Un troisième Rose

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque - Montréal
02.09.2008

 

Le banquet

  • une scène du film(攝影: / 大紀元)

«Jamais deux sans trois», dira-t-on… et dans ce cas-ci, la troisième fois, ça «fesse»! Avec toute la poésie dont il est capable, Sébastien Rose signe son troisième long métrage, Le banquet, nous plongeant dans les évènements perturbants d’une grève étudiante qui dégénère avec, en arrière-plan, les problèmes du système d’éducation au Québec.

Bertrand (Alexis Martin) est un professeur de cinéma à l’université. Jean-Marc (Raymond Bouchard) est le recteur de cette institution, il veut étouffer la grève. Louis-Ferdinand (Frédéric Pierre) est un leader étudiant tiraillé entre les perspectives de sa propre carrière et les intérêts de ses pairs. Activiste et quelque peu mégalomane, Granger (Pierre-Antoine Lasnier) prend une position à l’antipode de celle de Louis-Ferdinand. Gilbert (Benoît McGinnis) cherche difficilement sa place sous le soleil de l’université. Natasha (Catherine De Léan) est une toxicomane qui peine à se sortir de sa dépendance. Ces six destins vont s’entremêler pour partager un épisode de leur existence troublée par une grève universitaire dont les conséquences auront un effet capital sur leur vie.

Sébastien Rose (Comment ma mère accoucha de moi durant sa ménopause, La vie avec mon père) présente ici une œuvre bien développée autant sur le plan du fond que de la forme. Le banquet est un film complet qui ne laissera personne indifférent. Son intensité dramatique plaira à ceux venus pour se divertir. Le soin porté à l’image, l’utilisation des liens sonores créatifs rendant naturel et fluide le passage d’une scène à l’autre conviendront aux cinéphiles qui désirent s’abreuver artistiquement. Tandis que le propos, très bien articulé, rassasiera les spectateurs à la recherche d’une stimulation intellectuelle.

Pour ceux qui ont vu et aimé les deux premiers longs métrages de Rose, il faut mentionner qu’évidemment Le banquet ouvre la porte à plus de violence. Cependant, celle-ci n’est pas maquillée en gestes séduisants et virils (comme dans trop de blockbusters malheureusement). Son utilisation froide est justifiée et nécessaire pour secouer le spectateur et lui permettre de prendre conscience d’une problématique bien réelle dont cette agressivité n’est que le symptôme.

Bien plus loin qu’un simple accroc dans le système d’éducation québécois, c’est tout le problème de la perte de repères sociaux, conséquence de la déconstruction du rapport à l’autorité que l’on doit voir dans le film de Rose.

N’ayez pas peur, ce n’est pas parce que le thème du Banquet semble abstrait que l’œuvre est automatiquement indigeste. On contraire!… et c’est là toute la finesse de l’équipe de Rose (son père, Hubert-Yves Rose, cosigne le scénario et Nicolas Bolduc à la direction photo). Il faut dire que Sébastien Rose a ce talent d’aborder presque harmonieusement un propos lourd de sens. Ainsi, le spectateur est transporté dans l’univers du réalisateur. Rappelez-vous la façon parfois presque onirique de traiter la dégénérescence du personnage de Raymond Bouchard dans La vie avec mon père.

Le genre «choral» était tout bien choisi pour que l’attention ne soit pas portée sur une vedette interprétant le premier rôle du scénario. Ici, c’est plutôt le thème qui est la vraie «star» du Banquet. D’ailleurs, chacun des six acteurs «principaux» y va d’une performance plus que convaincante, illustrant bien les différentes perspectives du sujet.

Un film qui sera en lice dans plusieurs catégories à la soirée des Jutra? Certainement!