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Retour sur une grande figure des temps modernes

Écrit par Christine Modock, La Grande Époque - Martinique
10.06.2008
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  • Photo non datée d’Aimé Césaire alors qu’il était député-maire de Martinique. (攝影: / 大紀元)

Aimé Césaire est né au pied de la montagne Pelée, à Basse-Pointe, dans un petit village du Nord de l’île de la Martinique situé au cœur du bassin caribéen. Issu d’une famille de 7 enfants, son père était inspecteur des contributions et sa mère couturière. Son grand-père fut le premier enseignant noir en Martinique tandis que sa grand-mère, man Nini, une femme de tempérament très affirmé sachant lire et écrire, aimait transmettre son savoir aux enfants et petits enfants de la famille. Le jeune Aimé Césaire fait ses débuts à l’école primaire de son village. Élève talentueux, il obtient une bourse afin de suivre ses études au Lycée Schoelcher de Fort-de-France, où il sera remarqué pour ses brillantes capacités et l’excellence de ses résultats. Après son baccalauréat, en septembre 1931, il s’inscrit en classe d’hypokhâgne, au Lycée Louis le Grand à Paris, et rencontre dès le premier jour Léopold Sédar Senghor, avec qui il va nouer une amitié indéfectible jusqu’à sa mort.

Poète, écrivain, homme politique, mais surtout grand humaniste, Aimé Césaire est le fondateur avec Léon Gondran Damas et Léopold Sédar Senghor du mouvement littéraire de la négritude. Dans une prise de conscience avec son jeune ami guyanais Léon Damas, ils vont découvrir tous deux la part refoulée de leur identité africaine, effacée avec l’aliénation culturelle des sociétés coloniales. Et, dans une même détermination avec Léopold Sédar Senghor et d’autres antillo-africains, ils vont éditer ensemble un journal, « l’étudiant noir », où apparaîtra pour la première fois le terme de «négritude», concept forgé par Aimé Césaire en réaction à l’oppression coloniale.

Durant cette période universitaire, riche en rebondissements intellectuels, il ira à la découverte de son moi profond pour analyser tous les aspects de la souffrance des peuples dominés, en particulier du peuple noir. Il va mettre en exergue les politiques menées par des régimes d’oppression, tels que le colonialisme et l’esclavage, qui ne laissent aucune marge d’action aux hommes asservis, assujettis à des principes qui n’ont aucune correspondance avec leur réalité identitaire. A travers sa poésie et ses écrits, Aimé Césaire ne manie pas seulement le mot, mais la langue avec dextérité et il y a dans l’utilisation du langage qu’il emploie, une force, une profondeur du verbe, une énergie extraordinaires qui déborde sur le monde entier.

La dimension universelle de cet auteur intensément humaniste fait de lui le chantre de la négritude. C’est ainsi qu’il va donner à ce vocable un sens d’ouverture par une reconnaissance identitaire. Il aimait dire, lorsqu’il parlait à ses amis, qu’il était pour l’identité plurielle, car il y avait autant de particularités que de communautés et que la richesse du monde émanait de cette diversité. Malgré la dimension universelle qui était la sienne, il savait garder une simplicité remarquable et rester modeste. Toujours à l’écoute de chacun, il se montrait disponible par sa propension à aider, rassurer et trouver des solutions immédiates aux situations les plus difficiles. Homme de cœur, Aimé Césaire était connu pour sa grande générosité et sa capacité à protéger tous ceux qui s’adressaient à lui, sans distinction de classe ou de race. Il savait accueillir avec la plus grande attention en réconfortant les plus démunis et ce, même s’il se trouvait face à un petit malin qui pensait l’avoir trompé.

Toujours, il avait le mot juste pour expliquer avec une réelle compassion les motivations profondes de tous les comportements humains. C’était un homme d’une grandeur exceptionnelle, aimé de tous, même de ses adversaires, qui lui vouaient un très grand respect. En 1945, élu maire de Fort-de-France, il sera le rapporteur de la Loi de Départementalisation des DOM. Malgré les critiques acerbes de ses adversaires ; il va défendre un statut permettant aux Martiniquais d’obtenir les mêmes avantages sociaux que les Français de l’Hexagone. Son objectif visait principalement à sortir la Martinique de la pauvreté dans laquelle elle était plongée. Au cours de sa vie politique, Aimé Césaire va se battre pour que le peuple sorte du cloisonnement social et racial qui règne en Martinique. Grâce au concept de valorisation de la négritude, proclamé par sa poésie et ses écrits, cette vision va progressivement s’étendre en Martinique et dans toutes les contrées du monde, où vivent des peuples noirs, et à travers le théâtre, la danse, le chant mais surtout la poésie et la littérature, il va se produire un réveil de l’être noir profond. Aux Antilles ce réveil va s’exprimer par différents moyens culturels, d’où cette grande richesse de notre littérature locale avec des auteurs dont la réputation dépasse les frontières de l’île comme: Patrick Chamoiseau (prix concours 1992), Edouard Glissant, Frantz Fanon, Raphael Confiant, Joseph Zobel, Paulette Nardal, René Maran (Prix concours 1921) etc.

Beaucoup d’ouvrages ont pu retracer avec précision l’historique du parcours politique et littéraire de ce grand homme, aussi nous ne citerons ici que quelques points fort de son cheminement. Député entre 1946 et 1993 et maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, il sera élu communiste jusque dans les années 1956 et rompra avec le PCF par une lettre adressée à Maurice Thorez, pour fonder en 1958 le Parti progressiste martiniquais. En 1982 Lauréat du grand prix national de la poésie En 1983 Président du Conseil Régional jusqu’en 1988 En 2006 il donne son nom à l’aéroport du Lamentin Sa longue carrière politique sera marquée par la lutte contre le colonialisme exprimée notamment en 1950 dans un « discours sur le colonialisme » qui fait date. Il dira à ce propos: « Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » Cette lutte va le hanter toute sa vie et il s’exprimera sur l’impérieuse nécessité d’une prise de conscience. Il écrira à ce propos: « Chaque fois qu’il y a au Vietnam une tête coupée et un œil crevé « et qu’en France on accepte, « Une fillette violée et qu’en France on accepte « Une malgache suppliciée et qu’en France on accepte, « Il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, « Une régression universelle qui s’opère, « Une gangrène qui s’installe, « Un foyer d’infection qui s’étend, « Et qu’au bout de tous ces traités violés « de tous ces mensonges propagés, « de tous ces expéditions punitives tolérées, « de tous ces prisonniers fi celés et interrogés, « de tous ces patriotes torturés, « au bout de cet orgueil racial encouragé « de cette jactance étalée « Il y a un poison instillé dans les veines de l’Europe, « Et, le progrès lent mais sûr de l’ensauvagement du continent. »

Cet écrit ne concerne pas seulement la colonisation aux Antilles, mais touche aussi tous les peuples opprimés quels qu’ils soient, de l’orient à l’occident. L’histoire des peuples asservis a toujours interpellé les humanistes du monde entier, qui se sont battus et luttent encore pour que cessent ces conduites intolérables de tortures mentales et physiques à l’encontre de personnes innocentes. Aujourd’hui se pose la question de l’intégration de la colonisation dans les manuels d’histoire. L’Etat semble avoir une volonté d’inclure dans les manuels scolaires, la traite des noirs, l’esclavage et son abolition.

Le président Sakorky propose que l’œuvre d’Aimé Césaire soit étudiée au collège et au lycée. Malgré la réticence de certains par rapport à des programmes déjà élaborés, les ouvrages déjà édités en grande quantité pour l’année scolaire à venir, et des sensibilités politiques différentes, le problème de l’intégration de cet auteur dans les manuels est une réalité à prendre en considération. Jusqu’à la fin de sa vie, Aimé Césaire est resté une personnalité respectée et incontournable que tous les dirigeants politiques, en déplacement aux Antilles, se devaient de rencontrer. Cette grande figure des temps modernes s’est éteinte le 17 avril 2008 et des obsèques nationales lui ont été rendus à Fort-de-France.

 

Parmi ses ouvrages les plus prestigieux: Cahier d’un retour au pays natal (1935) La Tragédie du Roi Christophe (1963) Une saison au Congo (1966) Une tempête (1969) Discours sur le Colonialisme (1998)  œuvre intégré au programme du baccalauréat 

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