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Sur la corde raide à Gaza

Écrit par Ben Kaminsky, Gidon Belmaker et Antoine Latour, La Grande Époque
13.01.2009
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  • es gens participent à deux manifestations différentes, mais simultanée)(Staff: Christopher Furlong / 2009 Getty Images)

JÉRUSALEM/MONTRÉAL – Depuis le début de l'offensive israélienne dans le bande de Gaza contre le groupe radical Hamas, ce dernier a subi de lourdes pertes. Mais étant donné les dommages causés par une opération d'une telle envergure, la souffrance des Palestiniens est décuplée. Dans l'opinion publique, ils bénéficient d'une grande sympathie, comme l'ont démontré de nombreuses manifestations de soutien partout dans le monde durant les derniers jours. Quant au Hamas, qui se nourrit de colère et de ressentiments, son attrait idéologique pourrait s'accroître tandis que son existence matérielle devient de plus en plus difficile. Comme dans le cas du Hezbollah lors de sa guerre avec Israël à l'été 2006, même la simple survie du Hamas pourrait lui procurer l'interprétation d'une victoire «divine».

En Israël, on débat de la légitimité de l'opération actuelle, des implications légales et du droit à l'autodéfense car, officiellement, c'est pour mettre fin aux attaques à la roquette sur des populations civiles que cette guerre est menée. Le choix des cibles laisse cependant croire qu'Israël cherche à porter un coup fatal au Hamas et à ses infrastructures, de manière à ce qu'il soit incapable de se relever. Les prochaines élections dans l'État hébreu – où les questions de sécurité ont toujours une importance cruciale – et l'entre-deux présidences aux États-Unis ont constitué un moment idéal pour lancer une offensive qui se préparait depuis longtemps et qui devait profiter des longs mois de blocus sur la petite bande de Gaza.

Malgré l'interdiction pour les journalistes étrangers de pénétrer dans le territoire où les combats font rage, reportages et photos concernant le destin tragique des familles décimées sont diffusés et accentuent la pression internationale sur Israël pour que cesse son opération. Certains responsables israéliens ont déclaré ouvertement qu'ils ne peuvent accorder leur soutien à ce qui est devenu une crise humanitaire dans la bande de Gaza.

Mais les souhaits d'éviter une catastrophe humaine peuvent être dissipés par la réalité des combats en zones urbaines et de la difficulté de frapper efficacement un adversaire qui a comme principale stratégie de se fondre dans la population.

Une guerre légale?

La guerre moderne se déroule sur plusieurs types de champs de bataille. Pour gagner, relations publiques et interprétations du droit international sont aussi importantes que stratégies et opérations militaires. C'est la guerre des idées, des messages, de l'information.

Selon l'avocat Avi Bossel du Jerusalem Center for Public Affairs, une ONG israélienne dont la mission est de «gagner la guerre des idées» pour assurer la survie de l'État hébreu, le terrorisme palestinien enfreint le droit international et constitue un crime contre l'humanité. «Les attaques palestiniennes contre les villes d'Israël à partir de Gaza enfreignent le principe le plus fondamental du droit international, soit le “principe de séparation” [entre soldats et civils]», soutient-il.

L'envoi de roquettes sur des villes israéliennes est, selon lui, par définition un acte de terrorisme, et toutes les parties impliquées devraient être tenues légalement responsables pour leurs actions.

«Cette situation dans la région, où le Hamas s'en prend à des civils israéliens, fournit définitivement l'excuse légale – et même l'obligation – d'utiliser la force pour mettre fin à ces attaques, selon le droit international», estime pour sa part Michael Sfard, un avocat spécialiste en droit international et en droits de l’homme, qui s'est opposé à l'occupation israélienne.

Toutefois, M. Sfard explique que même dans le contexte d'une guerre justifiée, la question des objectifs et de l'étendue de l'opération est toujours présente. «Il y a une question très importante à poser : est-ce que la force utilisée est excessive ou non? A-t-elle pour seul but d'empêcher le Hamas d'attaquer ou bien de renverser son gouvernement à Gaza?»

«Si tel est le cas, alors il ne s'agit pas d'un objectif légitime. Israël n'a pas le droit d'utiliser la force pour renverser le gouvernement d'une autre entité simplement parce qu'elle ne l'apprécie pas», poursuit M. Sfard.

M. Sfard mentionne également qu'il suspecte les Forces de défense israéliennes (IDF) d'avoir attaqué des cibles illégales comme des centrales électriques et d'autres infrastructures civiles. Il fait également référence au bombardement d'une cérémonie d'assermentation de nouveaux policiers du Hamas à Gaza. «Les Forces de défense ont seulement le droit de cibler les combattants», précise-t-il.

Dissimulés parmi la population

Les combats en zones habitées et urbaines soulèvent des questions légales. Israël accuse les combattants du Hamas de se fondre parmi les civils et, selon le quotidien Yedioth Ahronoth, des dirigeants de l'organisation extrémiste se cacheraient dans les sous-sols de l'hôpital Chifa, le plus grand de Gaza. Cette utilisation non confirmée dans ce cas d'un bouclier humain, une tactique cependant déjà reconnue, sert régulièrement d'argument à Israël pour se défendre lorsque ses frappes font des morts civils.

Yafa Zilbershatz, professeure de l'université Bar-Ilan et experte des questions légales militaires, fait remarquer les principes de justesse et de réponse proportionnelle dans le droit international.

Selon elle, le bombardement d'Israël contre le domicile d'un dirigeant militaire du Hamas, par exemple, qui l'a tué lui et sa famille était justifié.

D'un autre côté, si la même cible avait été cachée dans une cour d'école, l'attaque n'aurait pas été appropriée. «Il y a, bien entendu, des “zones grises” plus complexes, et la décision [de frapper ou pas] est alors déterminée par le niveau moral des commandants», estime-t-elle.

Mais de jour en jour, l'argument selon lequel Israël agirait selon des principes moraux s'érode. Le bombardement d'écoles de l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) a fait plusieurs dizaines de morts. Ces frappes ont été défendues en disant que les installations abritaient des militants du Hamas ou que ceux-ci avaient tiré des roquettes de cet endroit. L'UNRWA a démenti. Qui dit vrai? Qui dit faux? Des dizaines de civils ont été tués pour éliminer quelques combattants.

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«Lorsque des soldats se cachent parmi les civils, le défi pour ceux qui les combattent est beaucoup plus grand. Il y a certains cas où même si des civils sont touchés, il est encore légitime d'attaquer. Si les soldats se cachent parmi les civils et font feu à partir de là, il n'y a aucun doute qu'il est permis de retourner le feu pour se défendre. Mais cibler des dizaines ou des centaines de civils est absolument interdit», affirme M. Sfard.

Plusieurs détracteurs d'Israël ont signalé la contradiction entre le discours officiel soulignant que toutes les précautions nécessaires sont employées pour éviter les pertes civiles et la possible mise en pratique d'une nouvelle doctrine tablée par le major-général Gadi Eisenkot, en charge du Commandement Nord des Forces de défense israéliennes.

Dans une entrevue à l'automne 2008 avec le Yedioth Ahronoth, ce dernier a révélé ses intentions concernant une éventuelle guerre. Bien que l'entité visée soit principalement le Hezbollah libanais, la symétrie avec le Hamas peut vraisemblablement être appliquée : «Nous allons utiliser une force disproportionnée contre chaque village d’où des feux ont été tirés contre Israël et nous allons causer des dommages et une destruction immenses. De notre point de vue, ces villages sont des bases militaires», a-t-il affirmé. «Ceci n'est pas une suggestion. C'est un plan qui a déjà été autorisé.»

Le Hamas pourra-t-il rompre son isolement?

Un commentateur du site Internet World Politics Review soulignait dernièrement la transformation du conflit au Proche-Orient. Au départ, c'était le conflit israélo-arabe. Ensuite, c'est devenu le conflit israélo-palestinien. Maintenant, avec un Fatah moins radical et séculaire en Cisjordanie, le conflit oppose principalement Israël au Hamas. C'est donc dire que l'opposition directe et violente à l'État hébreu s'est réduite considérablement au fil des ans. À part quelques appuis étrangers qui facilitent ou alimentent la lutte contre Israël, le Hamas ne bénéficie pas de nombreuses sympathies.

Saura-t-il faire augmenter son prestige avec la crise actuelle? Si à l'interne les chances sont probables, ce sera sur des bases presque purement idéologiques et émotives, car la destruction et le blocus ne lui permettent pas de répondre aux besoins de la population. Le Hamas, advenant sa survie, n'aura probablement pas à sa disposition les mêmes ressources que le Hezbollah pour participer à la reconstruction des endroits touchés et ainsi gagner des appuis.

Le peuple palestinien, bien que jouissant généralement d'un appui chez les différentes populations du monde, demeure en général abandonné à lui-même. Si leurs frères arabes n'hésitent pas à prendre la rue en leur défense, les gouvernements de la région sont plus réticents à se manifester pour quelque chose de concret. Mais Mouammar Kadhafi, dirigeant libyen, a proposé quelque chose de concret : «J'appelle les Arabes à ouvrir leur porte à des volontaires pour qu'ils combattent aux côtés des Palestiniens.»

Un certain contraste avec les multiples appels au cessez-le-feu.

Étant donné les relations qu'entretient l'Égypte avec Israël, seul pays arabe ayant une frontière avec la bande de Gaza, un afflux de combattants étrangers demeure improbable.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.