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La délicate question du handicap à l’école

Écrit par Fréderique Privat, La Grande Époque - Guadeloupe
05.06.2008
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  • Afin de pallier l’isolement, la sédentarisation, une activité sportive régulière permet de conserver à la fois la forme physique et des relations socio-culturelles. (攝影: / 大紀元)

Du 11 au 13 juin prochain, Paris Expo de Porte de Versailles recevra la 10e édition d’Autonomic, le salon du Handicap, de la dépendance et du soutien à domicile. Rendez-vous incontournable pour tous ceux qui présentent une situation d’invalidité allant des handicaps lourds aux handicaps permettant une activité professionnelle, des personnes âgées et des enfants. Les enfants, justement, où un volet sur l’éducation leur est octroyé. En effet, l’intégration scolaire des enfants handicapés semble devenir le cheval de bataille des politiques gouvernementales.

Une circulaire de préparation à la rentrée 2008 stipule ainsi que l’une des 10 orientations prioritaires pour cette rentrée concernera en premier lieu la scolarisation des élèves handicapés. Cette orientation s’inscrit en droite ligne dans le texte de loi du 11 février 2005 (1) relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il semble que les efforts entrepris depuis la loi de 2005 doivent se poursuivrent et s’amplifi er afi n d’arriver à une cohérence en terme d’accueil des élèves. Seulement, au-delà des données administratives, il est intéressant de s’arrêter sur la réalité du terrain au quotidien.

ASSOCIATIONS D’AIDE A L’INTEGRATION

Des associations et organismes divers se mobilisent ainsi afin de favoriser l’accès à l’éducation pour les enfants handicapés. C’est le cas de la Maison Dagobert, l’école Gulliver et la Caverne d’Ali-Baba qui accueillent des enfants de 1 à 6 ans. Créées entre 1992 et 2006, ces «maisons» aux noms évocateurs, se partagent l’éducation de 113 enfants encadrés par une cinquantaine de professionnels de la petite enfance et de la santé. Parmi eux, un tiers sont porteurs d’un handicap et sont donc intégrés dans un dispositif éducatif qui permet de favoriser leur insertion, développer leur autonomie, tout en assurant une mixité qui estompe les différences…

Pour les plus grands atteints notamment de handicaps mentaux, il existe aussi de nombreuses associations partout en France qui oeuvrent à l’intégration de ces enfants. ASF, Autistes Sans Frontières est une coordination d’associations de parents d’enfants autistes. Elle a pour but de favoriser l’intégration scolaire des enfants autistes et ce dès l’âge de 3 ans. Selon ASF, un enfant autiste «modéré ou léger» peut suivre un cursus primaire classique qui lui permet de progresser (autonomie, socialisation, expression) et de trouver plus tard une voie d’intégration dans la société: apprentissage, etc.

Pour faciliter la scolarisation de ces enfants, l’association recrute et forme des accompagnants issus d’un cursus universitaire en psychologie (niveau exigé: licence). Ceux-ci épaulent l’enfant toute la journée, à l’école et en partie au domicile, lorsque l’intégration est à temps partiel. Ils jouent le rôle de médiateur, afi n de faciliter son intégration et son apprentissage. Souvent, une méthode de communication alternative est mise en place pour faciliter la communication. Avant de suivre un parcours d’intégration, chaque enfant rencontre un psychologue qui évalue ses points forts, ses déficiences, son degré d’autonomie. Il ressort que 75 accompagnants ont été formés par ASF depuis 2004 et 75 enfants ont pu bénéficier d’un accompagnement scolaire. Financièrement, il est aussi intéressant de savoir que le coût annuel de ce dispositif est de 24.000 euros par enfant, tandis qu’un enfant placé en hôpital de jour représente un investissement de 60.000 euros, selon le ministère de la Santé.

ENCOURAGER LES ECOLES A ACCEPTER LE HANDICAP

Dans les Pyrénées Atlantiques, Chrysalide encourage les écoles à accepter les enfants handicapés. Créée en 1989, cette association est souvent contactée par des parents rencontrant des difficultés d’intégration de leur enfant dans le système scolaire. Des bénévoles les rencontrent afin de déterminer le niveau de handicap de l’enfant et la solution la mieux adaptée, à savoir le placement dans un institut spécialisé ou la scolarité normale. Chrysalide oriente également les familles vers des professionnels de la santé lors de problèmes; vers des services juridiques compétents lorsqu’il s’agit de connaître les droits des handicapés.

Le réseau de l’association est opérationnel: écoles, familles, avocats, bénévoles et médecins communiquent régulièrement. Ces membres du réseau invitent à leur tour d’autres familles à demander de l’aide à Chrysalide. L’association Chrysalide est venue en aide, au 1er semestre 2007, à 55 familles. Celles-ci ont bénéficié gratuitement de conseils de bénévoles, d’entretiens avec des professionnels et d’une assistance à la scolarisation de leur enfant, sans obligation d’être membre. Depuis 2006, une centaine de familles sont ainsi membres de l’association. Parallèlement à ces personnes, spécialisées ou pas dans l’éducation, la santé et le handicap, nous avons rencontré les principaux acteurs, au quotidien, de cette scolarisation d’enfants handicapés, à savoir les enseignants de classes dites «normales».

EXPERIENCES D’ENSEIGNANTS

Florence et Karine sont deux enseignantes de Grande section de maternelle, classe assez déterminante quant à l’orientation de l’élève présentant notamment, un handicap fort. L’une accueille un élève autiste et l’autre une élève handicapée moteur. Elles ont répondu aux mêmes questions sur les avantages et les inconvénients de ce type d’accueil pour les autres élèves, l’enfant handicapé lui-même ainsi que l’enseignant. Florence qui accueille un jeune autiste, nous répond: « Je pense que scolariser un enfant handicapé dans le circuit normal constitue un avantage pour lui: vivre avec les autres lui apprend à se socialiser, à prendre confiance en lui et aux autres qui apprennent eux mêmes à l’accepter et à l’apprécier comme il est. Quant aux autres élèves ils apprennent à vivre, jouer, travailler avec quelqu’un de différent. Ils apprennent la tolérance. Peut être aussi que voir un enfant qui a plus de difficultés au départ et qui finalement arrive à progresser dans certains domaines, les encouragent eux aussi à surmonter leur propre difficulté scolaire?

« Oui cela semble donc un avantage, mais... il y a de nombreuses difficultés: - Le manque de formation des enseignants face au handicap fait que nous sommes au départ bien souvent démunis face à ces enfants dont on ne comprend pas les réactions. On ne sait comment les aider sans pénaliser le reste de la classe. Il faut alors s’auto informer et on se sent un peu seul.

« Même les membres du RASED qui ne sont pas formés pour aider ces enfants, ne veulent pas les prendre dans leur groupe de travail. Ces enfants handicapés requièrent une attention constante car ils ne sont pas autonomes, ils ne contrôlent ni leurs émotions, ni leurs gestes. Nous ne pouvons les laisser seuls: combien de fois l’enfant autiste s’est mis à hurler et à courir dans toute la classe parce qu’il était simplement xontrarié. Il m’a même frappée parce que je lui expliquais qu’il n’avait pas bien compris les règles du jeu. Il se focalise sur un élève, le poursuit, le tape, lui tire les vêtements ou le pousse jusqu’à ce qu’il tombe car il cherche simplement à jouer avec lui, à se faire comprendre, ... Or il y a 27 autres élèves dans la classe!

« Heureusement je suis aidée d’une accompagnatrice pour enfant handicapé mais qui n’a eu de formation qu’il y a un mois pour devenir auxiliaire d’intégration. - Le manque de personnel nous oblige, lors des équipes éducatives, à «choisir» entre un élève ou un autre afin qu’il reçoive l’aide d’une AVSI! Quel est celui qui a le plus de handicap? Celui qui est le moins autonome? Celui qui risque de perturber le plus la classe? - Le manque de structures adaptées: Les élèves sont sur liste d’attente pour aller au CAMPS ou au CMPP.

 En attendant ils sont avec les autres. Quant à moi, j’ai failli être arrêtée pour surmenage! J’ai remis en cause ma pratique de l’enseignement. Je ne pouvais leur tourner le dos sans craindre qu’ils n’aillent embêter un camarade, abîment le matériel ou sortent de la classe! J’ai dû trouver des solutions et m’informer car je ne voulais pas sacrifi er les uns au nom des autres. Nous sommes arrivés à un équilibre dans la classe après avoir travaillé pendant près de quatre mois sur le «vivre ensemble»: la socialisation, la différence, le respect, etc. C’est seulement à ce moment-là que ces enfants aux troubles du comportement ont plus ou moins acceptés les règles de vie consciemment, volontairement. J’ai mis en place des ateliers personnalisés car il m’a fallu d’abord accepter de ne pas les faire travailler sur les fameux «fondamentaux» (apprendre à lire, écrire, parler).

A partir du moment où nous avions un groupe classe dans lequel chacun avait envie d’être et de travailler nous avons pu réellement aborder d’autres compétences. J’ai enfin pu faire progresser tous les élèves. J’ai eu de nombreux doutes pendant les premiers mois en me demandant si les autres élèves auraient le niveau pour aller au CP. C’est vrai que j’ai dû d’abord privilégier les élèves en difficultés pour pouvoir finalement aider les autres. Heureusement, ils ont acquis les bases nécessaires pour l’élémentaire, on a mis les bouchées doubles! Alors, l’intégration des élèves handicapés dans des classes dites générales cela fonctionne: Happy end? Pas vraiment donc!

Car évidemment, ces élèves ont eu un impact sur ma personne (car je rentrais nerveusement fatiguée) mais ils en ont eu un aussi sur ma réflexion pédagogique, sur le système éducatif et l’Education nationale: afin de ne pénaliser personne (ni les enfants handicapés, ni leur camarades, ne le personnel enseignant), je pense qu’il faudrait: - une formation des enseignants avant d’accueillir des enfants handicapés dans les classes; - un aménagement de l’emploi du temps et des conditions de travail de ces enfants: ces enfants ne peuvent se concentrer plus de cinq minutes sur une activité alors pour tenir six heures!

Moins d’élèves dans les classes d’intégration d’un enfant handicapé : un enfant handicapé pour 15 autres comme cela se fait déjà dans certains pays permettrait que l’on puisse leur consacrer plus de temps; - davantage de personnel spécialisé qui aide à l’intégration dans les classes et permet de réguler les moments de crise; - davantage de structures spécialisées qui travaillent en complémentarité avec l’école.»

L’EXPERIENCE DE KARINE

Karine commente son expérience d’enseignante de grande Section. Elle reçoit une petite fille handicapée moteur. «La scolarisation dans un circuit normal constitue un avantage pour cette élève et pour ses camarades. Le retour à l’école lui a permis de reprendre contact avec un milieu social différent de l’hôpital; il correspond à un retour à la «normale» et favorise une prise de distance avec la maladie. Pour ses camarades, on peut parler de développement du respect de la différence (aucune moquerie à ma connaissance) et de l’entraide sans pour autant verser dans des préventions ou une sensiblerie excessive. Cependant, les instances censées favoriser l’intégration des enfants handicapés à l’école ne se sont pas montrées très coopératives et c’est grâce à la bonne volonté des enseignants et de la mairie que cette élève a pu être scolarisée. La présence d’un AVS est indispensable or il n’y en avait pas, c’est donc un personnel de mairie qui joue ce rôle sans avoir été formé pour cela. Heureusement cette personne fait preuve de beaucoup de qualités et agit avec beaucoup de tact. Par ailleurs – il s’agit plus d’un desiderata de ma part – j’aurais souhaité bénéficier de conseils du corps médical (kiné par exemple) pour savoir quels exercices seraient à même d’aider l’élève à progresser sur le plan moteur; à défaut, je «navigue à vue».

Sur le plan professionnel et personnel l’impact est positif (même si j’ai parfois une pénible impression de solitude): la résistance et la volonté de vivre et de progresser des enfants malades est toujours une leçon pour les autres ; depuis que cette enfant est revenue à l’école je ne l’ai jamais entendue se plaindre de son état, en revanche, un jour où nous l’entraînions un peu à marcher elle a dit ‘c’est génial de marcher’, attitude à méditer...»

 

(1) Loi N° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.  

 

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