Passion timide

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
23.09.2008

 

 LA FANCIULLA DEL WEST (La fille du Far West)

De Giacomo Puccini

Production : Opéra de Montréal

20, 24, 27, 29 septembre et 2 octobre 2008

À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts

Réservations : 514 985-2258

 

  • Luis Ledesma et Irina Rindzuner(攝影: / 大紀元)

Le septième opéra de Puccini sort de l’armoire à l’occasion du 150e anniversaire de naissance de son auteur. Le public montréalais assistait à la première le 20 septembre dernier. Structure en trois actes relatant la passion d’une jeune femme ayant réservé son premier baiser pour un malfrat espagnol. Minnie est tenancière du bar-salon où se retrouvent les chercheurs d’or, tous éperdus d’un amour sans borne pour la jolie demoiselle. Bien que très appréciée par tous ces messieurs, elle vit seule et exilée au milieu des montagnes, rêvant du grand amour. Dommage : l’élu, tant attendu, cherche à voler l’or des ouvriers pour lesquels Minnie travaille si fort. Mais, comme toute femme éperdue, elle passera l’éponge. Après tout, donner son premier baiser, c’est beaucoup d’implication et, tant qu’à y être, il vaut mieux se lancer dans la vie dans l’espoir de transformer ce vilain garnement en bon amant. L’espace d’une scène, Minnie pardonne donc au jeune homme et joue une partie de poker avec le shérif, aussi amoureux d’elle, bien sûr. Grâce à sa triche en troisième manche, elle préservera la vie de cet homme… La suite vous attend à l’opéra.

En soi, l’intrigue nous a paru quelconque. La passion amoureuse est très présente dans le discours musical, fort bien dirigé par la chef Kerry-Lynn Wilson. Pourtant, le spectacle a ses faiblesses dans l’interprétation de certains passages. Par exemple, en scène finale, lorsque Minnie défend son amour, le condamné Dick (Julian Gavin), à qui s’adresse l’intense discours, est tranquillement appuyé sur la palissade du décor et semble écouter d’une oreille sa bien-aimée. En termes de passion amoureuse, on repassera. C’est pourtant sur ce thème que s’appuya Puccini pour créer son opéra. Par contre, la dame Minnie (Irina Rindzuner), remplaçant Susan Patterson au pied levé, est impressionnante autant dans le corps que dans la voix. Elle incarne à elle seule toute la ferveur d’un amour ardant. Elle a l’appui remarquable du shérif Jack Rance (Luis Ledesma). L’amour est palpable pour lui et nous aimerions presque que celui-ci remporte la fameuse partie de poker. Les scènes où nous les voyons tous deux se savourent par la complicité de leurs adresses. Une ouverture communicatrice avec le public, une générosité et une énergie singulière nous captent alors.

Le décor constitué, entre autres, d’une toile de fond en papier peint vieilli évoque bien le rêve brisé auquel les chercheurs d’or font face. Le jeu d’éclairage met en valeur la scène tout à la fois avec force et subtilité. Que manque-t-il à cet opéra? Se redéfinir, comme Strehler l’a fait, par rapport à son temps, ses valeurs, en toute acceptation de la modernité. L’écriture était audacieuse pour l’époque. Il eut été préférable de témoigner de cran aussi dans la mise en scène pour renouveler le genre. C’est un cadeau que Puccini mérite. Ceci dit, il vous sera toujours possible d’assister au spectacle pour le plaisir du son. C’est après tout une bonne motivation pour le mélomane qui sommeille en vous.