Le bras de fer Israël-Iran se poursuit

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
25.06.2008

  • Un F-15 israélien décolle de la base de Tel Nof. (Staff: David Silverman / 2003 Getty Images)

Le dossier du nucléaire iranien est loin d’être clos. Il y a deux semaines, La Grande Époque publiait un article spéculant sur l’éventualité de frappes militaires contre l’Iran. À cette étape, les déclarations d’officiels de l’État hébreu et de la république islamique, puis les rencontres au sommet entre responsables israéliens et américains, tissaient une toile d’indicateurs suggérant un passage plus près de la menace à l’acte. La tension a augmenté d’un cran la semaine dernière lorsqu’un média américain a révélé qu’Israël avait effectué un exercice militaire de grande envergure, simulant très possiblement une attaque contre l’Iran.

Le New York Times a fait paraître la nouvelle le 20 juin. Selon des responsables du Pentagone, interrogés par le quotidien, l’exercice n’indiquerait pas qu’Israël ait décidé de lancer une frappe contre l’Iran ou qu’un tel acte soit imminent. Les propos des individus, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, étaient néanmoins clairs concernant la cible.

Le gouvernement israélien n’a pas confirmé la tenue d’un tel exercice.

Une centaine d’avions de chasse F-15 et F-16 auraient effectué des manœuvres au-dessus de la Méditerranée au début du mois de juin, parcourant des distances équivalentes à celles nécessaires pour faire le trajet entre Israël et l’Iran.

Une sorte de «diplomatie des avions de chasse», si on veut. Sanctions et menaces, ces dernières années, n’ont rien fait pour faire fléchir la volonté de Téhéran.

Selon une des sources du New York Times, le message ne devait pas être envoyé seulement à l’Iran, mais aux autres puissances également pour démontrer qu’Israël n’entend pas plaisanter. «Ils voulaient que nous le sachions, ils voulaient que les Européens le sachent, et ils voulaient que les Iraniens le sachent [...] Beaucoup de signaux sont émis à divers niveaux.»

Mais selon certains experts et responsables israéliens, la capacité militaire de l’État hébreu ne serait pas assez grande pour porter un coup fatal au programme nucléaire iranien. Selon des spécialistes interrogés par l’agence Reuters, 1000 frappes pourraient être nécessaires pour accomplir ce but.

«Cent avions de guerre sont suffisants pour un raid, mais pas assez pour une campagne aérienne, et c’est ce qui est nécessaire pour s’occuper efficacement des capacités nucléaires de l’Iran», estime un responsable cité par Reuters.

Le régime iranien a réagi promptement à ce dernier développement. «Cela confirme le point de vue de la République islamique d’Iran que [Israël] est un dangereux régime et un obstacle à la paix et au calme dans la région et le monde», a déclaré le porte-parole de Téhéran, Gholamhossein Elham.

Quant aux mesures incitatives proposées à Téhéran par les puissances mondiales visant à geler son enrichissement d’uranium, elles ont été essentiellement balayées du revers de la main. «La République islamique d'Iran poursuit sans relâche l'enrichissement», a déclaré à la radio-télévision nationale Ali Asghar Soltanieh, représentant de l'Iran à l'Agence internationale de l'Énergie atomique (AIEA).

L’Iran possèderait actuellement environ 3000 centrifugeuses, soit dix fois plus qu’il y a deux ans, l’élément essentiel à l’enrichissement et pouvant produire la substance nécessaire à la construction d’armes nucléaires. Téhéran insiste que son programme a seulement des visées civiles.

Le directeur-général de l’AIEA, Mohamed ElBaradeï, a pour sa part indiqué qu’il quitterait son poste advenant une frappe contre l’Iran. «Je ne pense pas que ce que je vois aujourd'hui en Iran, ce soit un danger actuel, grave et pressant. Si une attaque militaire était opérée contre l'Iran en ce moment [...] cela me mettrait dans l'impossibilité de poursuivre ma tâche», a-t-il déclaré dans une entrevue à la chaîne Al Arabiya.

Selon M. ElBaradeï, une opération militaire contre l’Iran «serait la pire des choses [...] Elle transformerait la région en une boule de feu».

«En cas de frappe militaire, cela signifiera que l'Iran, s'il ne fabrique déjà des armes nucléaires, se lancera dans une course intensive pour produire des armes nucléaires avec la bénédiction de tous les Iraniens, y compris ceux de la diaspora», a-t-il ajouté.

Le candidat démocrate à la Maison-Blanche, Barack Obama, a de son côté affirmé qu’Israël était en droit de se préparer à contrer la menace iranienne. Le président iranien, Mahmoud Ahmedinejad, a déclaré à plusieurs reprises qu’Israël devait être «rayé de la carte».

«Et il ne fait par conséquent aucun doute que l'Iran représente une menace extraordinaire pour Israël et qu'Israël a toujours raison de prendre des décisions assurant sa sécurité», estime Obama.

 

Avec Reuters.