Processus de paix au Proche-Orient: l’heure est à la paralysie

Écrit par Stéphanie Krug, Collaboration spéciale
17.09.2008
  • Le président français, Nicolas Sarkozy (droite), participe à un sommet le 4 septembre 2008 à Damas(Staff: AWAD AWAD / 2008 AFP)

Le sommet quadripartite (Syrie, France, Turquie et Qatar), le 4 septembre 2008, à Damas – organisé à l’occasion de la visite du président français Nicolas Sarkozy – peut représenter un tournant historique dans les négociations syro-israéliennes. Ces dernières restent malheureusement suspendues aux changements d’administration aux États-Unis et en Israël.

Nicolas Sarkozy a participé au sommet quadripartite en tant que président en exercice de l'Union européenne, le dirigeant syrien Bachar al-Assad en tant que président du Conseil de la Ligue arabe et l'émir du Qatar, Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, en tant que président du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, était également présent à ce sommet destiné à évoquer «les sujets régionaux de la paix au Proche-Orient», selon l’Élysée.

«Nous voulons un rôle prépondérant pour l'Europe à travers la France, et pour tous les pays arabes à travers la Syrie et le Qatar», a révélé M. Assad. À l’occasion de sa visite à Paris le 12 juillet, Bachar al-Assad avait exprimé le vœu que la France coparraine, le moment venu, avec le truchement des États-Unis, une négociation directe entre la Syrie et Israël. Le président Sarkozy avait donné son accord, ainsi qu'Israël et les États-Unis.

Comme l’a souligné le quotidien gouvernemental Techrine, le sommet a «consacré le rôle important que joue et peut jouer la Syrie à l’avenir pour la stabilité et la paix» dans la région. C’est la Syrie qui «détient la décision de guerre et de paix et sans [elle], la région restera plongée dans l’inconnu», a souligné à Beyrouth le quotidien libanais As Safir, proche de l’opposition soutenue par Damas et Téhéran.

Néanmoins, si Damas est en position de force, il n’y a pas de percée majeure ni de réelles avancées sur le terrain, même si la Syrie sort de son isolement. «Qu’on le veuille ou non, [la présence des] États-Unis est fondamentale dans ce processus», a souligné le président syrien. Ce dernier a avoué attendre également les élections primaires du 17 septembre en Israël, pour «déterminer l’avenir» des négociations. En ce moment, «on ne peut réaliser des avancées réelles sur le terrain», ajoute-t-il. «Un dossier comme les négociations avec Israël […] est complexe et quelques réunions ne suffisent pas pour trouver une solution […] Ce genre de dossier a besoin de toutes les parties et l’acteur principal reste les États-Unis», explique-t-il.

Israël et la Syrie sont formellement en état de guerre depuis 1948, mais ont conclu un armistice et signé des accords de cessez-le-feu. En échange de la paix avec Israël, la Syrie veut récupérer le plateau du Golan, conquis par Israël en juin 1967 puis annexé en 1981.

«Les participants au sommet ont envoyé le signal fort qu’ils étaient prêts à investir dans la paix, la balle est maintenant dans le camp américain», surenchérit Paul Salem, directeur du Centre Carnegie pour le Proche-Orient. «Mais même si les choses avancent techniquement» avec la tenue d’une 5e ronde de négociations indirectes en septembre, ce sont les États-Unis «qui tranchent». Selon lui, «pour voir du concret, il faudra attendre le printemps 2009», après que l’administration américaine nouvellement élue, qu’elle soit démocrate ou républicaine, aura présenté son projet politique dans la région.

L’affaire n’est pas simple et le chemin reste long, car Damas et Washington entretiennent des relations houleuses depuis que l’actuelle administration de George W. Bush accuse la Syrie de soutenir le terrorisme en donnant son appui au Hezbollah et en favorisant l’infiltration de rebelles en Irak. Le dossier avec l’Iran est également problématique quand on sait que la Syrie est un allié de l’Iran. L'Iran et sa décision, prise au printemps 2005, de poursuivre l'enrichissement d'uranium, étaient également au cœur du débat du sommet quadripartite, et la France ainsi que les États-Unis restent très préoccupés.

Le président syrien et le président français ont évoqué le contentieux entre Israël et la Syrie à propos du problème territorial que constituent les «fermes de Chebaa», aux confins du Liban, de la Syrie et d'Israël. Israël affirme que cette zone géographique, intensément stratégique de 25 kilomètres carrés, fait partie intégrante du Golan syrien conquis en 1967 et annexé en 1981, tandis que le Liban en demande la souveraineté avec l'accord de la Syrie. «Ce problème ne doit pas servir de prétexte à une paralysie» entre la Syrie et Israël. «Nous sommes disposés à aider», a-t-on affirmé à l'Élysée.

Soupçonné de corruption, d'abus de confiance, de fraude et de blanchiment d'argent, le premier ministre israélien, Ehud Olmert, n'est plus en mesure d’assurer sa légitimité sur la scène internationale. Aucun de ses interlocuteurs, qu’il s’agisse de Mahmoud Abbas, le président palestinien, ou de Bachar el-Assad, le chef de l'État syrien, ne semble disposé à s’entretenir avec lui du futur des négociations syro-israéliennes ou du processus de paix israélo-arabe. L'heure est à la paralysie. Son gouvernement est en sursis et il est de plus paralysé par des dissensions aussi bien internes qu’externes, redoublées par l’annonce de la fin de son mandat.

La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, quant à elle, dit vouloir aller dans le sens d’un accord sur le statut final avec l'Autorité palestinienne, si elle remporte la primaire du Kadima, le parti centriste au pouvoir, a rapporté le 10 septembre le Jerusalem Post.

«Je m'engage à agir avec responsabilité et bon jugement pour parvenir à un accord final via le dialogue avec les Palestiniens pragmatiques tout en luttant avec détermination contre les extrémistes palestiniens», a déclaré Mme Livni dans une lettre adressée aux membres du Kadima. «Mon but, a-t-elle répété, est d’assurer à l'État d'Israël la possibilité de continuer à être juif et démocratique avec une majorité juive qui est vouée à vivre en sécurité avec des frontières finales», a-t-elle ajouté. Elle s'est montrée par ailleurs favorable à la création d’un État palestinien et au maintien du contrôle des sites saints juifs.