Des enfants aborigènes cobayes en recherche médicale?

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
02.05.2008

  • Des enfants derrière les grillages du camp Kahlin dans les années 30.(攝影: / 大紀元)

Les générations perdues attendent des réponses.

 

Le Sydney Morning Herald et l’ensemble de la presse australienne rapportent que des enfants aborigènes de la « génération volée » des années 1920 et 1930 auraient été utilisés comme cobayes pour tester des médicaments contre la lèpre. C’est en tout cas l’accusation qu’a lancée le 15 avril Kathleen Mills, représentante aborigène, devant la commission sénatoriale discutant des compensations financières à attribuer aux « générations volées », ces dizaines de milliers d’enfants aborigènes retirés à leurs parents et pris en charge par le gouvernement fédéral australien avant les années 1970. 

 

C’est « une des pages les plus sombres » de l’histoire d’Australie, dont l’importance médiatique est de plus en plus grande depuis une dizaine d’années. Pendant plus d’un siècle, entre 1869 et 1969, des dizaines de milliers d’enfants métisses aborigènes ou indigènes ont été retirés à leurs parents et confiés à des familles adoptives par le gouvernement australien, dans une politique clairement eugéniste dont le but était d’accélérer l’extinction « naturelle » des tribus natives, remplacés par la population « supérieure » de colons blancs.Depuis 1998 et la première journée nationale du pardon (National Sorry Day), les autorités australiennes se sont lentement avancées vers des excuses officielles, finalement prononcées le 13 février cette année par le Premier ministre Kevin Rudd:« Nous présentons nos excuses pour les lois et législations des gouvernements successifs qui ont infligé une profonde détresse, souffrance et perte à nos compatriotes australiens. Nous présentons en particulier nos excuses pour le retrait des enfants aborigènes et indigènes du détroit de Torres à leurs familles, à leurs communautés et à leur pays. Pour la douleur, la souffrance et la peine de ces générations volées, de leurs descendants et de leurs familles séparées, nous demandons pardon.»

ACCUSATIONS

Une commission sénatoriale examine donc le dossier des générations volées afin de décider d’un mécanisme de compensation financière qui, au moment du discours de Kevin Rudd encore, n’était supposément pas d’actualité. C’est au cours de la première audition de cette commission, à Darwin le 15 avril, que Kathleen Mills, membre des générations volées, a indiqué que des enfants élevés au camp dit « Kahlin », en périphérie de Darwin, dans les années 20 et 30 ont à cette époque reçu des médicaments anti-lèpre expérimentaux qui les ont rendu gravement malades. Le camp Kahlin, qui regroupait les enfants aborigènes, n’a été fermé qu’après la fin de la seconde guerre mondiale.

« Il y a de nombreuses choses qui n’ont jamais été dites », a déclaré Kathleen Mills, citée par le Sydney Morning Herald: « Ils n’ont pas seulement été enlevés, ils ont été utilisés… il y a de nombreuses choses que l’Australie ne sait pas. »

Les affirmations de Kathleen Mills pourraient être confirmées ou infirmées par l’analyse des archives du ministère de la Santé. Elle s’est basée sur les souvenirs de son oncle, qui dit avoir reçu les injections et a indiqué que de nombreux enfants avaient failli en mourir; son affirmation est soutenue par un autre témoin qui affirme que ces expérimentations ont eu lieu jusqu’aux années 60 dans la léproserie de Darwin.

La ministre de la Santé australienne, Nicola Roxon, a immédiatement assuré de son soutien: « Ce sont évidemment des accusations très graves. J’ai demandé à mon ministère d’examiner les archives pour déterminer s’il est possible de faire la lumière sur cette situation. »

Le sénateur Bob Brown, chef de file des Verts australiens et qui avait échoué à faire inclure la notion de compensation financière dans le texte d’excuses du gouvernement australien en février cette année, demande une enquête approfondie: « C’est peut-être vrai, ou peut-être pas. Cela demande une enquête. Si dans la communauté indigène les gens pensent que des enfants ont été utilisés pour des expérimentations contre la lèpre ou autre, il faut clarifier. »

Pour le sénateur Brown, il est crucial de déployer des moyens pour analyser les archives gouvernementales ainsi que celles des églises – souvent sollicitées pour l’éducation des enfants volés. « La question est celle de leur identité, de leur sentiment d’appartenance, de leur histoire », dit-il.

COMPENSATIONS FINANCIÈRES

La commission sénatoriale qui s’est ouverte vise à la création d’un « Fonds des Générations Volées » pour compenser les victimes et leurs descendants. Les sommes évoquées sont de l’ordre de quelques dizaines de milliers de dollars par personne.

Zita Wallace, président de l’Alliance des générations volées, indique au Sydney Morning Herald que les aborigènes et indigènes attendent du gouvernement une action urgente. « Parce que je sais que nous les anciens serons bientôt tous partis… peut-être est-ce ce qu’ils espèrent, parce qu’alors ils n’auront rien à payer ».

Si prouvée, l’utilisation d’enfants aborigènes comme cobayes pour des traitements anti-lèpre pourrait être un puissant accélérateur à la mise en place de ces compensations. Pour autant, des experts de la lèpre émettent certains doutes et pensent que dans le contexte de lèpre endémique de l’époque, des traitements expérimentaux auraient pu effectivement avoir été donnés aux malades, indistinctement de leur race ou ethnie, mais seulement parce qu’ils étaient alors le seul espoir de guérison.