Conte Tibétain

Au Cachemire, il y a longtemps, vivait un moine du nom de Mirathi, qui observait scrupuleusement les préceptes du bouddha. Par la profondeur de sa concentration méditative, il avait acquis des pouvoirs miraculeux. Ses nombreux disciples rapportèrent ce dont ils furent témoins: lévitation, télépathie, connaissance du passé et préscience.

Le grand moine Mirathi était végétarien. En outre, observant strictement la tradition bouddhiste, il ne mangeait pas l’après-midi. Un jour qu’il se trouvait dans sa demeure forestière, trempant sa vieille robe monastique ocre dans un grand pot de teinture placé au-dessus d’un foyer, une troupe d’hommes en colère vint à lui, ils étaient à la recherche d’une génisse qu’ils venaient de perdre. Ils soulevèrent le couvercle du pot et virent que celui-ci était rempli de morceaux de couleur rouge sang. Aussi, accusèrent-ils le moine silencieux d’avoir volé et tué leur génisse. Puis, ils l’emmenèrent.

Un tribunal irrégulier, improvisé dans le village voisin, condamna immédiatement le moine silencieux à être mis dans les fers, dans un cachot souterrain, où il resta des jours durant. Il ne dit rien pour se défendre des accusations formulées contre lui et n’essaya pas de s’échapper. Ses disciples le supplièrent de se disculper, mais Mirathi ne dit rien.

Au bout de plusieurs jours, les villageois retrouvèrent la génisse manquante. Réalisant leur erreur, ils demandèrent au chef local de libérer le moine, mais il s’occupait d’une autre affaire importante et il ne fit rien pour le libérer pendant des mois. Pendant ce temps, Mirathi restait dans la fosse.

Enfin, plusieurs disciples du moine emprisonné demandèrent audience au roi local. Leur récit stupéfia celui-ci qui craignit qu’une grave injustice n’ait été commise et qu’un très mauvais karma n’échoit à tout le royaume ainsi qu’aux villageois irresponsables. Alors, ordonna-t-il qu’on libère le moine sur-le-champ et qu’on le fasse venir pour lui faire réparation. Ce n’était pas tous les jours qu’un religieux distingué était condamné, à la suite de fausses accusations, à passer six mois dans un trou malpropre.

Quand le vénérable vieux moine fut en présence du roi, ce dernier lui présenta ses excuses:

– Que pouvons-nous faire pour réparer le terrible tort qui vous a été causé? Je promets de punir ceux qui sont directement responsables de cet injuste emprisonnement.

– Honorable souverain, s’il vous plaît, ne punissez personne. C’était mon tour de souffrir, et je l’ai supporté de plein gré. Nul ne souffre rien qui ne soit dû au karma que ses actes ont inéluctablement produit, répondit Mirathi.

– Comment, vénérable seigneur!? Mais qu’avez-vous fait?, s’étonna le roi.

– Dans un lointain passé, j’ai été un voleur qui avait dérobé une génisse à des villageois. Alors que je m’enfuyais, poursuivi par ceux-ci, j’ai abandonné mon larcin près d’un sage qui méditait dans la forêt, et il advint que le grand sage fut puni de ce crime en étant enchaîné six jours dans un trou. Gracieux et juste roi, à cause de cette action karmique négative, j’ai subi des vies et des vies de misère dans les mondes inférieurs. Maintenant, enfin, mon karma est complètement épuisé, et ma faute expiée. Aussi n’ai-je que gratitude et respect pour vous et vos sujets.

Mirathi se prosterna, puis revint vite à la forêt pour poursuivre en paix sa pratique spirituelle.

Contes Tibétains – Surya Das

Le Courrier du livre