« Cradle to Cradle » : une nouvelle conception des produits industriels

Écrit par Patrick C. Callewaert, La Grande Époque
29.04.2008

  • (攝影: / 大紀元)

 

Alors que la crise financière n’est pas terminée, la crise alimentaire d’ampleur planétaire resurgit suite à la flambée des prix des céréales telles que le blé, le riz et le maïs. Certains experts ont prédit le désastre qui s’annonce, dont Lester Brown, agroéconomiste américain et l’un des pionniers du développement durable, affirmant que « la destruction de l’écosystème est si rapide qu’elle pourrait entraîner un effondrement de l’économie mondiale » (*).  

 

Le salon Produrable, qui s’est tenu les 2 et 3 avril 2008 à la Grande Arche de la Défense, à Paris, fut l’occasion de présenter les dernières avancées dans le domaine du développement durable, parmi lesquelles le Cradle to Cradle. Une conférence remarquable où Jérôme de Dinechin, le fondateur de la société Serrastone, et Eric Allodi d’Integral Vision, ont dressé un panorama de cette approche économique nouvelle.

DÉCHETS = NUTRIMENTS

A la base de cette idée, qui fut lancée dans les années 1990 par l’architecte américain Bill Mc Donough, désigné héros de la planète par Time magazine, et le chimiste allemand Mickael Braungart, se trouve un principe commun à tous les écosystèmes naturels : les déchets des uns sont des nutriments pour les autres, et tout est biodégradable.

En effet dans la nature, les organismes se nourrissent les uns les autres de leurs déchets, ce qui fait que la nature ne connaît pas de déchets. Inversement, les déchets produits par l’homme sont rarement biodégradables ou sur de très longues périodes. Ils finissent leur vie en polluant l’eau, le sol ou l’air, de sorte que nous en retrouvons inévitablement en faible quantité dans notre nourriture et notre corps.

 

REPENSER LA CONCEPTION ET LA PRODUCTION GRÂCE À LA CERTIFICATION CRADLE TO CRADLE

Pour mettre ce principe en œuvre, Michael Braungart réalise dans les années 90 une bouteille biodégradable avec une graine intégrée. Ainsi, lorsque l’emballage est jeté en pleine nature, il sert de nutriment pour faire pousser la graine. L’idée séduit très vite Bill Mc Donough, qui voulait aller au-delà des économies d’énergies dans le bâtiment, et cherchait un moyen de fabriquer des produits respectueux de l’environnement. De ces échanges entre les deux chercheurs sont alors nés en 2002 un livre et une certification internationale, « Cradle to Cradle – C2C », pour tous les produits industriels conçus selon cette approche. L’idée révolutionne complètement le mode de conception des produits.

En effet, on ne se limite pas à minimiser les nuisances sur l’environnement ni à préserver la nature, mais on tente d’aller au-delà en contribuant positivement à l’environnement. Il s’agit de favoriser la créativité des concepteurs en repensant la composition des produits et les flux de matières qui lui sont associés, afin que tout déchet issu de la production ou de la consommation soit biodégradable ou recyclable. On distingue ainsi deux cycles de produits industriels, selon que les produits utilisés et leurs déchets sont dégradés par la nature et lui servent de nutriments biologiques (cycle biologique), ou bien selon que leurs constituants sont réutilisés comme nutriments techniques indéfiniment recyclables dans le processus de production (cycle technique).

APPLICABLE À TOUS LES PRODUITS INDUSTRIELS, DE LA COUCHE CULOTTE… AU BÂTIMENT

Depuis 2005, année des premiers certificats, près de 43 industriels américains et européens, parmi lesquels certains grands noms, et 109 nouveaux produits ont déjà obtenu la certification C2C, qui est délivrée par MBDC, la société de certification fondée par Bill Mc Donough et Mickael Braungart. Les certificats sont délivrés selon trois catégories (Gold, Silver, et Basic) selon la qualité du produit en regard du principe C2C.

Les produits certifiés vont de la couche-culotte et des boîtes aux matériaux de bâtiment, en passant par les moquettes ou les meubles. Par exemple : les T-shirts de la société Trigema, entièrement biodégradables et réutilisables comme compost dans les plantations de coton, les couches de gDiapers qui sont entièrement biodégradables, un tissu d’ameublement biodégradable et à l’innocuité totale fabriqué par Rohner Textil, certaines chaises entièrement démontables et recyclables de chez Steelcase ou Herman Miller, des boîtes postales produites par United Postal Services, les isolants thermiques produits par Energy barriers Inc, etc…

En France, le seul industriel ayant obtenu la certification C2C est la toute jeune société Serrastone, qui produit la pierre de Roches de Saint-Agnant. Cette pierre est créée à partir d’un mélange de roches et d’eau, suivant un procédé breveté de mise sous pression qui provoque la reconstitution d’une pierre utilisable pour des murs porteurs. Ce produit s’inscrit de plein droit dans la construction des nouveaux bâtiments certifiés HQE (Haute Qualité Environnementale), mais son originalité est multiple : elle est tout d’abord constituée de résidus de carrières qui n’étaient jamais utilisés, sa réalisation n’utilise aucun produit chimique, et sa fabrication peut-être faite localement. Par ailleurs, elle n’est chauffée qu’à 150 degrés, ce qui la rend peu énergivore par rapport aux réalisations en béton, où le ciment est produit dans des fours à plus de 1.000 degrés.   

UNE RÉVOLUTION INDUSTRIELLE ET ÉCONOMIQUE

Avec l’apparition des produits certifiés C2C et de la philosophie qui sous-tend cette démarche, le développement durable entre dans une nouvelle dimension. Il ne s’agit plus seulement de faire attention à ses consommations d’énergie et productions de déchets, mais de proposer des produits vraiment durables, c’est à dire non-toxiques pour l’environnement et recyclables indéfiniment. N’en doutons pas, il s’agit d’une transformation radicale de notre façon de produire et de consommer, peut-être d’une révolution industrielle et économique du même ordre que l’apparition des premiers métiers à tisser ou de la machine à vapeur.