Guerre à Gaza: l’heure est au bilan

Écrit par Stéphanie Krug, Collaboration spéciale
26.01.2009

  • De jeunes élèves palestiniens sous la tente dans la cour de leur école islamique (Stringer: SAID KHATIB / 2009 AFP)

L’opération Plomb durci visant à affaiblir le Hamas s’est soldée, au terme de 22 jours de bombardements et de combats (du 27 décembre au 17 janvier), par 1330 morts palestiniens, dont 437 enfants âgés de moins de seize ans et 5450 blessés, selon le dernier bilan des services médicaux du Hamas.

Parmi les blessés, on compterait 1890 enfants, 110 femmes et 123 personnes âgées. Quatorze médecins et quatre journalistes auraient péri dans le conflit, a indiqué le chef des services d'urgence à Gaza, Mouawiya Hassanein. Du côté israélien, le bilan est beaucoup moins lourd : selon les chiffres officiels, dix militaires et trois civils auraient trouvé la mort durant l’opération militaire.

Le dernier soldat israélien s’est retiré de la bande de Gaza la semaine dernière, laissant derrière lui des villes dévastées par les bombardements, une population en colère, des quartiers déserts que les Gazaouis ont quittés parce qu’ils ne sont plus habitables, des hommes et des femmes plongés dans la misère et la douleur qui s’insurgent dans les rues contre un sort aussi funeste.

La déclaration d’un cessez-le-feu unilatéral le 17 janvier, désignant le refus de l’État hébreu de négocier avec le Hamas dans le cadre des tractations égyptiennes, n’assure pas pour autant l’instauration de la paix dans la bande de Gaza, car le Hamas, bien qu’ayant déclaré son propre cessez-le-feu, exige toujours la levée du blocus imposé sur le territoire avant d’accepter l’établissement d’une éventuelle trêve formelle.

Autrement dit, il se réserve toujours le droit de recourir à de nouveaux tirs de roquettes. Au dire de Gideon Lévy, journaliste israélien, dans un article publié dans le quotidien Haaretz le 23 janvier 2009, «les représentants du ministère de la Défense estiment que le Hamas détient toujours un millier de roquettes».

À Gaza, le porte-parole du Hamas, Fawzi Barhoum, a affirmé à l'AFP que ce retrait «ne suffit pas et ne résout pas la crise. Nous exigeons la levée totale du blocus et la réouverture de tous les points de passage pour que notre peuple puisse vivre en paix et en sécurité». «Nous avons, dès le début, dit clairement que la fin de l'agression, la levée du blocus et la réouverture des passages doivent précéder toute discussion sur les autres sujets, y compris une trêve», a-t-il ajouté.

L’opération militaire d’Israël laissera de profondes séquelles chez la population gazaouie dont le sentiment national profondément blessé risque de réveiller les extrémismes les plus radicaux. L’image d’Israël est affectée sur le plan international et on peut se demander si sa victoire militaire ne va pas entraîner un durcissement du Hamas qui contrôle toujours cette étroite bande de terre et qui est parvenu à marginaliser l'Autorité palestinienne, considérablement affaiblie et délégitimée au sein de la population.

D’après Bertrand Badie, professeur à l’Institut politique de Paris, dans une interview accordée au Monde le 22 janvier 2009, «force est d'admettre que le Hamas est sorti plutôt consolidé de cette guerre. Il n'a pas été éliminé, il n'a pas été désarmé; il est aujourd'hui plus courtisé, y compris par Mahmoud Abbas, qu'il ne l'était autrefois; chacun sait qu'il était au centre même de ce conflit et qu'il devra donc être un partenaire du jeu post-conflit».

Une vision qui peut être contredite par les tensions perçues au sein du leadership de l’organisation et par son incapacité d’opposer une résistance effective à Tsahal.

Selon Gideon Lévy, dont le titre explicite de son article laisse présager la suite (La guerre de Gaza s’est soldée par un échec cuisant pour Israël), les objectifs de l’opération Plomb durci n’ont pas été atteints. En premier lieu parce que les destructions et le bilan des pertes humaines ont profondément dégradé l’image d’Israël dans le monde : «Les actions d’Israël ont porté un coup sérieux à l’appui de l’opinion publique à l’État d’Israël. Bien que cela ne se traduise pas toujours dans la situation diplomatique immédiate, l’onde de choc va nous arriver un jour. Le monde entier a vu les images. Elles ont choqué tous les êtres humains qui les ont regardées, même si elles ont laissé froids la plupart des Israéliens. Ce qu’ils en concluent, c’est qu’Israël est un pays violent et dangereux, dépourvu de toute modération et faisant fi ouvertement des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, tout en ne respectant aucunement le droit international. Des enquêtes sont en cours.»

En second lieu, la prévention de la contrebande d’armes qui circule via les tunnels qui relient l’Égypte et la bande de Gaza, même si la plupart de ces canaux de ravitaillement ont été bombardés, n’aura pas, selon lui, les effets escomptés car «le chef du service de sécurité du Shin Bet [service de sécurité israélien] a estimé que la contrebande reprendra dans les deux mois», en dépit des efforts de la communauté internationale résolue à empêcher l’approvisionnement clandestin d’armes dans la région par une surveillance accrue.

À la perplexité qui entoure cette victoire militaire vient s’ajouter la possibilité que des chefs d’unités engagés dans l’offensive soient accusés de «crimes de guerre», après des témoignages d’«atrocités» perpétrées sur des civils. À ce sujet, une source militaire a révélé que le gouvernement israélien refusait la publication de l’identité de ces militaires impliqués, de peur qu’ils soient appelés à comparaître devant le tribunal international. L’ONU mène son enquête et s’apprête à désigner une personnalité pour mener à bien une «mission d’établissement des faits» visant à dénoncer les violations des droits de l’homme commises à Gaza.

{mospagebreak}Dans ces conditions peu prometteuses, ouvrant la voie au renforcement des extrémismes, il faut espérer que l’arrivée de Barack Obama et la nomination de George Mitchell, comme émissaire américain pour le Proche-Orient, auront des retombées positives et relanceront le processus de paix, en cherchant à régler le conflit de la manière la plus équitable possible.

Au cours de sa conversation téléphonique avec Mahmoud Abbas la semaine dernière, Obama a exprimé son soutien à l’égard de la population palestinienne et a voulu désigner au chef de l’Autorité palestinienne qu’il n’entendait pas faire comme son prédécesseur, George W. Bush, à savoir négliger le dossier israélo-palestinien pour ne se préoccuper que de l’Irak ou de l’Afghanistan. Il souhaite remettre au centre des préoccupations politiques américaines les questions relatives au conflit israélo-arabe : «Je déploierai tous les efforts pour parvenir le plus rapidement possible à l’instauration d’une paix durable dans la région», aurait déclaré Obama à Abbas lors de leur conversation téléphonique.