Misère et bonheur au cinéma

Écrit par Alain PENSO
31.01.2009

  • Guillaume Canet, Audrey Tautou et Claude Berri.(攝影: / 大紀元)

Un Truffaut américain

Le cinéma n’arrête pas de perdre ses richesses : récemment Robert Mulligan a quitté le navire. Il était le réalisateur d’Un été 42 et de L’autre, l’histoire fantastique de jumeaux à la sensibilité à fleur de peau. Cet artiste était un « Truffaut américain ». Ces œuvres étaient simples et fluides comme les livres de Maupassant. Il avait jeté sur le cinéma américain un regard humaniste et féerique. Son cinéma avait un goût de bonheur dénué de banalité.

De la science-fiction à la philosophie

Michaël Crichton, écrivain, scénariste et réalisateur de films de science-fiction, a disparu en novembre, comme s’il n’avait pas existé. Presque personne n’en avait parlé à sa mort. En 1973, il tourne Le mystère Andromède, puis enchaîne avec un remarquable film à la fois fantastique et de science-fiction Mondwest, des aventures vécues à la carte, au moyen âge, au western, ou dans l’antiquité. Looker (1982) critiquera les opérations chirurgicales pratiquées sur les mannequins afin de rendre les publicités plus efficaces. Michaël Crichton avait travaillé sur l’adaptation de son roman Jurassic Park que réalisera Steven Spielberg.

Coup de chapeau à Claude Berri

Le cinéma français a pris aussi son coup de froid avec la disparition d’un grand monsieur de l’industrie cinématographique, Claude Berri, à la fois artiste et décisionnaire. Ceci est rare dans la profession, car les réalisateurs, à part Bertrand Tavernier, n’ont ni la force ni le temps de s’occuper de la gestion et de la distribution de leurs films. C’est un métier à part entière. Berri avait compris qu’il lui fallait l’accomplir, sinon il ne ferait pas de films du tout. Son vieux père lui disait : « Il faut distribuer les cartes mon fils, sinon aucune chance d’y arriver ». Berri a fait siennes ces paroles et les a portées très loin, puisqu’il a été l’homme le plus puissant du cinéma français associé à Pathé et AMLF.  Dans le milieu il était appelé le Parrain. Ses films les plus importants restent les premiers : Le vieil homme et l’enfant (1967) où il filme sa vie d’enfant caché avec le formidable Michel Simon et Le cinéma de papa (1970) où il raconte son évolution dans sa famille et ses débuts de comédien. Suivront des films plus ou moins autobiographiques comme Mazel Tov.

Claude  Berri né Langmann, le 1er juillet 1934, était un homme de cinéma complet. Il avait été d’abord comédien. Son premier rêve, inspiré par son père, fourreur, qui disait avec l’humour qui le caractérisait qu’ « il allait mettre Louis de Funès au chômage ». Plus tard, il lui a rendu hommage dans son beau film Le cinéma de papa (1970). Sa mère et son père resteront le point fort de son existence. Il suivra aveuglément les conseils de son père pour obtenir son indépendance dans un métier où il est bon de contrôler les mécanismes compliqués de production et de création : « Tu dois donner les cartes », aimait à lui répéter son père. En échos, Claude Berri crée la production Renn et s’associe avec AMLF et Pathé. Là il réussit non seulement à réaliser les films de son choix mais aussi à produire les réalisateurs qu’il admire dont par exemple le Tchèque Milos Forman dont il avait acheté et distribué Au feu les pompiers qui l’a révélé au public français.

Il ne s’est jamais remis de la maladie puis de la mort de sa femme, Anne-Marie Rassam qui s’est suicidée en 1995, puis de la souffrance de son fils tétraplégique mort en 2002. Ce 12 janvier il meurt d’un infarctus cérébral à l’hôpital Pitié-Salpêtrière.

Les juifs combattant les nazis

Les insurgés d’Edward Zwick avec Daniel Craig, conte l’histoire de trois frères juifs qui pour échapper à l’invasion de leur village par les nazis, en Biélorussie en 1941 se cachent dans une forêt. Tuvia, Asaël et Zus Bielski sont rejoints par d’autres hommes et femmes pour échapper aux massacres ordonnés par Hitler. Les frères aînés n’ont pas la même conception de la lutte. L’un est pour mener une lutte sans pitié contre les Allemands aidant des juifs à s’évader des ghettos. L’autre se refuse à toute violence. Le film décrit avec finesse la résistance juive ignorée de tous. Limportance du film réside également dans le fait qu’il montre la résistance juive à l’Est  car certaines légendes ont fait courir le bruit que les juifs se sont fait tuer comme des agneaux. Le film décrit des charniers puis l’insolence et l’incompétence des partisans russes nourris d’antisémitisme viscéral. Ils rejettent toute fraternité avec leurs « frères juifs » menacés d’extermination par l’armée qui s’avance. Ce film permet de prendre conscience de la shoah par balle. C’est une autre façon radicale de tuer des juifs. Le dégoût des soldats était tel qu’à la fin de l’année 1941, les chambres à gaz ont pris le relais des camions à gaz. Il n’y a aucun rapport entre la mort et les soldats du Reich, trop précieux désormais sur le front russe. Des convois se chargeaient d’acheminer les juifs vers les camps de Pologne où des recherches avaient été entreprises pour exterminer plus et plus vite.

Il faut bien avouer que le film est touchant et bien réalisé par Edward Zwick, le réalisateur de Blood Diamond.

Retour du cinéma turc

Sur un autre ton, le cinéma turc est à l’honneur, après Uzak un film sur le vide de l’existence. Un photographe accueille chez lui à Istanbul, en plein hiver, un parent qui a quitté son village pour réaliser son rêve de devenir marin. Nuri Bilge Ceylan explore l’intériorité d’un être frustré qui, pour de l’argent, s’est dénoncé à la place de son patron, pour un crime qu’il n’a pas commis. Sa femme a une liaison avec son patron, ignoré jusque-là de leur fils. Les conventions négatives du mariage entrent en jeu : jalousie, explications, violences. Le réalisateur décrit une société qui ne peut sortir des conventions. En Turquie, une femme reste encore l’objet de l’époux. La mort est sur le point d’apparaître lorsqu’une société est repliée sur elle-même. Les différences de classes ne peuvent disparaître à cause des rites religieux, ni même des boucs émissaires, qui sont souvent des femmes.

La pauvreté gronde sans remède.

Le cinéma turc semble chercher sa marque plus dans l’esthétique que dans la complexité et la rigueur du scénario. D’un film à l’autre, il ne semble pas sortir de la tragédie sociale ancrée dans les familles décomposées.

Qui veut des millions ?

Slumdog millionnaire est un film anglais de Danny Boyle, dans la tradition des films de Bollywood qui parviennent à faire cohabiter en priorité le bonheur et la positivité dans des histoires tragiques construites d’amour, de crime et de gloire.

La vraie question posée à Jamal Malik sur le plateau de télé Who Wants to Be a Millionaire ? – version indienne de la célèbre émission présentée en France par Michel Foucault Qui veut gagner des millions – après un acharnement à s’accrocher à la vie après un voyage de vingt ans dans la profondeur et le désarroi de la société indienne qui se débat pour sortir d’une misère chronique au moyen de ses ressources humaines, stoppée par la foule religieuse redoutable qui oublie qu’en premier lieu c’est en respectant l’homme qu’on peut respecter Dieu qui est le porteur de nos espérances.

Jamal accusé de tricherie par jalousie et racisme est arrêté, interrogé au commissariat violemment par usage de l’électricité. Mais Jamal, très sincère, ne dit que la vérité. Il essaie d’atteindre la gloire pour cette jeune femme qu’il aime et que la télé va peut être lui faire retrouver. Un conte de fée social où il est bon d’ouvrir les yeux pour admirer ce gamin qui a grandi dans les taudis de Bombay. Sa mère est morte lors d’une attaque par un groupe d’hindouistes armé de bâtons. Ils incendient sa maison et tuent sa famille. Le commissaire pose les questions à Jamal sur sa vie et comment il a pu répondre jusque-là sans tricher aux questions du présentateur. 

Ce film est adapté par Simon Beaufroy, du roman à succès de Vikas Swarup, Les fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire. Le rôle de Jamal est interprété par le Britannique Dev Patel.

Neige et solidarité

Frozen River fait partie de ces films américains qui ont réussi à parler de l’humanité naturellement sans en rajouter. C’est un film court d’1h37 de Courtney Hunt. Dans une vallée gelée du Saint-Laurent, au nord de l’État de New York, deux femmes se rencontrent et se soutiennent dans leur désarroi devant leur vie médiocre. Délaissées des hommes, elles s’associent pour se livrer au trafic d’émigrés en dépit de leur morale.

Le vrai sujet est une chronique de la vie de deux femmes qui se battent pour exister et tenter d’élever leur enfant. Une photographie unique permet de voyager sur la neige d’un blanc inquiétant où la réverbération du soleil écrit « solitude abandonne nous ».