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Spike Lee et les difficultés de produire un film original

Écrit par Amir Talai, Envoyé spécial à Toronto
14.09.2008
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TIFF: Miracle at St. Anna

  • Spike Lee(Stringer: Francois Durand / 2008 Getty Images)

TORONTO – On dit que la sagesse vient avec l’âge… le succès probablement aussi. Même si le deuxième long métrage de Spike Lee, Do the Right Thing, qui l’a catapulté dans la stratosphère hollywoodienne, fait sans aucun doute partie de la liste des classiques du cinéma, son dernier film, Miracle at St. Anna, qui a été présenté au Toronto International Film Festival (TIFF), pourrait bien être son plus grand.

L’adaptation cinématographique du roman éponyme de James McBride était un grand défi, comme l’indique Lee qui explique que si l’on ne présente pas un scénario «hollywoodien» grand public, trouver du financement est difficile.

 

«En fait, il y a seulement trois ou quatre personnes qui travaillent aujourd’hui et peuvent faire ce qu’ils veulent, Lucas, Spielberg, … Pour les autres, qui ne sont pas dans cette liste, si vous n’adaptez pas une BD ou une émission de télé, il est difficile de réaliser quelque chose d’original. C’est ce qui s’est passé pour ce film, mais c’est toujours la même histoire depuis le début», lance le réalisateur controversé.

«J’ai grandi en regardant des films sur la Seconde Guerre mondiale et lorsque j’ai lu le roman de James, c’était comme s’il m’avait offert un cadeau d’un film dont le scénario se déroulait lors de la Seconde Guerre mondiale en Italie. Mais ce qui est aussi frustrant, c’est le système d’Hollywood parce qu’ils disent trop souvent : “Si tu veux cela, il faut que tu fasses ceci!” Je pensais qu’après mon meilleur film, Inside Man, ce serait plus facile de faire mon prochain film…»

Lee s’est néanmoins rendu compte que cette supposition était erronée et il a dû chercher du financement à l’extérieur des États-Unis pour Miracle at St. Anna.

«Je ne me plains pas de cela, mais nous avons continué à travailler avec ce que nous avions. Ce qui a été remarquable dans tout ça est que nous sommes allés en Europe pour obtenir du financement et nous avons trouvé deux coproducteurs italiens intéressés, Roberto Cicutto et Luigi Musini», développe Lee.

«Il y a plein de gens qui ont de bonnes histoires pour un film, et elles ne sont ni tirées d’une BD ni un truc de super héros et il n’y a pas non plus de vedette dans le projet. Ce n’est pas un bon environnement [Hollywood] pour faire ce genre de films», renchérit le réalisateur afro-américain.

«J’étais donc très frustré d’Hollywood», précise Lee.

«Je crois vraiment aux miracles maintenant, car ce film en est vraiment un dans ce contexte», ajoute-t-il.

Le petit miracle

Inspiré de la vraie histoire du massacre de 500 hommes, femmes et enfants italiens par les SS allemands à Sant’Anna di Stazzema, Miracle at St. Anna suit le parcours de quatre soldats afro-américains piégés dans les montagnes de la Toscane. Leur chemin croisera celui d’un jeune orphelin italien qui parle avec ce qui semble être des amis imaginaires et qui détient certains pouvoirs paranormaux. C’est ainsi qu’ils apprendront davantage sur le passé troublant et mystérieux de l’enfant.

Concernant l’équipe, Spike Lee souligne que la plus grande difficulté, après celle du financement, était de dénicher l’acteur qui jouerait le rôle du petit garçon italien incarné par Mateo Sciabordi.

«Le défi était le rôle de l’enfant. J’ai passé plusieurs nuits blanches à penser que si nous ne trouvions pas l’enfant qu’il nous fallait, ça ne marcherait pas», fait savoir Lee. «Nous avons eu des auditions ouvertes au public à Florence pour trouver le garçon. Cinq mille enfants se sont présentés. Je n’ai vu que les 100 finalistes», décrit le réalisateur de Malcolm X.

À la fin, Mateo Sciabordi a été choisi pour le rôle.

«Nous avons eu la chance d’avoir Mateo. Il n’avait jamais joué auparavant, mais il possède les qualités, la sensibilité, l’intelligence, le visage, l’innocence nécessaire pour un enfant acteur jouant ce rôle», juge-t-il.

«Mateo a donné une grande performance», renchérit-il.

La controverse Eastwood/John Wayne

Au Festival du film de Venise, la controverse enflait dans les médias suite à la critique de Spike Lee à l’égard de Clint Eastwood qui n’a inclus aucun Afro-américain dans ces deux derniers films sur la Seconde Guerre mondiale, Flags of our Fathers et Letters from Iwo Jima. «Il n’y avait aucun acteur noir à l’écran» dans ces deux films, déclarait Spike Lee.

Au TIFF, sans aborder directement la controverse avec Eastwood, Lee évoque un thème similaire lorsqu’il critique la représentation hollywoodienne de la Seconde Guerre mondiale.

«Ce n’est pas un hasard que ça [Miracle at St. Anna] débute par The Longest Day avec John Wayne. Ça, c’est la mythologie Hollywoodienne… et [Miracle at St. Anna] est la réfutation de la mythologie d’Hollywood qui dénigre les autres. Nous devons changer cela. Nous ne pouvons pas continuer à produire ces mensonges encore et encore, et les jeunes en grandissant n’ont aucune idée que ces choses se sont passées», déplore le réalisateur ayant grandi a Brooklyn.

«Je n’essaie pas de rabaisser un homme, parce que ce n’était pas de sa faute. Mais il a été construit pour représenter les États-Unis, et si vous regardez la mythologie de la Seconde Guerre mondiale, ils [les Afro-américains] ne sont pas inclus», se désole Lee.

«Au printemps prochain, George Lucas va finalement faire ce film à propos de ce soldat de Tuskegee [ville d’Alabama]. Il est à espérer que ce film et le mien amèneront du changement», conclut-il.

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