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Lait contaminé chinois: culture du secret et étrangers «naïfs»

Écrit par Noé Chartier, Charlotte Cuthbertson et Barry Mills, La Grande Époque
30.09.2008
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  • Un bébé souffrant de calculs rénaux, après avoir consommé du lait contaminé à la mélamine(Stringer: China Photos / 2008 China Photos)

Le scandale du lait chinois contaminé délibérément avec le produit toxique mélamine a pris des proportions internationales. De nombreux pays réévaluent ou ont interdit à cette heure l’importation de produits chinois, particulièrement ceux contenant des substances laitières. Même si la sortie dans l’espace d’un équipage chinois est venue déloger la crise du sommet des nouvelles «Chine» de certains médias occidentaux, il est peu probable que le programme spatial du pays en quête de puissance mondiale vienne rassurer la population aux prises avec de sérieux problèmes plus terre à terre.

Le lait «enrichi» de mélamine, un produit utilisé pour fabriquer du plastique, a officiellement causé la mort de quatre enfants et en aurait fait tomber malades environ 50 000 autres. Cette substance, ajoutée au lait pour lui donner une apparence plus riche en protéines, cause des troubles rénaux pouvant entraîner la mort.

De nombreuses compagnies chinoises ont été mises en cause, dont les plus importantes sont Sanlu, Mengniu et Yili. Cette dernière était commanditaire et fournisseur officiel des Jeux olympiques de Pékin.

Selon le quotidien Telegraph, Sanlu avait reçu des plaintes de parents depuis le mois de mars dernier. La nouvelle aurait été gardée sous le couvert afin de préserver la «stabilité préolympique». La présidente de Sanlu, maintenant limogée, était également un haut responsable du Parti communiste chinois (PCC).

Ce n’est pas la première fois que le manque de transparence du régime chinois et son musellement des médias provoquent une crise internationale. En 2003, son désir de garder secrète l’épidémie du SRAS avait eu des répercussions à travers le monde. Plusieurs avaient espéré que cela serve de leçon aux autorités, pour qu’à l’avenir elles puissent agir de façon responsable.

Du côté des produits made in China, les problèmes actuels ont-ils surpris quelqu’un? Jouets contenant des niveaux élevés de plomb, dentifrices contenant le produit toxique diéthylène glycol, nourriture pour animaux causant la mort, etc. Ces avertissements concernant la sécurité des produits fabriqués en Chine sont très récents. Néanmoins, compagnies et investisseurs étrangers poursuivent leur quête de l’Eldorado chinois.

Cela aura eu des conséquences désastreuses pour l’entreprise laitière néo-zélandaise Fonterra qui possède 43 % de Sanlu. Pendant huit mois, ses partenaires chinois lui auraient caché le problème du lait, et maintenant elle devra essuyer une perte de 139 millions de dollars. La plus grande entreprise de la Nouvelle-Zélande ne savait pas ce qui se passait dans son propre carré de sable.

Qui est à blâmer? Certains font remarquer la ligne de conduite que les consultants recommandent fortement aux investisseurs intéressés par le marché chinois : «Si vous voulez percer, assurez-vous de ne pas faire "perdre la face" à vos interlocuteurs.» Une approche également privilégiée dans certains cercles politiques. En d’autres mots, pour faire de gros profits, il vaut mieux se taire au sujet des pratiques malhonnêtes et peu éthiques qui sont largement répandues, afin de ne pas embêter les partenaires et le gouvernement chinois.

D’autres soulignent la naïveté qu’ont les Occidentaux par rapport à la Chine, et surtout par rapport à qui dirige la Chine.

«Ils voient seulement l’immense marché de 1,3 milliard de personnes, sans connaître le danger des marchés chinois», souligne Jia Jia, un ex-responsable communiste de l’Association provinciale de Science et de Technologie de la province de Shanxi, maintenant exilé en Nouvelle-Zélande.

Selon lui, la controverse du lait en poudre Sanlu/Fonterra a un lien avec le PCC.

«La Nouvelle-Zélande est un pays démocratique et la Chine un pays communiste totalitaire. Toutes les entreprises en Chine sont sous le leadership du Parti et sont en fait rodées par le Parti... En Chine, tout est sous le contrôle du Parti», explique Jia Jia.

Il avertit les entreprises de se renseigner sur les conditions véritables en Chine avant d’y faire des affaires.

Michael Barnett, directeur exécutif de la Chambre de commerce d’Auckland, affirme que la leçon tirée du lait empoisonné est que les entreprises chinoises ont du mépris pour le genre d’idéaux défendus par la plupart des firmes néo-zélandaises.

«Et c’est un avertissement que les autres doivent être prudents... il faut être capable d’évaluer le risque d’être en relation [d’affaires] avec quiconque...», mentionne-t-il.

Selon M. Barnett, les firmes voulant faire des affaires en Chine doivent bien choisir leur partenaire et maintenir un contrôle absolu sur leur marque de commerce. Mais Jia Jia estime que cela est impossible sous le régime actuel.

«Ils [Fonterra] auraient dû savoir que les aliments empoisonnés, les produits contrefaits... ce sont des problèmes politiques causés par le système de gouvernement chinois», ajoute-t-il. «Je crois que c’est un avertissement à tous les groupes financiers qui investissent en Chine... à travers cette histoire, ils devraient avoir une meilleure compréhension du Parti communiste chinois.»

Les propos de Chen Weijian, un militant des droits de l’homme et rédacteur en chef du New Times Weekly, font écho à ceux de Jia Jia : «Si une compagnie va en Chine pour commercer, elle doit être au courant de la corruption et du côté obscur du monde des affaires sous la dictature du Parti communiste chinois.»

«Si la compagnie ne peut garantir la valeur de l’honnêteté à ses clients, mais se soumet plutôt à la culture malsaine des affaires créée sous le Parti communiste, alors elle rencontrera des problèmes, comme Fonterra», poursuit-il.

La mélamine peut être consommée, selon le PCC

Le Parti communiste chinois a publié des informations mensongères sur les dangers de la mélamine.

Une enquête des sites Internet du PCC par La Grande Époque a révélé des déclarations affirmant que le lait «enrichi» de mélamine peut être consommé sans danger.

Un rapport intitulé Result of Special Examination on Melamine Content of National Liquid Milk Products (Résultat d’une enquête spéciale sur le contenu en mélamine des produits laitiers nationaux – traduction libre) a été publié sur le site People.com.cn, soit le portail équivalent du Quotidien du peuple en ligne, un journal du PCC. Le rapport indique que la U.S. Food and Drug Administration (FDA) et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), de concert avec les autorités chinoises, ont mené des évaluations scientifiques sur la marge de sécurité de la mélamine.

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«Selon les standards d’évaluation les plus stricts, il est sécuritaire pour un adulte d’un poids moyen de 60 kg de boire moins de deux litres de lait avec cette quantité de mélamine quotidienne. À ce jour, il n’y a eu aucun cas diagnostiqué de pierres dans le système urinaire causé par la consommation de ces produits laitiers», indique le texte.

Un journaliste de La Grande Époque a contacté la FDA pour clarifier les faits. Une porte-parole de l’organisation a indiqué qu’ils n’avaient jamais publié d’information quant à la marge de sécurité de la mélamine.

L’information publiée par la FDA met en garde les consommateurs de ne pas acheter du lait en poudre provenant de Chine.

Dans un autre reportage publié par le Science Times en Chine, un professeur impliqué dans la recherche sur la sécurité alimentaire, Chen Junshi, affirme qu’il n’y a pas de quoi paniquer quant à la sécurité des aliments. Selon lui, il n’y a pas de risque pour la santé des gens qui consomment de petites quantités de lait contenant de la mélamine, et que le lait frelaté pour enfants avec des niveaux peu élevés du poison est sécuritaire.

La ministre chinoise de la Santé, Chen Zhu, a été citée par Xinhua.net le 17 septembre dernier, affirmant que la «mélamine est un [produit] chimique industriel peu toxique. Les tests sur des animaux démontrent que le métabolisme chez les animaux est rapide, alors [la mélamine] ne demeure pas dans le corps. Cela affecte seulement le système urinaire, et il n’y a pas de preuve que cela peut causer des tumeurs dans le corps humain».

Les experts en Chine ne sont pas tous d’accord. Dr Gao Dawei, ex-doyen du Light Industry and Food College à la South China University of Technology, estime que cette information a été publiée de façon très irresponsable.

«La mélamine est un type de monomère qui forme un polymère hautement organique», explique-t-il. «Cela affecte plusieurs organes une fois dans le corps humain. Particulièrement si consommée en grande quantité avec de la nourriture. La mélamine peut aussi demeurer dans les organes autres que les reins. Cela pourrait aussi affecter le foie et la vésicule biliaire. Le mal causé au corps humain est en fait très sérieux.»

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.