Où est le théâtre de rue?

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
25.05.2008
  • Une des neuf scènes de la pièce /La Marea/(攝影: / 大紀元)

La saison estivale à Montréal accueille ses festivals musicaux en grand nombre, appuyés par des déploiements techniques impressionnants. Pour sa part, le théâtre de rue est souvent relayé au divertissement de la foule patientant entre deux spectacles extérieurs. Quand il s’agit d’évènements théâtraux, l’intérieur des espaces est privilégié au détriment des interactions dans les rues avoisinantes. Mais il y a encore une lueur d’espoir si l’on considère la grande inventivité des artistes des dernières années.

Cette fin de semaine passée à Québec, sur la rue Cartier se tenait une intervention théâtrale majeure réunissant le metteur en scène argentin, Mariano Pensotti, et des comédiens québécois pour une aventure en neuf tableaux présentés en simultané. Les gens avaient le loisir de déambuler d’une scène à l’autre se répétant neuf fois chacune. L’expérience fut accompagnée de sous-titres traduits en français venant contrebalancer ce que les comédiens énonçaient dans cette même langue. Voilà ce que peut faire le théâtre de rue quand on lui laisse la place. Plus qu’un divertissement, il pourrait s’agir d’un mode de vie urbain. Il y a les musées, les cinémas, les théâtres où l’on entre et sort selon une habitude bien connue; mais le théâtre de rue se pointe directement à vous, vous interpelle plus souvent qu’autrement et, quand c’est bien fait, l’expérience peut parfois permettre une implication émotive plus grande qu’en salle.

Plus qu’une simple apparition, une déclaration publique d’existence où vous avez le loisir d’intervenir. Prenons pour modèle la France, experte dans le domaine du théâtre de rue, ayant des festivals dédiés au genre (Aurillac, par exemple). Pour l’occasion, différents genres de théâtre de rue sont regroupés ensemble. Certains axent leur intervention sur les installations à grands déploiements, d’autres assurent une tout autre ouverture en se manifestant physiquement.

Autre genre, à Paris, le groupe universitaire de Paris 8, la B.I.S. (Brigade d’Intervention Spatiale), avait le mandat de créer des manifestations théâtrales hors du cadre des festivals. Ils surgissaient de nulle part, tous vêtus de rouge, de tubes lignés ou de matières plastiques translucides d’où émanait une lumière, et ce, dans une perspective de dialogue avec le public. Ils allaient vers le citadin et remettaient en question sa perception visuelle. Ce qui émerge rend alors le spectateur témoin et intervenant dans son observation, chose qui habituellement ne se fait pas en position assise, à l’intérieur de quelques bâtiments dans un temps donné.

Momentùm, compagnie de théâtre montréalaise, avait l’habitude de produire un spectacle par mois dans un lieu toujours différent. Il s’agissait alors d’une réunion programmée pour laquelle le spectateur pouvait s’attendre à tout. Le même type de rencontre se pose avec le Festival Juste pour rire, dans une perspective plus légère. Dans les deux cas, le spectateur se dirige quelque part pour entrer en contact avec le jeu, vivre une expérience théâtrale différente.

Tellement de possibilités s’ouvrent avec la déambulation, le happening théâtral dans un milieu inattendu, l’absence de lieu fixe. Si le financement public pouvait être à la hauteur des exigences qu’imposent de telles interactions; si les festivals se mobilisaient pour laisser une place plus flexible pour les intervenants; si la création se faisait en considérant les dialogues avec le public, peut-être alors pourrions-nous envisager un développement intéressant au Québec. Après une longue période d’hibernation, quoi de mieux pour le spectateur que de prendre part à la vie artistique de sa ville? Quoi de plus exaltant que d’aiguiser son regard sur les transformations du réel au cœur de son quotidien? Quoi de plus excitant que de se sentir appelé par l’action culturelle? Allez, tous dehors et que la rue se libère!