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La guerre éclate dans le Caucase

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque-Montréal
11.08.2008
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  • Un soldat de la région rebelle d’Ossétie du Sud, en Géorgie(STF: DMITRY KOSTYUKOV / ImageForum)

En Géorgie, novembre 2003, un mouvement pacifique est venu à bout du régime postcommuniste d’Eduard Shevardnadze, un politicien ayant fait ses armes au sein de l’URSS et qui a notamment occupé le poste de ministre des Affaires étrangères sous Gorbachev. Le mouvement populaire, désormais appelé la «Révolution des roses», a porté au pouvoir Mikheil Saakashvilli, un pro-Occident désirant soutirer son pays de l’influence de Moscou. Mais, dans le contexte actuel, il y a toute une marge entre souhaiter s’éloigner de la Russie et l’accomplir concrètement. La voie militaire n’est pas la meilleure avenue à suivre, comme l’ont indiqué les derniers jours de conflit.

La Géorgie a très tôt, après son changement de régime, signalé son intention de rejoindre l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN). Pour la Russie émergente, considérant encore bon nombre d’ex-républiques soviétiques comme sa cour arrière ou, au moins, sa zone d’influence, ce ne pouvait être bon signe.

Plusieurs pays autrefois sous la domination de Moscou font maintenant partie de l’OTAN (Pologne, République tchèque, pays baltes, Hongrie, etc.) et les tensions sont âpres dans certains cas, particulièrement concernant le bouclier de protection antimissile américain.

En avril dernier, à Bucarest, les membres de l’OTAN ont évalué les demandes d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine, un autre pays ayant, ces dernières années, choisi l’approche occidentale au détriment des relations préconisées par Moscou. «Les dirigeants de l’OTAN ont accepté que la Géorgie devienne un membre de l’Alliance» suite au sommet de Bucarest, est-il indiqué sur le site Internet de l’organisation. La Géorgie est actuellement en processus d’accomplir certains ajustements structurels pour joindre en bonne et due forme l’alliance militaire.

Mais certains ajustements ne sont pas si simples à effectuer. Éradiquer la corruption et instaurer la bonne gouvernance peuvent représenter des tâches colossales pour un pays ayant fonctionné sur le modèle soviétique pour la majorité des 100 dernières années. Mais encore, une volonté domestique sincère peut venir accomplir ces objectifs.

D’autres problèmes demeurent plus épineux : l’intégrité territoriale. Deux régions en Géorgie possèdent une indépendance de facto depuis 1992, soit l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Ces deux territoires sont fortement influencés, voire sous le contrôle de Moscou. Environ les deux tiers du budget de l’Ossétie du Sud proviennent de Moscou, les habitants détiennent des passeports russes et la monnaie d’échange utilisée est le rouble.

Une adhésion de la Géorgie à l’OTAN, avec ces deux foyers potentiellement explosifs et sous contrôle de la Russie, serait fortement improbable.

Le conflit actuel pourrait s’expliquer par cet effort de la Géorgie à régler de vieux problèmes territoriaux et ainsi faciliter son accession à l’OTAN. Mais l’utilisation de la force pour accomplir cet objectif a fait ricochet.

La sécession du Kosovo de la Serbie plus tôt cette année avait été une profonde source d’irritation pour le Kremlin. Peu de temps après, l’Ossétie du Sud avait demandé à la communauté internationale de reconnaître son indépendance de la Géorgie.

Le 7 août, la Géorgie a lancé ses troupes pour reprendre l’Ossétie du Sud. Selon des reportages d’agence de presse, la capitale de cette région, Tskhinvali, aurait été dévastée.

La Russie, qui avait déjà sur place une force de «maintien de la paix», a mobilisé des effectifs supplémentaires pour repousser les troupes géorgiennes. Selon les dernières informations au moment de mettre sous presse (10 août), les troupes russes contrôlaient Tskhinvali.

La réplique russe a été décriée par les puissances occidentales, la jugeant démesurée. Des cibles à l’extérieur de la zone de conflit ont été prises à partie, notamment des installations militaires, la ville de Gori et le port de Poti, selon certaines sources. Ces attaques seraient survenues après les demandes de cessez-le-feu du côté géorgien.

Calcul géorgien, opportunité russe

Il n’est pas clair encore quel raisonnement a motivé le président géorgien à poser un tel geste. S’attendait-il à ce que les États-Unis volent à son secours? Eux qui sont déjà essoufflés par deux fronts importants et qui n’ont pas intérêt à déclencher des hostilités avec la Russie?

Ou peut-être était-ce un stratagème américain afin de tester la force de réaction russe? Il faut le dire, le conflit qui se déroule est une mine d’or pour les analystes et observateurs militaires. Avec la réalité actuelle de la «guerre au terrorisme», de la guerre asymétrique, l’occasion de voir deux armées régulières s’affronter avec des méthodes conventionnelles est plutôt rare. L’implication du géant russe est un rappel que les armées modernes peuvent encore être employées pour combattre autre chose que des insurgés.

Pour Moscou, le casus beli est parfait. La fenêtre est ouverte pour donner une leçon à ce petit pays qui jadis lui appartenait. Pour l’Occident, il y a intérêt à protéger l’intégrité géorgienne. Il y a bien entendu l’éventuelle adhésion à l’OTAN, mais aussi l’emplacement stratégique du pays dans le jeu géopolitique mondial et son importance au niveau énergétique.

Ces dernières années, la Russie a maintes fois utilisé l’arme énergétique pour soumettre ou menacer l’Europe dépendante en hydrocarbures. Il s’adonne que deux pipelines importants traversent le territoire géorgien, ce qui permet un approvisionnement alternatif aux pays européens. Ces pipelines sont l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyan et le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum, gérés principalement par la pétrolière BP, basée à Londres.

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Guerre des mots

Comme toute opération militaire moderne, les récents combats ont été accompagnés d’opérations d’informations visant à gagner le contrôle des canaux de communication. Reuters a rapporté qu’autant la Géorgie que la Russie utilisaient des spécialistes des relations publiques basés à Bruxelles pour mener leurs campagnes médiatiques.

À un certain point, ils avaient vraiment réussi à semer la confusion. Au moment d’écrire ces lignes, bon nombre d’informations diffusées dans les médias sont impossibles à confirmer. La Russie a accusé la Géorgie d’avoir commis un «génocide» en Ossétie du Sud. Selon des reportages d’agence, nombreux civils et installations civiles auraient été pris à partie par les troupes géorgiennes, mais la situation demeure encore floue.

Du côté géorgien, on a à un certain point affirmé que la Russie avait bombardé un des pipelines.

Quant aux victimes civiles et militaires, différents comptes contradictoires ont été avancés. Même chose en ce qui concerne les réfugiés.

La désinformation semble régner.

Diplomatie active

Du côté diplomatique, on s’est activé à trouver une issue à la crise. L’option visée semblait être un retour des troupes russes et géorgiennes aux positions précédant le conflit ouvert. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s’est rapidement rendu en Géorgie pour rencontrer son président. Le président français, Nicolas Sarkozy, a aussi indiqué vouloir se rendre à Moscou.

Les États-Unis ont condamné avec une voix plus forte l’usage excessif de la force par Moscou, l’accusant de vouloir provoquer un changement de régime en Géorgie. Selon Washington, le ministre russe des Affaires étrangères aurait dit à la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice, que Mikheil Saakashvilli «devait partir».

Outre les condamnations d’usage, les États-Unis ont signalé un certain regain de tension entre eux et la Russie, ce qui ne ferait que poursuivre l’escalade des derniers mois.

Tandis qu’une annexion de la Géorgie par la Russie est peu probable, une poursuite des hostilités pourrait replonger le pays du Caucase plusieurs années en arrière advenant des frappes détruisant ses infrastructures et son industrie.

Quant à la proximité entre la Géorgie et les États-Unis, elle devrait apporter des éléments clés aux prochains développements. Après tout, la Géorgie est le troisième pays le plus impliqué en Irak, après les États-Unis et la Grande-Bretagne, fournissant 2000 troupes sur le terrain. Ces troupes ont été rappelées au cours de la fin de semaine pour venir épauler les efforts domestiques. En plus de l’Irak, la Géorgie est également présente en Afghanistan au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité. Tous ces efforts militaires pour un pays modeste et peu peuplé, avec une petite armée, seront-ils pris en compte par Washington?

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.