Le courant ne passe plus avec le gouvernement nigérien

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
14.07.2008

  • Des manifestants au Niger(攝影: / 大紀元)

 

Près de 30.000 personnes ont manifesté le 11 juillet dans la capitale du Niger, Niamey, pour dire leur mécontentement face au prix des denrées alimentaires et aux fréquentes coupures électriques pour lesquelles la compagnie nationale Nigelec est mise en cause. Derrière ce rassemblement non-violent, la frustration dans un pays qui reste parmi les plus pauvres du monde malgré ses ressources minières.

C’est la plus grande manifestation qu’ait connue le Niger depuis des années. Selon le coordinateur de Convergence citoyenne, mouvement créé en réaction à l’octroi de nouveaux avantages sociaux et fi nanciers aux députés nigériens, «les Nigériens réclament plus de justice sociale quand les gouvernants se donnent le loisir de mener un train de vie sans commune mesure. Les populations ont besoin de pouvoir accéder aux produits de première nécessité ; elles en ont marre des coupures intempestives d’électricité».

Cité par le magazine Afrique En Ligne, le Dr Badjé Hima affirme que des mesures urgentes doivent être prises en vue du dédommagement des nombreuses personnes qui subissent les coupures de la Société nigérienne d’électricité, Nigelec. Le premier exportateur africain d’uranium doit en effet malgré tout importer 90 % de son électricité depuis le Nigeria, et subit des dizaines de black-out chaque mois.

D’après l’AFP, une grève générale des syndicats a bloqué toutes les administrations le même jour. «Niamey vit dans le noir avec des allures de capitale en ruine», continue Badié Hima, «Dans les villes de l’intérieur, les habitants vivent dans l’insécurité permanente par crainte d’agressions, de vols ou de cambriolages», indique-t’il à l’agence.

ET LA RÉBELLION TOUAREG AU NORD

En plus du mécontentement populaire, le gouvernement nigérien doit faire face à la rébellion touareg du MNJ (Mouvement Nigérien pour la Justice), particulièrement active au Nord et qui a, fi n juin, enlevé 4 employés d’Areva, le groupe nucléaire français en charge de l’exploitation des mines d’uranium d’Arlit.

Dans un communiqué diffusé sur son site Internet, le MNJ souligne que cette opération commando veut «ramener à la réalité» les partenaires miniers du Niger qui semblent plus «écouter les illusions et fantasmes du gouvernement qui dit pouvoir leur assurer la garantie de travailler dans cette situation de conflit (...) au lieu, de prendre à la juste valeur la gravité de la situation.»

Le MNJ a tué plus de 70 soldats depuis 2007, sur la base de revendications de justice sociale, généralement vues comme un affi chage respectable en devanture de ses ambitions réelles, à savoir l’obtention de postes au pouvoir et dans les forces armées. Le Président nigérien Mamadou Tandja a rejeté l’idée de négociation tant que le MNJ n’aurait pas déposé les armes, et affi rme que les troupes nationales ont tué au moins 200 rebelles à ce jour, dont une vingtaine fi n juin quand les troupes gouvernementales ont repris le poste avancé de Tizirzit, au Nord. Avoir des contacts avec le groupe est déconseillé pour tout journaliste et Moussa Kaka, correspondant de RFI au Niger, en a fait les frais : il est depuis 9 mois en prison, détention qualifiée d’arbitraire par la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

SOLUTIONS?

Le gouvernement nigérien a décidé début juillet d’investir 20 milliards de Francs CFA (30 millions d’euros) pour faire face aux problèmes d’énergie électrique récurrents, ce qui n’a pas su prévenir la mobilisation populaire. Cette somme doit être destinée pour 15% à la remise en état des moyens de production et pour près de la moitié à l’achat de groupes électrogènes qui garantiront dans les grandes villes du pays l’approvisionnement électrique des hôpitaux et autres structures essentielles. Selon le gouvernement, c’est l’instabilité des lignes en provenance du Nigeria – dix effondrements du réseau haute tension par mois en moyenne – qui coupe l’approvisionnement électrique du Niger par Power Holding Company of Nigeria (PHCN.)

Pour faire face à la situation, le gouvernement a décidé de la création d’une centrale thermique à charbon qui suffi ra à couvrir la consommation du Sud du pays. La construction d’un barrage sur le fl euve Niger, prévue de longue date doit aussi être «accélérée», c’est-à-dire commencée. Niamey appelle donc «à la patience des citoyens durant toute la période transitoire entrevue pour être le moment de la mise en oeuvre effective des mesures ainsi préconisées». Il reste à voir si les Nigériens patienteront en espérant que les infrastructures amélioreront leur vie : un enfant nigérien sur cinq meurt avant son cinquième anniversaire, situation qui pourrait s’aggraver encore avec la crise alimentaire mondiale : le riz, le maïs et le sorgho ont augmenté de près de 30% depuis le début de l’année.