Continuité entre Émond et Pilon

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Époque - Montréal
05.09.2008

 

Ce qu’il faut pour vivre 

  • Tivii (Natar Ungalaaq)(攝影: / 大紀元)

Beaucoup plus qu’un simple divertissement ou une démarche artistique personnelle, la culture est l’esprit d’un peuple. Ce qui le distingue d’un troupeau ou d’une meute. Elle permet également à des individus de connaître les limites de l’acceptable et du néfaste. À l’heure où la culture est un sujet chaud de débat sur la scène nationale, Ce qu’il faut pour vivre, premier long métrage de fiction de Benoît Pilon, nous fait voir que la transmission du savoir et l’échange culturel ont même une incidence sur la vie des individus.

Dans les années 1950, Tivii (Natar Ungalaaq, d’Atanarjuat : la légende de l'homme rapide), est un Inuk vivant de chasse avec sa femme et ses deux filles dans le Grand Nord canadien. Alors qu’il est examiné par une équipe médicale de passage, on découvre qu’il est atteint de tuberculose et on le transporte à Québec pour qu’il reçoive les traitements appropriés. Loin de sa femme et de ses deux filles qui n’ont que lui pour veiller à ramener de la nourriture, il dépérira tranquillement, allant jusqu’à souhaiter la mort. La rencontre de Kaki (Paul-André Brasseur), un jeune patient parlant l’inuktitut et la langue des Blancs, pourrait être un remède au mal qui le ronge et qui dépasse la maladie.

Derrière les très belles images jouant avec des contrastes de chaud et de froid, derrière le rythme pausé du film, on reconnaît bien l’influence de Bernard Émond (Contre toute espérance) qui signe le scénario. Ou peut-être que Benoît Pilon a été choisi par la productrice, Bernadette Payeur, parce que son style présentait certaines similitudes avec celui du scénariste? Peu importe, il y a une certaine continuité dans les œuvres de ces deux cinéastes qui est évidente dans Ce qu’il faut pour vivre.

D’ailleurs, les clins d’œil à différents aspects culturels des tribus du Grand Nord (polygamie, évaluation de la texture de la neige pour anticiper le temps qu’il fera, etc.) nous rappellent qu’Émond est anthropologue de formation et qu’il a une bonne connaissance de ces peuples. C’est probablement pour cela que chaque personnage est présenté avec nuance, sans tomber dans les stéréotypes des relations autochtones-occidentaux.

Concernant la réalisation, Benoît Pilon transporte le spectateur, avec finesse, du choc à l’échange culturel. Le film démarre avec de magnifiques paysages du Grand Nord suivis de l’abrupt contact avec la culture inconnue. Il dérive tranquillement vers la torpeur de l’étranger qui ne peut pas communiquer. Puis, pour nous faire vivre la découverte de l’autre culture, il enchaîne habilement avec des scènes plus lumineuses autant au niveau de l’image (couleurs plus chaudes) que sur le plan des dialogues qui deviennent plus vivants et réussissent même à faire rire toute la salle. 

Si l’idée de la culture est maîtresse dans le scénario, le message qui émane du film semble être celui d’un legs : l’idée qu’un individu meurt, littéralement ou sur le plan figuré, s’il ne peut transmettre ce qu’il sait.