Maintes fois annoncée depuis de nombreux mois, la baisse des prix de l’immobilier devient effective en France. Initialement évaluée pour 2008 entre 2 et 3 % par l’Observatoire de la Caisse d’Epargne (1), la tendance se confirme et devrait s’accentuer au cours des deuxième et troisième trimestres. Ainsi, selon le baromètre BIPE-Empruntis (2) paru le 26 juin, elle devrait être de 4 % en 2008 et de 6 % en 2009. Fort d’une demande de logements excédant largement les capacités de production, la France se croyait à l’abri des répercussions de la crise aux Etats-Unis, mais la réalité n’a pas mis plus d’un an à rattraper le rêve. En effet, selon le BIPE, le stock de logements neufs invendus, qui se monte à 150.000 unités avec un délai moyen d’un an, a dépassé le pic de 1992, année de la précédente crise immobilière. Cette tendance est par ailleurs confi rmée par le brusque freinage de la construction neuve, qui chute de 21,6 % en trois mois.

RENCHÉRISSEMENT DU CRÉDIT À L’HABITAT

Les Français, qui ont peu souscrit de crédits à taux variables, ne connaissent pas directement de crise de subprimes comme aux Etats-Unis, mais en subissent le contre-coup par ricochet. Les anticipations de remontée des taux d’intérêt par la Banque Centrale Européenne (BCE) pour des raisons de pressions infl ationnistes conjointement avec des taux interbancaires élevés entraînent mécaniquement un renchérissement du crédit à l’habitat, et permettent aux banquiers de reconstituer des marges qu’ils ont vues brusquement s’éroder à l’annonce des pertes sur les titres adossés aux crédits subprimes. Les taux moyens sur 20 ans sont maintenant passés à 5 %. Ainsi, constate le baromètre BIPE-Empruntis «la hausse des taux d’intérêt et des prix des logements a exclu 20 % des personnes qui étaient éligibles à un prêt en début 2007». Cette hausse des taux n’est pas prête de s’arrêter, vu que les banques s’alignent sur les Obligations Assimilables du Trésor (OAT) et que ces dernières ont considérablement augmenté. Parallèlement, les banques privilégient maintenant les très bons dossiers, ce qui ne pousse ni à la concurrence ni à la baisse des taux, mais contribue à ce que les prix se maintiennent dans les quartiers favorisés des grandes villes.

BAISSE DE POUVOIR D ‘ACHAT DES MÉNAGES

A ce contexte de durcissement du crédit s’ajoutent les conséquences de la hausse des prix des matières premières. En effet, ces hausses de prix affectent ceux de la construction neuve (+ 4,5 % sur 1 an) autant que ceux de la réhabilitation (+ 3,5 % sur 1 an), dans un contexte où le pouvoir d’achat des ménages suit une tendance opposée (+ 1,7 % seulement sur 2007, et + 0,1 % en projection sur un an, selon l’INSEE).

LE MORAL DES FRANÇAIS À SON PLUS BAS NIVEAU DEPUIS 20 ANS

 Par ailleurs, la hausse du prix du pétrole, qui a été multiplié par 3,5 en 4 ans, et les prévisions en faveur d’une hausse durable poussent les ménages à intégrer les coûts de déplacement dans leurs décisions d’achat, ce qui les incite à écarter en priorité les maisons individuelles éloignées des centres villes ou diffi cilement joignables par transport en commun. Ces chiffres sont à rapprocher de ceux du moral des ménages français, qui subissent de plein fouet la conjugaison de l’infl ation et de la baisse du pouvoir d’achat. Selon l’INSEE, «toles us soldes constituant l’indicateur résumé se sont repliés», avec une nouvelle baisse de 4 points en juin, soit - 46 points en 12 mois seulement. Le moral des Français est actuellement au plus bas niveau depuis 20 ans, ce qui fait dire à Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis, que «les Français ont le moral dans les chaussettes!». Si les taux ne se desserrent pas en France, il y a de fortes chances d’assister plus rapidement qu’on ne croit à une vraie crise immobilière dans la majeure partie du pays, avec paradoxalement un maintien des prix dans les centres villes. L’écart entre les nantis et les autres s’accroîtra alors un peu plus, ce qui pourrait renforcer les tensions sociales…

(1) L’Observatoire Caisse d’Epargne est une publication annuelle d’analyse et de réflexion sur l’épargne et les comportements financiers.

Pour en savoir plus:

Le site de la caisse d’épargne

(2) Le BIPE (Le Bureau d’Informations et de Prévisions Economiques) est une société d’études économiques et de conseil en stratégie. Empruntis est un courtier spécialisé en produits d’assurance et crédits immobilier.

Pour en savoir plus:

Le site du BIPE

Le site empruntis