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Black Power aux Olympiques de 1968: entrevue avec Tommie Smith, icône du mouvement des droits civils

Écrit par Martin Croucher, La Grande Époque - Royaume-Uni
23.05.2008
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  • les sprinters américains Tommie Smith (centre) et John Carlos (droite) brandissent leur poing(-: OFF / ImageForum)

Il y a 40 ans, Tommie Smith s’est regardé dans le miroir et s’est demandé s’il pouvait mettre à exécution ce que lui et John Carlos avaient planifié.

Il venait tout juste de remporter la médaille d’or du 200 mètres aux Jeux olympiques de 1968, à Mexico. Et même si ce qu’il était sur le point de faire signifiait la fin de sa carrière sportive, au moment précis où il a reçu sa médaille sur le podium, Tommie Smith a écrit une page d’histoire.

Lui et le médaillé de bronze John Carlos se sont tenus pieds nus, la tête baissée et ont brandi leur poing vêtu d’un gant noir alors que l’hymne national américain s’entamait.

Leur objectif était de protester contre le racisme et la discrimination aux États-Unis.

«Même avant de poser ce geste nous étions pointés partout où nous allions», a raconté M. Smith à La Grande Époque. «On se faisait menacer, on se moquait et on riait de nous. Nous étions traités comme des citoyens de deuxième classe.»

Tommie Smith poursuit : «Nous ne voulions pas seulement terminer la course, recevoir une petite tape sur l’épaule et retourner ensuite au pays aux prises avec une injustice raciale dévastatrice. Nous voulions débuter un dialogue avec notre pays. Il y avait un besoin d’égalité sociale.»

«Parce que nous étions des athlètes, nous avons utilisé notre position pour représenter les besoins de la communauté noire.»

«Il y avait des centaines de jeunes hommes noirs qui n’avaient pas de plateforme et nous devions être cette plateforme pour eux.»

Leur geste politique a été partagé par Peter Norman, le médaillé d’argent australien. Smith, Norman et Carlos ont tous porté un macaron du Projet olympique pour les droits de l’Homme en guise de solidarité.

Plus de 400 millions de personnes dans le monde ont vu leur protestation à Mexico et l’image représente aujourd’hui un point marquant du mouvement des droits civils.

La photo du coup d’éclat s’est retrouvée pratiquement sur tous les quotidiens de la planète mais, à l’époque, la réaction était particulièrement hostile.

Les trois sprinters ont été hués par la foule alors qu’ils quittaient le terrain.

L’Associated Press avait comparé leur geste à un genre de salut «nazi». Le journaliste sportif Brent Musburger les avait qualifiés de «chemises brunes [groupe nazi paramilitaire] à la peau foncée».

«Nous savions qu’il n’y aurait pas de retour possible si nous faisions cela», explique M. Smith. «Nous savions que nous allions en souffrir.»

«On nous a refusé des emplois, il était impossible pour nous de louer un appartement, et les autres athlètes nous évitaient», poursuit-il. «Mais nous avons affronté le système parce que nous devions absolument faire une différence.»

Le président du Comité international olympique de l’époque, Avery Brundage, a déclaré que le sentiment politique de leur protestation contrevenait à l’esprit olympique et a ordonné que les deux athlètes soient suspendus de l’équipe américaine et expulsés du village olympique.

De retour aux États-Unis, la seule chose que Tommie Smith a pu faire est de se lancer dans l’éducation, il est devenu assistant au professeur d’éducation physique au Oberlin College.

John Carlos a également vécu de moments difficiles après la protestation. Il avait ultérieurement confié dans une entrevue au Los Angeles Times : «Ma première femme est décédée en raison de cela. Elle s’est enlevée la vie parce qu’elle ne pouvait vivre avec les pressions de Mexico.»

Peter Norman a aussi remarqué que les autres athlètes l’évitaient en raison de son geste de solidarité envers Smith et Carlos.

Smith estime que leurs actions ont créé un précédent, un exemple que les athlètes peuvent suivre, particulièrement en ce qui a trait aux Jeux de Pékin au mois d’août.

«Les Jeux olympiques ne sont plus non politiques», fait-il remarquer.

Il ajoute qu’il est possible que certaines équipes dans le monde prennent part à une sorte d’action symbolique à Pékin pour dénoncer le pitoyable dossier des droits de l’Homme du régime.

Plus d’un million de Chinois seraient actuellement emprisonnés dans des camps de «rééducation» et seraient torturés.

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Selon Smith, il est impossible de dire s’il y aura des protestations similaires à Pékin. «Mais ce que je peux dire à chaque athlète : "avant de t’engager, regarde-toi dans le miroir et demande-toi si tu aimes ce que tu fais et si tu es prêt à subir les conséquences de tes idéaux.”»

«Il faut répondre à cette question avec l’idée que vous êtes à l’avant-garde du changement mondial. Ceux qui font ce pas changent l’histoire.»

Après quatre décennies, le monde est très différent, certainement à la suite d’actions de personnes comme Tommie Smith et John Carlos.

Mais avec les conflits raciaux qui continuent à causer des tensions dans la société américaine, est-ce que Smith croit que les choses ont vraiment changé en termes d’égalité des droits?

«Je ne serais pas respectueux envers les milliers de jeunes hommes qui ont été tirés, pendus ou déchiquetés par des chiens dans la lutte pour l’égalité des droits si je disais que rien n’a changé», répond Tommie Smith.

«Mais le changement est en perpétuel mouvement et il faut continuer à y travailler. Aussi longtemps qu’il y a des êtres humains qui respirent, ça vaut la peine de lutter [pour le changement].»

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.