Un plaisir qui se partage

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
30.01.2009
  • Une des scènes du Mariage de Figaro présenté par le TNM(攝影: / 大紀元)

LE MARIAGE DE FIGARO   

De Beaumarchais

Mise en scène : Normand Chouinard

Avec : Emmanuel Bilodeau, Voilette Chauveau, Normand D’Amour, Bénédicte Décary, Eric Paulhus, Gilles Renaud et Louise Turcot

Conception musicale d’après Mozart : Yves Morin

Théâtre du Nouveau Monde

Du 13 janvier au 7 février à 20 h

Supplémentaires : 11 et 12 février

Tournée à travers le Québec fin février (Voir les dates sur le site du TNM)

Réservations : 514 866-8668

[www.tnm.qc.ca]

L’action du Mariage de Figaro se situe trois ans après celle du Barbier de Séville. Le comte Almaviva (Normand D’Amour) est marié à Rosine, la comtesse (Violette Chauveau), et nous aurons l’occasion de voir les actions commentées par Bazile (Roger La Rue). Cet enchevêtrement sert le propos de la pièce avec inventivité pour amener Figaro (Emmanuel Bilodeau) à marier à son tour la douce Suzanne (Bénédicte Décary). Une réussite de la part de Normand Chouinard qui conserve le sens du texte et son époque, tout en y apposant un regard moderne.   

Petit rappel. Le mariage de Figaro fut joué en 1748 après plusieurs années de censure. Trop libertin, si l’on en juge le sujet à l’époque. La pièce s’ouvre sur les préparatifs du mariage de Figaro, serviteur du comte Almaviva, avec sa ravissante compagne Suzanne. Tout serait parfait et il n’y aurait pas d’intrigue si Almaviva s’était contenté de sa propre femme, plutôt que de chercher à se farcir celle de Figaro en exerçant son droit de cuissage. Mais encore, Almaviva est d’une excessive jalousie et persécute sa femme en cherchant tout un chacun dans sa chambre.

La mise en scène pourrait facilement tomber dans le piège de la contemplation et du lyrisme bon marché que l’on attribue trop souvent aux pièces de répertoire. Au contraire, le jeu des comédiens est juste et d’une théâtralité renversante. Nous pensons ici aux revirements de situation entre mari et femme lorsque le comte, en proie à une jalousie destructrice, cherche Chérubin (Eric Paulhus) sur le balcon de la chambre de sa femme. La comtesse, en larmes, lui avoue tout, puis se ravise une fois Chérubin disparu. Le spectateur a tout lieu de s’intéresser avec le comte au jeu de la femme. En toute complicité avec cette dernière, il est au fait du jeu entre Chérubin et celle-ci et soulagé de constater sa réussite inattendue. Toute la profondeur d’une dispute bien sentie y est tout autant que le loisir de voir les situations comiques prendre le dessus sur la possible tristesse.

C’est un devoir de souligner le travail exemplaire des chœurs (Catherine B. Lavoie, Ève Gadouas, Antoine Gervais) et du compositeur Yves Morin, au piano sur scène, incarnant… le compositeur. Les personnages participent aux chants dans les moments phares. Ceux-là créent une distance avec l’intrigue et permettent au spectateur de prendre du recul sur la situation et un plaisir assuré à entendre les voix du chœur. Le même traitement est réservé à la gestuelle. Prenons l’exemple d’un entretien serré entre le comte et Figaro. Ces derniers partagent, en aparté, leurs astuces au public afin de déjouer l’autre personnage, puis reviennent dans un geste sec suivi d’un son sifflant pour reprendre la discussion.

C’est grâce à de tels choix de mise en scène que la pièce prend toute son importance et sa couleur. Nous en aurions pris davantage. C’est peut-être la seule petite déception de ce spectacle, le fait d’entrevoir le potentiel des choix de mise en scène sans que ceux-ci se rattachent à la base de la représentation. Le jeu s’en verrait resserré dès le départ, et le spectateur aurait le plaisir de découvrir toutes les ficelles d’une telle production.

Cette représentation est tout de même étonnante. C’est un spectacle qui en vaut la peine. Tous les clins d’œil au spectateur que nous donne à voir la mise en scène et la qualité de ses interprètes y est pour beaucoup. Heureux seront ceux qui mettront la main sur les derniers billets des 11 et 12 février, en supplémentaires.