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Deux modèles opposés pour le fleuve San Francisco

Écrit par ICRA International
04.04.2008
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Leonardo Boff est à la tête d’un manifeste dans lequel il signale : «Nous rejetons l’actuel projet du gouvernement fédéral de dérivation du fleuve San Francisco car il n’est pas démocratique, puisqu’il ne démocratise pas l’accès à l’eau pour les personnes qui ont soif dans la région semi-aride.»

Le président Lula affirme que les travaux apporteront de l’eau à 12 millions de pauvres et qu’«entre l’évêque et les pauvres, je suis du côté des pauvres». Son ministre de l’Intégration nationale, Geddel Vieira, accuse l’évêque d’être «l’ennemi numéro un de la démocratie». C’est la première fois que les mouvements sociaux et d’éminents intellectuels se heurtent frontalement à Lula, sur un sujet qui ne permet pas deux lectures.

Le 27 novembre 2007, l’évêque de Barra, dans l’État de Bahia, débutait sa deuxième grève de la faim contre le détournement du fleuve San Francisco. La première, il l’avait faite pendant onze jours en 2005, pour les mêmes raisons, mais il avait décidé d’y mettre un terme suite à l’engagement du gouvernement de Lula d’interrompre les travaux et d’ouvrir un débat avec la société. Une fois Lula réélu, fin 2006, la mise en oeuvre du projet se poursuivit, toujours sans débat national.

Le 11 décembre, le Tribunal régional fédéral de la 1re Région a accepté une requête du «Conseil régional de recours hydriques» et a ordonné de paralyser les travaux entamés en juillet par l’armée. Ce jour-là, la Conférence nationale des évêques se réunissait avec Lula. Face au manque de réponse favorable, le 14, elle a publié un communiqué d’appui au jeûne et à la prière de l’évêque.

Le 20 décembre, l’évêque a mis fin à son jeûne. Selon l’agence Adital, l’évêque Cappio est arrivé à la messe en chaise roulante et il a lu une lettre expliquant sa décision : «Après ces 24 jours, je termine mon jeûne, mais pas ma lutte qui est aussi la vôtre, qui est la nôtre. Nous avons besoin d’élargir le débat, de diffuser la véritable information, de faire croître notre mobilisation. Jusqu’à faire échouer ce projet de mort et conquérir le vrai développement pour la région semi-aride et le São Francisco.»

Le fleuve de «l’intégration nationale»

Le fleuve naît dans l’État de Minas Gerais (d’où il tire 75 % de son débit), voisin des États de São Paulo et de Río de Janeiro, il traverse le Planalto et pénètre dans Bahia, en plein Nordeste, pour déboucher, après avoir parcouru 2800 kilomètres, dans l’océan Atlantique, entre les États de Alagoas et de Sergipe. Il fut baptisé en 1501 par Amerigo Vespucci. En 1994, lors de la «Caravane pour la citoyenneté» réalisée par Lula, le long du fleuve San Francisco, le père Luiz Cappio fut présenté par son professeur de théologie, Leonardo Boff, à celui qui était alors candidat à la présidence.

Il s’agit d’un fleuve emblématique. Il fut baptisé comme «fleuve de l’intégration nationale» car il traverse plusieurs régions, unit des États distants tels que les riches du Sud-Est et les plus pauvres du Nord, et il traverse des zones de différentes cultures : des régions industrielles, à la population majoritairement blanche et de classe moyenne, aux zones indigènes, afro-brésiliennes (quilombolas) et paysannes.

L’objectif du détournement des eaux du fleuve San Francisco, qui seraient transvasées vers d’autres bassins, est celui d’apporter de l’eau dans une zone semi-aride comme celle du Nordeste, où la population souffre de pénurie pendant la période de sécheresse. Selon Lula, les travaux bénéficieront à quelque 12 millions de personnes de 391 municipalités dans quatre États (Pernambuco, Paraiba, Río Grande do Norte et Ceará).

Les critiques, y compris celles de plusieurs institutions officielles, affirment que les travaux sont trop chers : environ 3 milliards de dollars. Des travaux de cette envergure attirent «le commerce de l’eau», c’est-à-dire les entreprises qui construisent et investissent dans le secteur. L’Agence nationale des eaux, un organisme officiel, prétend qu’il existe des alternatives pour fournir en eau la population de la région sèche. Sur la base de ses propres études, elle suggère la réalisation de 530 petits et moyens chantiers qui peuvent approvisionner 1356 municipalités de neuf États et 34 millions de personnes, avec un coût de seulement 3,6 milliards de réales contre les 6,6 milliards que demande le détournement.

Mais l’accusation la plus grave est que le projet «prétend utiliser de l’argent public pour favoriser les entreprises sous contrat, le commerce de l’agriculture, pour privatiser et concentrer dans les mains de certains – toujours les mêmes – les eaux du Nordeste, des grands réservoirs, additionnées à celles du fleuve San Francisco». Ces critiques affirment que 71 % des eaux qui seront transvasées passeront loin des zones qui en ont le plus besoin, et que 87 % de ces eaux seront destinées aux activités économiques hautement consommatrices en eau : culture d’arbres fruitiers par irrigation, élevage de crevettes et sidérurgie, toutes destinées à l’exportation.

De plus, des millions de pauvres, qui vivent sur la rive du fleuve et qui survivent de la pêche et de l’agriculture familiale, seront lésés. En réalité, ils le sont déjà, car le fleuve San Francisco a été fragilisé par des travaux et des barrages comme celui de Sobradinho, très proche du lieu où l’évêque Cappio a réalisé son second jeûne. Les habitants demandent la revitalisation du fleuve, ce qui va à l’encontre du transvasement de ses eaux.

 

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