Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Guerre et paix

Écrit par Antoine Latour, La Grande Époque - Montréal
16.09.2008
| A-/A+

  • Un soldat canadien patrouille à Arghandab, en Afghanistan.(Stringer: MASSOUD HOSSAINI / 2008 AFP)

Élections 2008 – Le Canada et le rôle de l’armée

La question du rôle du Canada en Afghanistan peut soulever les passions. Les gens qui s’opposent à la mission de combat des Forces canadiennes en Afghanistan, ou tout simplement à leur présence là-bas, manifestent régulièrement leur désaccord par la voie de diverses actions publiques. Cette frange plus active des opposants s’appuie sur un bon soutien de la population car, comme l’indique certains sondages, une majorité de Canadiens ne sont pas d’accord avec la mission. Cela peut-il avoir un impact sur la campagne électorale? Si l’on se fie encore aux chiffres, l’incidence pourrait être minime, car d’autres questions arrivent en tête de liste des préoccupations des Canadiens : santé, environnement et économie.

La Grande Époque a fait le tour des cinq principaux partis pour tâter le pouls des différentes positions en matière de défense, question d’offrir aux électeurs un portrait général de la situation.

Le renouvellement de l’engagement du chef conservateur, Stephen Harper, de mettre fin à la mission du Canada en Afghanistan en 2011, a en quelque sorte assuré que le sujet ne devienne pas un enjeu électoral chaud.

«Je ne pense pas vraiment que le public canadien aurait beaucoup envie de continuer après ça. Je pense que, même à l'intérieur des Forces canadiennes (FC), les militaires n'auraient pas envie de voir continuer les rotations, bien qu'ils ne l'admettraient probablement pas», a déclaré Harper lors d’une rencontre avec des journalistes le 10 septembre.

Celui que certains accusent d’être le calque du président américain, George W. Bush, en matière de politique étrangère a joué la question localement, reléguant le dossier afghan en arrière-plan de la campagne.

Là où il pourrait y avoir agitation, c’est au sein de l’OTAN. L’organisation demande toujours une plus grande participation de ses membres aux efforts en Afghanistan. Dans le contexte actuel, où les attaques des insurgés augmentent en violence, le besoin d’un plus grand nombre de troupes se fait sentir, et les États-Unis, profitant d’une meilleure situation en Irak, ont annoncé vouloir accorder plus d’attention à la région.

Actuellement, compte tenu des restrictions politiques affectant les règles d’engagement des différents pays participant à la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), et en considérant leurs capacités militaires respectives, il semble que seuls les États-Unis seraient en mesure de remplacer le Canada dans la province volatile de Kandahar.

Que réserverait au Canada un gouvernement conservateur au-delà de 2011? Pour l’instant, il n’est pas possible d’obtenir une réponse officielle. Il n’est pas possible non plus d’obtenir d’un porte-parole ce que sont les grandes lignes de la politique en matière de défense chez le Parti conservateur (PC) lors de cette élection. Les candidats de ce parti doivent obtenir l’autorisation de l’organisation centrale à Ottawa pour accorder des entrevues aux journalistes. Frédéric Barry, responsable des communications au PC à Ottawa, a indiqué à La Grande Époque que personne n’était disponible pour commenter sur la question.

Alors il reste les signes et les spéculations. Le gouvernement de Stephen Harper est souvent présenté comme militariste. Ce dernier a en effet investi davantage dans la défense, mais à un moment où des années de coupures pour corriger le déficit budgétaire avaient mis les Forces canadiennes dans une posture inconfortable.

Selon Quatre généraux et un amiral : La situation vue d’en haut, un rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense publié dernièrement, les conservateurs sont loin de se donner les moyens de leurs ambitions en matière de défense. Les fronts de la souveraineté territoriale, avec la question de l’Arctique, puis des missions expéditionnaires, avec à l’avant-plan la mission en Afghanistan, nécessitent des investissements plus soutenus dans les Forces canadiennes, estime le rapport. Ce dernier indique qu’en tenant compte de l’inflation, les fonds alloués par les conservateurs se traduiront au final par une diminution du financement de l’armée.

«D’abord, les Forces canadiennes ont du rattrapage à faire. Après de longues années de sous-financement sous le régime des gouvernements progressistes-conservateurs et libéraux précédents ainsi que sous le gouvernement actuel, ce qu’il faut, c’est un afflux de fonds, pas une diminution. Avec seulement le minimum nécessaire pour remplacer le matériel et le personnel courants, il ne reste rien pour assurer la croissance et la revitalisation des Forces canadiennes dont le Canada a besoin et que le gouvernement avait promises durant la dernière campagne électorale», est-il écrit.

Le rapport, contesté par les conservateurs, démystifie quelque peu l’image militariste que certains leur collent, avec chiffres à l’appui.

Chez les libéraux

Qu’en est-il chez ceux que les conservateurs accusent d’avoir fait vivre des années de vache maigre aux FC et qui sont souvent pointés du doigt pour avoir initié l’implication du Canada en Afghanistan?

Jusqu’à maintenant, les questions de défense n’occupent pas une place importante dans la campagne libérale, dont l’accent est mis sur le Tournant vert du chef Stéphane Dion.

Quant à la vision générale des libéraux sur la question, à l’instar du Parti conservateur, le Parti libéral n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

En ce qui a trait aux signes, les libéraux ont réagi à la déclaration de Harper concernant la date butoir de 2011 pour la mission afghane. Alors que les autres partis ont exprimé scepticisme quant à cet engagement, le Parti libéral a publié un communiqué intitulé Harper suit l’exemple de Dion au sujet de la mission en Afghanistan.

«Je demande l’établissement d’une date butoir ferme depuis février 2007, a dit M. Dion. Pourquoi Stephen Harper a-t-il mis autant de temps à accepter une chose que nous savons depuis 30 mois?», déclare M. Dion.

«L’annonce faite aujourd’hui est de toute évidence un revirement de la part du premier ministre, qui a à plusieurs reprises affirmé que le Canada ne devrait pas annoncer de date butoir arbitraire de retrait de ses troupes. En fait, le 24 mai 2007, M. Harper a dit “Nous ne pouvons établir de date butoir arbitraire et simplement souhaiter que tout aille bien”», ajoute-t-il.

Le NPD plus radical

Du côté du NPD, la position a été bien marquée : retrait des troupes canadiennes d’Afghanistan. Selon le parti de gauche, la mission est mal définie et se détourne du rôle traditionnel de maintien de la paix du Canada.

Jack Layton, chef du parti, a déclaré dans un discours en janvier 2008 que l’approche de contre-insurrection de l’OTAN en Afghanistan n’avait pas réussi jusqu’à maintenant à apporter la sécurité et la stabilité à la population, mais plutôt le contraire.

{mospagebreak}

«[...] il y a une autre vision pour le rôle du Canada en Afghanistan – une qui met l’accent sur la sécurité et la stabilité à apporter et à l’amélioration de la vie des Afghans en bâtissant un chemin vers la paix», a-t-il fait valoir.

Quant à la stratégie des conservateurs de souveraineté dans le Nord canadien, elle est également décriée par le NPD. «Le gouvernement Harper, dans sa stratégie nordique, a mis l’accent sur le renforcement de la présence militaire canadienne dans le Nord canadien, dépensant des milliards de dollars sur de nouveaux navires de guerre, plutôt que de tenir compte des besoins sociaux et économiques fondamentaux», déplore Michael Byers, candidat du NPD dans Vancouver Centre et professeur de science politique à l’Université de Colombie-Britannique.

En ce qui concerne la vision globale du parti en matière de défense, sur l’utilisation que ferait le NPD des Forces canadiennes, il est impossible de dire exactement pour l’instant ce qu’elle est. Le NPD n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.

L’option Bloc

Chez le Bloc québécois, l’option de défense privilégiée est l’utilisation des Forces canadiennes dans un rôle de maintien de la paix.

«Est-ce par la force qu’on va gagner la sympathie des Afghans?», se demande Thierry St-Cyr, candidat du Bloc dans Jeanne-Le-Ber.

«Le gouvernement [conservateur] est manifestement belliqueux, ça nous préoccupe beaucoup», laisse-t-il entendre.

Avec le retrait des troupes canadiennes annoncé par Stephen Harper pour 2011, un engagement que M. St-Cyr considère quelque peu «douteux», il croit que le Canada pourrait se tourner vers d’autres régions troublées du monde. «Haïti : est-ce qu’on a fait assez?», demande-t-il, tout en évoquant également la question du Darfour.

Côté vert

Le Parti vert, qui gagne en popularité, doit aussi gagner en profondeur et proposer des options à l’extérieur des questions qui font sa raison d’être.

Leur position sur la défense se rapproche étroitement du NPD et du Bloc.

D’emblée, questionnée sur ce dossier, une porte-parole du Parti vert, Sonia Ziadé, lance : «Nous sommes très fiers [de la décision] du Canada de ne pas aller en Irak.»

Elle estime que le Canada «doit retourner au rôle traditionnel de diplomatie et de maintien de la paix». Croit-elle que Harper respectera son engagement de retirer les troupes d’Afghanistan en 2011? «On espère que Harper ne sera plus là en 2011!», assène-t-elle.

Sur le terrain

En Afghanistan, la situation se détériore. Un attentat à la voiture piégée contre un convoi des Nations Unies, revendiqué par les talibans, a fait trois morts le 14 septembre dans la région de Spin Boldak.

Les voies de ravitaillement de la capitale Kaboul sont également de plus en plus ciblées par les insurgés, ce qui rappelle les tactiques des Moudjahiddines contre les Soviétiques dans les années 1980. Perturber la logistique ennemie est une vieille tactique de guerre. Perturber le ravitaillement de la population civile est également efficace pour susciter la grogne de la population.

Côté ampleur de la violence, on a remarqué dernièrement que les insurgés (talibans, groupes terroristes, partis islamistes militants, mécontents de toutes sortes) pouvaient mener des offensives de taille. En juillet dernier, un avant-poste de combat américain dans la province de Kunar a presque été anéanti par une attaque d’insurgés bien organisée. Neuf soldats américains ont péri. En août, la France a perdu dix soldats dans une embuscade majeure près de Kaboul. Des survivants ont indiqué que les insurgés utilisaient des tactiques militaires à l’occidentale. Puis début septembre, une attaque jugée «sophistiquée» par le chef des Forces canadiennes, le général Walt Natynczyk, a coûté la vie à trois soldats canadiens.

Tandis que le Canada prévoit se retirer d’ici trois ans, les talibans se préparent à une guerre de vingt ans pour expulser les étrangers, selon BBC News. Comme dit maintenant l’adage : «Les soldats étrangers ont des montres, mais les talibans ont le temps.»

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.