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Nicaragua : bons comptes entre amis

Écrit par Aurelien Girard, La Grande Époque - Paris
26.01.2009
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  • Arnoldo Aleman fin 2007. (Stringer: MIGUEL ALVAREZ / 2007 AFP)

Le vendredi 16 janvier, la Cour Suprême du Nicaragua a invalidé la condamnation à 20 ans de prison pour corruption de l’ancien président Arnoldo Aleman, qui a été reconnu coupable en 2003 d’avoir détourné des millions de dollars de fonds publics pendant son mandat, de 1997 à 2002. Un évident coup de balai judiciaire commandité par le président Daniel Ortega pour débloquer le Parlement nicaraguayen, paralysé depuis le mois de novembre par les partisans d’Aleman.

Arnoldo Aleman a réalisé l’exploit de se voir classé parmi les dix personnalités politiques les plus corrompues de tous les temps par l’association Transparency International. Ce « titre de gloire » acquis durant ses années de présidence efface les efforts majeurs d’amélioration des infrastructures nicaraguayennes et la croissance économique qui ont marqué son mandat.

Dans cet âge d’or déjà le dirigeant de l’Alliance Libérale – une union sacrée des libéraux incluant son propre parti, le Parti Constitutionnel Libéral (PLC) – et son « opposant » sandiniste Daniel Ortega trouvaient des façons de s’entendre : Aleman achetait la paix parlementaire – ou respectait l’équilibre des forces donné par le résultat des urnes, selon le point de vue – en nommant des sandinistes à des fonctions honorifiques diverses. En 2002 encore, lorsque le successeur d’Aleman au pouvoir, Enrique Bolanos – son ancien vice-président – avait pris la tête d’une véritable opération « mains propres » et mettait en cause plusieurs ministres de son propre parti,  les partisans d’Ortega et d’Aleman se liguaient pour faire face, étrange union de libéraux et de socialistes.

Puis, en 2007, le Gouvernement de Daniel Ortega a fait voter une nouvelle loi – d’application rétroactive – qui limitait à 5 ans au lieu de 20 la condamnation maximale pour corruption. Cette loi a signé de facto la « libération » d’Arnoldo Aleman ; « libération » entre guillemets puisque depuis sa luxueuse villa où il était en résidence surveillée mais totalement libre de ses mouvements, Aleman restait le leader de l’opposition nicaraguayenne libérale. Mais la nouvelle loi ne blanchissait pas l’ancien président, virginité indispensable à une éventuelle nouvelle candidature présidentielle.

C’est cette absolution qu’Arnoldo Aleman vient d’obtenir. Il a pu pour cela s’appuyer avec confiance sur le blocage parlementaire provoqué depuis début novembre par le résultat controversé des élections municipales nicaraguayennes du 9 novembre : Le budget 2009 n’a même pas encore pu être voté, le nombre de députés présents étant insuffisant pour convoquer une session législative.

Dans la ville de Jinotega par exemple, l’ex-sandiniste Jaime Salguera accuse le Conseil Électoral d’avoir « fait disparaître des votes, donnant la victoire au candidat d’Ortega ». Cité par le journal La Prensa, Salguera indique que le candidat du Parti Constitutionnel Libéral (PLC) menait par 2.000 voix d’avance alors que 98 % des bulletins avaient été comptés. La fraude a inversé le résultat final, donnant la mairie au sandiniste. Le Conseil Électoral « a méprisé la volonté populaire, comme dans une dictature totale », tempête l’ancien allié de Daniel Ortega.

La lutte contre les fraudes

Les fraudes sont multiples, documentées et outrageusement visibles. Pour rajouter du piment à la situation, les sandinistes auraient menacé de mort des députés du PLC, à l’exemple de Wilfredo Navarro et Guillermo Osorno, cités par le site abc.es le 5 décembre dernier.

Mais, malgré la situation toujours tendue autour des élections municipales, le blanchiment d’Aleman malgré les 58 millions de dollars disparus des caisses de l’État a immédiatement provoqué un retour au travail des parlementaires du PLC.

« Après sept années de justice attendue, d’humiliations, de violations des droits humains aux mains du FSLN (le parti sandiniste), justice a finalement été faite », écrit un Aleman en auto-béatification à la presse centraméricaine.

Réélu de façon inattendue en 2006 avec 38 % des suffrages grâce à une modification de la loi électorale abaissant le pourcentage à atteindre pour être élu au premier tour de l’élection présidentielle, Daniel Ortega se trouve donc aujourd’hui en posture difficile : hausse du chômage et de l’inflation, détérioration des relations avec l’Europe et les États-Unis du fait du rapprochement du Nicaragua avec la Russie et l’Iran, rupture des relations diplomatiques avec la Géorgie comme conséquence de la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhasie et de l’Ossétie du Sud… et retour aux affaires de son principal adversaire.

Après les élections municipales de novembre à travers lesquels Ortega a tenté de reprendre la main sur un Nicaragua où sa popularité est en berne, États-Unis et Europe ont suspendu leur aide au pays, soit une perte respectivement de 64 millions de dollars et 40 millions d’euros. La Hollande a fait de même en supprimant son aide de 12 millions d’euros.

Enrique Saenz, député ex-sandiniste, ricane de l’effet boomerang des élections de novembre. « Maintenant ils sont encore plus mal qu’avant », confie-t-il au journal costaricain Nica Times. « Aussi peu de légitimité qu’ils aient eu avant les élections, elle a maintenant coulé. »

 

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