La haute couture: de l’art ou du luxe?

Écrit par Many Ngom, La Grande Époque - Montréal
27.01.2009

 

Aujourd’hui, quand on parle de haute couture, on pense à des mots comme célébrités, mannequins, argent ou encore luxe. Mais ces qualificatifs ne reflètent pas ce métier prestigieux que beaucoup méconnaissent.

Qu’est-ce que la haute couture? Est-ce un art? Est-ce un don? C’est avant tout une appellation juridiquement protégée par la Chambre Syndicale de la Haute Couture.

Cette chambre syndicale a vu le jour à Paris en 1868. C'est une commission qui détermine les standards pour qu’une maison de confection obtienne le titre de maison de haute couture. La chambre s’attaque également au plagiat des styles et coordonne les calendriers des collections présentées chaque saison.

Elle a été créée par le fondateur des défilés de mode, M. Charles Frédéric Worth. Ce couturier d’origine britannique s’installe dans la ville lumière en 1850. Worth y ouvre un salon de couture et y présente ses vêtements pour la première fois sur des mannequins en chair et en os. La haute couture n’est alors réservée qu’à l’élite de la haute bourgeoisie de l’Europe et des États-Unis. Mais, en 1947, un couturier nommé Dior décide de vendre ses collections sous de multiples licences : le prêt-à-porter est né au détriment de la haute couture.

Alors en quoi la haute couture se distingue-t-elle du prêt-à-porter? C’est une couture unique, minutieuse et extraordinaire par ses coupes, son tissu et par les mains qui y travaillent. Elle est sur mesure, donc elle cache toutes les imperfections de la femme tout en l’habillant élégamment, ça c’est un art! C’est aussi un savoir-faire lié à un artisanat vieux de plus de 150 ans.

En effet, la chambre syndicale ne reconnaît une maison de confection comme maison de haute couture que si celle-ci emploie un minimum de sept corps de métiers qui travaillent sur la collection. On pourrait penser à un plumassier, une brodeuse, un maquilleur, une coiffeuse ou à un chapelier, sans compter le créateur et les couturières. Autre exigence pour avoir sa maison de haute couture : présenter une collection d’au moins 50 créations inédites qui peuvent se porter le jour ou le soir.

Mais c’est le thème que donne le designer à sa collection ainsi que sa créativité qui feront ressortir le talent des sept corps de métiers d’art. De nos jours, les habitués de la haute couture s’inspirent souvent de l’art d’un peuple ou de rêves enfouis pour émerveiller une clientèle toujours avide de renouveau et d’excentricité.

Thierry Mugler évoque souvent le thème de la nuit et de la lumière, ce qui lui permet d’exploiter le jeu d’ombre et de lumière dans ses collections. Jean-Paul Gaultier, quant à lui, adore les voyages : il va se ressourcer en Afrique, en Russie ou en Inde, mais revient toujours à sa chère France avec son thème fétiche qui est le look marin : rayures marines sur fond blanc et les chapeaux de matelots. Paco Rabanne fasciné par le monde extra-terrestre, ses collections ont souvent des looks futuristes et il n’hésite pas à travailler le métal ou des matières plastiques. Christian Lacroix adore les vêtements d’époque qu’il interprète de façon ostensible et qui sont un festival de couleurs pour les yeux.

Tous ces habitués de la haute couture travaillent de collection en collection avec des artisans et partagent tous les mêmes objectifs de surpassement. Chaque collection peut nécessiter jusqu’à 1000 heures de travail. Et, de là, se crée une notion de luxe dont les extravagances et les lubies font la loi dans les grands défilés.

Cette notion de luxe se rapproche parfois de celle de la dégénérescence. Le goût pour le raffinement est souvent extrapolé par le désir d’en mettre toujours plus. Aussi, la haute couture se distance de la réalité des milieux où elle vend le plus. Même si la haute couture est mise en relation avec la couche sociale la plus élevée, il n’en demeure pas moins qu’elle est considérée aujourd’hui comme dépassée et inaccessible par la société en général.

Alors, les grands couturiers se rabattent sur la création d’accessoires et de cosmétiques, ce sont des produits plus accessibles à toutes les couches de la société, créant ainsi une sympathie pour cet art qu’on dit en déclin.

Néanmoins, ce métier reste jusqu’à ce jour noble car, malgré la trop fréquente surcharge d’excentricité, il réussit encore à créer le vrai, le beau et le raffiné. La haute couture rend hommage à des métiers d’art qui n’existeraient pas sans elle. Même si on sait que la haute couture ne vend plus autant, elle reste cependant une forme d’art unique. Cela doit nous amener à apprécier la valeur, le travail, l’originalité, le talent et surtout la beauté de cette culture qui donne à la mode l’attention particulière qu’on lui voue aujourd’hui.