Parodie de démocratie en Birmanie

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
07.05.2008
  • Des gens manifestent devant l’ambassade de Birmanie à Ottawa(攝影: / 大紀元)

Climat de répression pour voter sur la Constitution

La junte militaire au pouvoir en Birmanie se pose comme le défenseur des intérêts de la nation. Sans elle, tout s’effondrerait. Un discours que l’on retrouve chez n’importe quelle dictature. Mais comme elle n’est pas une puissance économique et politique de taille, elle est frappée de sanctions par différents gouvernements occidentaux. Puis à l’interne, des décennies de répression ont poussé la population dans l’opposition. Pour démontrer leur «grande latitude», mais surtout pour contrer les dilemmes ci-haut mentionnés, les généraux birmans ont promis d’engager le pays qu’ils dirigent sur le chemin de la «démocratie».

Notons tout d’abord que leur emploi du mot «démocratie» peut être adéquatement remplacé par «dictature». Le projet de Constitution, sur lequel voteront par référendum les Birmans le 10 mai prochain, ne fait que fortifier la position des militaires dans la structure étatique. Un fait que condamnent les organisations des droits de l’Homme et pour la démocratie.

Le 1er mai, l’ONG Human Rights Watch (HRW) a publié un rapport dédié à la question et intitulé Vote to Nowhere: The May 2008 Constitutional Referendum in Burma (Vote vers nulle part : le référendum constitutionnel de mai 2008 en Birmanie). Elle note que les «Conditions pour la tenue d’un référendum juste et libre sont inexistantes en Birmanie en raison d’une répression étendue, incluant l’arrestation de militants de l’opposition; la censure des médias; l’interdiction sur les rencontres et rassemblements politiques; l’absence d’une commission référendaire indépendante et de tribunaux pour superviser le vote et la présence d’un climat de peur omniprésent créé» par la junte au pouvoir, écrit HRW dans un communiqué.

«Les généraux birmans montrent leurs vraies couleurs en continuant d’arrêter quiconque s’oppose à leur faux référendum et ils refusent le droit à la population de discuter publiquement des mérites du projet de constitution», déplore Brad Adams, directeur Asie chez HRW. «L’acceptation internationale de ce processus sera un grand pas en arrière.»

Le référendum se tiendra quelques mois après la sanglante répression du mouvement démocratique dans lequel les moines bouddhistes ont joué un rôle de premier plan.

Le projet de constitution est le fruit de plusieurs années de la Convention nationale, une conférence noyautée par l’armée et les gens proches du pouvoir. Selon HRW, la critique même de la Convention était passible de vingt ans de prison. Il en ressort donc normalement que la constitution proposée laisse une place dominante aux militaires et contienne même une clause empêchant à la chef de la Ligue nationale pour la démocratie et Prix Nobel de la paix, Aung San Suu Kyi, de se présenter. Cette dernière est toujours en résidence surveillée, car sa force d’attraction, autant en Birmanie qu’à l’étranger, représente une menace pour la dictature.

Au Canada

Les 25 et 26 avril, les Birmans au Canada pouvaient se rendre à leur ambassade à Ottawa pour voter au référendum. Des réfugiés birmans, qui n’ont pas le droit de vote parce qu’ils ont fui leur pays, en ont profité pour manifester leur opposition au processus «démocratique» antidémocratique.

«Nous voulons dire non au régime militaire birman. Nous ne voulons pas d’un gouvernement militaire dans notre pays. Nous voulons seulement des gens élus au Parlement», déclare Yé Yint, arrivé au Canada il y a dix ans comme réfugié, après s’être d’abord enfui en Thaïlande. Ses parents, toujours en Birmanie, se font encore harceler par les autorités qui leur demande : «Où est votre fils?»

Un autre Birman présent sur les lieux, Htun Htun Oo, est d’accord. «Nous voulons envoyer un message au peuple birman, venant des peuples démocratiques à travers le monde, que le gouvernement militaire va tenir un référendum tout en écrivant une constitution qui n’est pas basée sur la démocratie ou les droits de l’Homme. Alors nous exhortons les gens en Birmanie à voter “non” dans le référendum. Le gouvernement militaire essaie toujours de légitimer la militarisation de la Birmanie.»

Du côté du gouvernement canadien, on avait voté, en 2007, l’attribution des plus grands honneurs à Aung San Suu Kyi. Elle a rejoint Nelson Mandela, le Dalaï-lama et Raoul Wallenberg en recevant la citoyenneté canadienne honoraire. C’est le lundi 5 mai que Sein Win, premier ministre du gouvernement birman en exil, a reçu le titre au nom de Mme Suu Kyi.

Campagne médiatique

En même temps que la junte militaire essaie de se donner un semblant de légitimité par référendum, une campagne internationale est en branle pour faire libérer Aung San Suu Kyi, comme cela avait réussi avec Nelson Mandela.

Plusieurs acteurs hollywoodiens se sont rassemblés autour de ce thème. Une campagne de 30 jours, qui a débuté le 1er mai, présente quotidiennement un nouveau clip avec une vedette plaidant pour libérer Suu Kyi et pour la démocratie en Birmanie. Jusqu’à ce jour, on a pu voir le comique Will Ferrell, mélangeant humour et sérieux, de même que Jennifer Aniston et Woody Harrelson. Dans le clip de ces derniers, Woody refuse de sortir de sa loge, au grand dam de la régisseuse et de Jennifer. Cette dernière demande à Woody : «Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu sortes?» Et Woody de répondre : «Je ne sortirai pas d’ici tant que la Birmanie ne sera pas libre!»

Les clips peuvent être visionnés sur le site [www.burmaitcantwait.org]. D’autres gros noms sont en lice, comme Forrest Whitaker, Steven Segal, Eva Longoria et Silvester Stallone. Le militantisme prononcé de Stallone en faveur de la Birmanie a été porté au grand écran avec Rambo IV dernièrement, alors que son personnage éradique à lui seul une division de l’armée birmane impliquée dans différents crimes contre l’humanité.

À l’ONU

Le Conseil de sécurité des Nations Unies, habituellement silencieux sur la Birmanie, s’est prononcé le 2 mai en faveur d’un processus référendaire respectant les «libertés politiques fondamentales». Mais Associated Press rapporte que la Chine s’est opposée à deux versions précédentes de la déclaration qui faisaient référence à Aung San Suu Kyi et à la liberté d’expression. C’est donc une déclaration diluée qui a été émise.

Quant à l’implication de l’ONU en Birmanie même, elle semble de plus en plus critiquée. Le magazine spécialisé sur la Birmanie et l’Asie du Sud-Est, The Irrawaddy, indique que les Birmans ont perdu confiance dans l’ONU suite à son incapacité d’aider à régler la crise et à l’impotence de son envoyé spécial, Ibrahim Gambari. Ce dernier est accusé de se soucier davantage de sa carrière et de vouloir maintenir le statu quo. Le fait qu’il n’ait même pas été en mesure de rencontrer les dirigeants lors de sa dernière visite démontre, selon le magazine, qu’il ne sert plus à rien.

Pam McLennan à Ottawa a contribué à cet article.