zimbabwe.

Ce sommet des dirigeants de la SADC (coordination du développement d'Afrique australe) est comme un rappel des 30 dernières années de l’Afrique Australe : D’abord parce qu’il a eu lieu à Lusaka en Zambie, l’endroit de sa création  en 1980 – la même année qui a fait arriver au pouvoir le parti de Robert Mugabe, le ZANU, bras marxiste de la lutte anti-colonialiste. Le ZANU avait cette année remporté les élections générales sous consulat britannique, qui précipitèrent l’indépendance de l’ex-Rhodésie du Sud.

Ensuite, la SADC avait été constituée pour établir des synergies de développement des pays de la région afin de former un bloc fort indépendant de l’Afrique du Sud sous apartheid. Or c’est justement l’Afrique du Sud qui, par la voix du Président Mbeki, est aujourd’hui un des principaux soutiens de Robert Mugabe. Celui-ci est encore vu dans la région, 29 ans après son arrivée au pouvoir, comme un héros de la lutte pour l’indépendance et contre l’apartheid. Mais, alors que la plupart des pays occidentaux craignent une bouffée de violence et appellent clairement au départ de Robert Mugabe, le Président Mbeki trouve la situation « normale » et pense pouvoir déjà anticiper qu’un second tour sera nécessaire pour départager Messieurs Mugabe et Tsanvigarai.

La longue route de Morgan Tsvangirai

Morgan Tsvangirai, père de 6 enfants et travailleur dans une mine de nickel, est un syndicaliste qui a fait ses premières armes contre Robert Mugabe en 1997 en organisant des grèves très suivies contre les avantages accordés aux proches du régime, dits « anciens de la guerre d’indépendance » et financées par des hausses d’impôts.

C’est en 1999 qu’il a fondé le MDC (Mouvement pour le Changement Démocratique), lequel a rapidement réuni la grande majorité des opposants à Mugabe - qui sont également ses victimes : fermiers blancs, ethnie ndébélé (durement touchée par la guerre civile entre 1980 et 1988 et restée paria  au Zimbabwé), syndicalistes…

En 2000, Tsvangirai a infligé sa première défaite à Mugabe en obtenant le rejet par référendum du projet de révision de la Constitution voulu par le camp présidentiel. Cette révision devait légaliser l’expropriation sans indemnisation des fermiers blancs encore présents depuis la décolonisation. Ceux-ci avaient fait du Zimbabwe le « grenier à blé » de l’Afrique et une des rares régions du continent à être en excédent alimentaire ; leur départ progressif était cependant prévu depuis la déclaration d’indépendance et ne s’était pas réalisé par inertie de la Grande Bretagne.

Malgré cette défaite, tous les fermiers blancs furent violemment expulsés et leurs biens, pillés, « redistribués » aux proches du régime – des personnes sans aucune expérience de l’agriculture qui ont laissé les terres en friche,  provoquant une pénurie alimentaire massive et l’exode de plus de 3 millions de personnes vers les pays voisins.

Lors des élections présidentielles de 2002, Mugabe a été réélu avec - officiellement - 57% des suffrages, dans un scrutin truqué dont le résultat réel reste encore aujourd’hui inconnu.

Ce scrutin a montré la persistance du poids politique politique de Tsvangirai ; c’est à partir de ce moment que le MDC a été régulièrement accusé d’être le parti « des blancs et des colonialistes. » Morgan Tsvangirai a, en 2003, été accusé d’avoir « conspiré » contre le chef de l’Etat et a risqué la peine de mort avant d’être acquitté en 2004. En 2007, lors de manifestations contre le pouvoir, il a également été copieusement tabassé par la police.

Même dans son propre camp, Tsvangirai a essuyé de nombreuses critiques pour avoir toujours choisi le  chemin des urnes plutôt que celui de l’insurrection.

Sa stratégie a enfin porté ses fruits en début d’année avec une première victoire électorale, et laquelle : le MDC est sorti grand vainqueur des élections législatives devançant le ZANU avec 110 sièges contre 97. Et semble devoir gagner la présidentielle.

Mugabe et l’armée

Mais, Mugabe a placé ses fidèles dans la police et l’armée, lesquelles ont déjà annoncé qu’elles utiliseraient la force pour le maintenir au pouvoir. Les analystes ont d’abord pensé que Mugabe allait négocier sa sortie de scène et éviter – sa défaite électorale ne faisant guère de doute - l’humiliation d’un second tour. Les résultats des élections présidentielles n’étant toujours pas publiés, les mêmes analystes, et le corps diplomatique, commencent aujourd’hui à craindre des manipulations proches de celles récemment observées au Kenya… avec le même risque d’embrasement. L’opposition, par la voix du MDC, alerte depuis plus d’une semaine sur la préparation d’un coup d’Etat militaire par les proches de Mugabe.  Une grève générale est prévue mardi 15 avril pour exiger la publication des résultats de l’élection.

Tsvangirai a entamé avant la réunion de la SADC une tournée pour obtenir l’intervention des pays d’Afrique Australe, qui n’a pas permis de dégager un franc soutien, chaque pays souhaitant éviter une régionalisation de la crise zimbabwéenne et gardant en héritage des années de soutiens à Mugabe.

Quels lendemains pour le Zimbabwe?

Mugabe joue cependant sa dernière carte. Il laisse un pays exsangue, où les chômeurs représentent plus de 80% de la population et où l’espérance de vie est passée ces dernières années de 50 à 37 ans.  Les mesures populistes de Mugabe (parmi les dernières mesures proposées, la nationalisation des mines de platine et de diamant) ont ruiné le pays mais lui ont assuré du soutien dans les campagnes.

L’inflation était en 2008 de 100 000%, malgré des richesses minières (nickel, platine, diamant) importantes et un gigantesque potentiel agricole. Le quart de la population zimbabwéenne dépend de l’aide de programme alimentaire mondial.

Au ban de la communauté internationale, le pouvoir zimbabwéen n’est plus soutenu que par des régimes comme l’Iran, la Chine et le Vénézuela (qui seuls ont été invités à envoyer des observateurs pour les élections présidentielles).

L’après-Mugabe – prenons le risque de l’anticiper - devra commencer par une normalisation des relations avec la communauté internationale, avant des efforts de reconstruction, peut-être avec l’aide du Commonwealth qui est resté très attaché à l’ancienne colonie britannique. Mais pour parler des pistes de redressement de l’ex-Rhodésie du Sud, il faudra déjà la réponse à la question actuelle : où donc sont les résultats du vote ??

 

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.