Israël déclare un cessez-le-feu unilatéral, le Hamas suit dans la confusion

Écrit par Antoine Latour, La Grande Époque - Montréal
19.01.2009

  • Un réserviste de l'armée israélienne fait le signe de victoire(Staff: David Silverman / 2008 Getty Images)

Oubliez les traditionnels cessez-le-feu négociés entre les différentes parties belligérantes. Israël, le 17 janvier, a déclaré un cessez-le-feu unilatéral, jugeant que ses objectifs dans sa guerre contre le Hamas avaient été atteints, et plus encore. Il s'agissait donc davantage d'une déclaration de victoire, essayant peut-être de renforcer l'idée que le groupe radical palestinien n'a vraiment plus les moyens de faire quoi que ce soit, surtout pas de négocier selon ses termes. La réponse du Hamas? Ayant tout d'abord appelé à la «résistance» tant que les forces israéliennes seraient dans la bande de Gaza, il s'est ravisé quelques heures plus tard en déclarant lui aussi un cessez-le-feu, donnant une semaine à Israël pour retirer ses effectifs.

Ce geste est venu renforcer l'idée que le Hamas a été sévèrement affecté par l'offensive israélienne et qu'il y a possiblement des tensions au niveau de son leadership, une partie étant exilée à l'étranger et n'étant donc pas directement affectée par la dévastation causée par la puissance militaire d'Israël. La commentatrice, Frida Ghitis, expliquait sur le site World Politics Review : «Si le leadership du Hamas à Damas [Syrie] semble prêt à verser jusqu'à la dernière goûte le sang palestinien à Gaza, ceux qui habitent Gaza semblent un peu moins enclins à vouloir finir en martyrs.» Elle appuie son point en faisant remarquer que pendant que le chef du Hamas, Khaled Meshal, appelait à combattre sans relâche, le dirigeant du Hamas à Gaza, Ismail Haniyeh, participait activement à des discussions de cessez-le-feu organisées par l'Égypte.

On pourrait répliquer que la combinaison diplomatie-action militaire est un outil dont l'utilisation est répandue et qui a pour fonction de se placer en position de force, peu importe l'issue.

Là où Mme Ghitis ne se trompe pas, c'est en faisant remarquer que les combattants du Hamas ont démontré qu'ils n'avaient pas la trempe de ceux du Hezbollah libanais. Ils n'ont tout simplement pas su opposer de résistance effective à Tsahal, contrairement à l'épisode impliquant la milice chiite à l'été 2006. À ce titre, le Hamas – qui semblait tout-puissant lorsqu'il avait évincé le Fatah de la bande de Gaza en juin 2007 – aura cette fois-ci déçu ses commanditaires iranien et syrien. On pourrait cependant arguer que les efforts du Hamas ont été freinés par la destruction massive.

Quant à la déclaration de victoire d'Israël, cela aura peut-être pour effet de soigner les plaies psychologiques qu'avait causées le Hezbollah en s'imposant farouchement en 2006.

Quelle serait donc cette victoire d'Israël? Celle d'avoir infligé un maximum de dommages au Hamas en ciblant ses tunnels de ravitaillement, ses stocks de roquettes et d'armes légères, ses dirigeants, ses forces de sécurité et de nombreuses infrastructures. Selon les Forces de défense israéliennes (via Reuters), 2500 sites ont été visés par des bombardements. L'imposition de l'autorité sur le territoire de la bande de Gaza est devenue beaucoup plus ardue dans ce contexte.

Peut-être bien une victoire illusoire, alors que le nombre de victimes civiles chez les Palestiniens a écarté le soutien qu'aurait pu engendrer l'offensive. Israël en ressort donc plus entaché sur la scène internationale et il a mis fin à son opération quelques jours avant le changement d'administration aux États-Unis. Cette dernière aurait peut-être été moins silencieuse que l'actuelle, et comme on entend régulièrement : Israël n'écoute que Washington.

Si les condamnations ont fusé de toutes parts, certains pays ont pris au sérieux les préoccupations d'Israël concernant la contrebande d'armes dans la bande de Gaza. À ce titre, les Israéliens ont marqué un point qui rendra certainement plus difficile l'approvisionnement des différents groupes militants, ou terroristes (c'est selon). On a rapporté que le premier ministre britannique, Gordon Brown, mentionne que l'Allemagne, la France et son pays seraient prêts à envoyer des navires dans la région pour lutter contre la contrebande.

Quant aux États-Unis, ils ont signé une entente avec Israël focalisant sur le partage de renseignements afin, entre autres, que les «parties travaillent en coopération avec les voisins et en parallèle avec d'autres dans la communauté internationale pour empêcher l'approvisionnement en armes et de matériel connexe aux organisations terroristes qui menacent n'importe laquelle des parties...».

Malgré les trois semaines d'offensive, on se demande si Israël s'est rapproché de son objectif de sécurité. Puis, on réfléchit au futur du Hamas et aux options qu'il a sur la table.

À peu près tout ce qui lui reste comme levier, c'est la rage des victimes et des sympathisants et les nombreuses bévues de l'armée israélienne.

À qui la faute?

En rétrospective, on peut se demander qui a mis le feu aux poudres dans ce dernier épisode. Chacun son camp, chacun sa version des faits. Le 19 juin 2008, une entente d'accalmie avait été conclue entre Israël et le Hamas.

Pendant cinq mois, l'accalmie avait été, semble-t-il, généralement respectée par le Hamas : le nombre de tirs de roquettes sur Israël avait grandement diminué. Selon l'ONG israélienne Intelligence and Terrorism Information Center, «l'accalmie a été violée sporadiquement [...] par des organisations terroristes rebelles, dans certains cas contre la volonté du Hamas. Le Hamas a fait attention de respecter le cessez-le-feu». L'ONG indique qu'entre le 19 juin et le 4 novembre 2008, vingt roquettes ont été tirées vers Israël, ce qui est extrêmement peu considérant les six mois précédant l'accord : 2278 roquettes avaient été tirées.

Le 4 novembre 2008, jour des élections présidentielles américaines, Israël a lancé une opération militaire près de la clôture de sécurité du côté de Gaza pour cibler des tunnels utilisés par le Hamas. Toujours selon le Intelligence and Terrorism Information Center, sept militants du Hamas qui préparaient une opération de kidnapping ont été tués.

Cette opération a conduit le Hamas à engager un bras de fer avec Israël et à orchestrer des représailles par des tirs de roquettes et de mortiers sur les localités israéliennes voisines de Gaza. Les attaques répétées du Hamas ont poussé (ou donné l'excuse parfaite à) Israël à riposter. On connaît la suite.

Selon les sources médicales du Hamas, plus de 1200 Palestiniens auraient péri en trois semaines, dont plus de 410 enfants. Un peu moins de la moitié des pertes serait dans les rangs du Hamas, selon le Centre palestinien pour les droits de l'homme (via Reuters).

Cet article a été actualisé le 18 janvier dans l’après-midi. La situation au Proche-Orient risque d'avoir déjà changé au moment de la distribution du journal le 20 janvier. Merci de votre compréhension.