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Où va la Chine?

Écrit par Paul Deschamps, Collaboration spéciale
07.01.2009
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  • Des parents en deuil après la mort de leurs enfants tués dans séisme du 12 mai 2008 au Sichuan, en Chine. (Staff: Paula Bronstein / 2008 Getty Images)

Une année 2008 qui devait être sucrée a été plutôt amère et voici que l'année 2009 s'annonce assez salée…

2008 : Les catastrophes humaines et naturelles éclipsent la gloire des Jeux

Vous le savez tous, 2008 représentait cette opportunité pour la Chine de briller dans le monde. C'était l'occasion pour le régime de montrer son savoir-faire et d'asseoir sa légitimité, reconnue par les gouvernements étrangers, en mettant en scène les Jeux olympiques. L'immense coup de relations publiques aura apporté certains dividendes, réussissant à convaincre les moins aguerris que la Chine est un pays normal, gouverné par un régime acceptable. Le soi-disant impeccable déroulement des Jeux aura même poussé des commentateurs étrangers à trouver à la dictature des penchants confortables. Les télévisions étrangères, dans ce pacte avec le régime, se sont efforcées de véhiculer ce «tout va bien dans le meilleur des mondes», pour satisfaire les sensibilités politiques et les richissimes annonceurs.

Mais avant d'en arriver au moment fatidique du 8 août 2008 à 8 h 08, l'univers chinois a été chamboulé par une série de catastrophes.

Tout d'abord, pour inaugurer le Nouvel An chinois et l'année du Rat, des tempêtes hivernales ont produit un chaos considérable dans plusieurs provinces de la Chine. Résultat : des milliards de dollars en dommages et des millions de Chinois qui n'ont pu effectuer les voyages habituels pour rejoindre leurs familles; un grand nombre de trains, d’autobus et d’avions ayant été annulés.

En mars, le Tibet attire à nouveau l'attention du monde entier alors qu'une répression déferle en force sur la région. La vérité se déforme et peu à peu ne se trouve plus : les médias occidentaux adoptent en groupe la ligne que des «émeutes antichinoises» ont provoqué la foudre des autorités. Le contexte de l'éruption de violence du côté tibétain est souvent laissé de côté, soit que des manifestations pacifiques de moines ont été réprimées quelques jours auparavant. Ici et là, on tente de présenter le conflit comme une question «ethnique» avant tout. Les Tibétains qui s'en prennent aux intérêts chinois sont quasiment accusés de «racistes».

Le blocus médiatique sur la région aura réussi à faire disparaître la crise, car sans la transmission à l'étranger d'images de moines se faisant piétiner, le régime communiste s'épargne un peu de cette pression qu'il sait déjà ignorer. En somme, on restera dans le flou par rapport à la suite de cette histoire. Par des canaux alternatifs, on a suggéré que les «émeutes antichinoises» étaient en fait un coup monté des autorités et ces dernières auraient fourni les éléments pour les déclencher et les alimenter. Une hypothèse très plausible si l'on considère que les services de police occidentaux utilisent des agents provocateurs. Un régime non démocratique qui s'exécute sans avoir à rendre de comptes à personne peut s'adonner allègrement à n'importe quel genre de stratagème pour arriver à ses fins.

Ces évènements ont entaché l'année olympique chinoise et ont continué à hanter le régime alors que la Flamme olympique voyageait de pays en pays. Pékin voulait exhiber sa puissance en foulant un nombre record d'endroits, mais c’est dans la controverse que le parcours s’est déroulé. On a d'abord appris que les protecteurs de la Flamme, vêtus de bleu, étaient des membres de la Police armée du peuple, soit la même unité qui abattait des Tibétains au même moment. Après les grandes mobilisations de Londres et de Paris contre la répression du régime chinois, ce dernier a commencé à mobiliser des Chinois de la diaspora des différents pays visités pour qu'ils opposent une présence aux manifestants. À certains endroits, comme en Australie, au Japon et en Corée, des heurts sont survenus alors que des Chinois fidèles à Pékin s'attaquaient violemment aux manifestants pro-Tibet.

Sichuan

Cette tourmente dans les relations publiques s'est subitement arrêtée le 12 mai alors qu'un séisme dévastateur a frappé la province du Sichuan. Soudainement, les voix critiques contre le régime chinois se sont tues et les élans de solidarité ont pris place pour venir en aide aux victimes. Les médias étrangers, alimentés par l'agence officielle du gouvernement chinois, ont salué la réponse rapide des autorités et la visite du premier ministre, Wen Jiabao. Mais peu de temps a été nécessaire pour réaliser que tout cela était un fiasco. Le refus de laisser entrer des équipes de secours étrangères durant les premiers jours suivant le tremblement de terre a fait augmenter le nombre de victimes.

Alors qu'en Occident on saluait la mobilisation de plusieurs milliers de soldats de l'Armée populaire de libération, des voix dissidentes s'élevaient pour dénoncer qu'il ne s'agissait que d'une fraction des forces qui avaient été déployées pour mater le soulèvement démocratique de 1989.

Puis, dans les milieux aguerris, hors des chaînes médiatiques cultivant liens et intérêts avec Pékin, on a posé les bonnes questions : qu'en est-il des bases militaires et des centrales nucléaires, secrètes ou pas, qui tapissent la région montagneuse du Sichuan? Ont-elles été détruites par le séisme?

Cette question même semble donner la raison pour laquelle les équipes étrangères de secours avaient été tenues à l'écart dans les premiers jours, outre l'orgueil du Parti communiste chinois et de la caractéristique chinoise de ne pas vouloir «perdre la face».

Effectivement, de canal officiel, plus de 30 «sources radioactives» auraient été écrasées lors du tremblement de terre. Une piste que les médias étrangers n'ont pas jugé bon d'investiguer.

La suite de la catastrophe est connue de tous : un nombre élevé d'enfants ont péri en raison de l'effondrement des écoles, construites en «tofu» alors que les édifices gouvernementaux sont demeurés intacts.

Répit avant les JO

Les 70 000 victimes du séisme au Sichuan auront donné un répit à Pékin sur la scène internationale. Les voix d'opposition à l'étranger se sont faites moins virulentes alors qu'approchait le moment rêvé pour attirer l'attention sur leurs causes.

Les protestations du début des gouvernements étrangers contre la répression au Tibet ne se sont pas traduites en actions concrètes. Les appels au boycott des Jeux ont été très marginaux, même dans le camp des défenseurs des droits de l'homme. Seule une poignée d'opposants et de critiques ont assimilé les Jeux de Pékin 2008 à ceux de Berlin 1936 : un régime fasciste, une militarisation poussée, une recherche de légitimité, un désir d'exhiber sa force et sa discipline ainsi que des persécutions internes visant ethnies, religions et dissidents.

Heureusement pour le régime, sa cérémonie d'ouverture aura réussi à jeter la poudre aux yeux de nombreux terriens malgré les faussetés découvertes par la suite comme les faux feux d'artifice, la fausse chanteuse, les faux enfants ethniques et le faux piano.

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Au niveau sportif, un franc succès selon certains. En ce qui a trait à l'avancement de l'humanité, on repassera. Les Jeux olympiques ne sont tout simplement plus voués à cette cause. Le régime chinois n'a finalement pas respecté ses promesses en matière de liberté de presse et de manifestation, et l'année 2009 s'annonce pire dans ces domaines.

La bulle olympique a vite éclaté lorsque les tendances à la falsification se sont prouvées être plus que des tendances mais bien des modus operandi. Le scandale du lait contaminé à la mélamine est venu enfoncer le clou dans le cercueil de la marque made in China. La faible confiance dans les produits chinois apparaît comme évidente dans la crise des exportations actuelle que connaît la Chine. Si la crise économique mondiale y est certainement pour quelque chose, les facteurs internes ne peuvent être ignorés, tant par les consommateurs que par les investisseurs étrangers.

Dans ce contexte où la croissance plonge, où l'instabilité sociale gronde, les Jeux de Pékin ne veulent plus dire grand chose. Mis à part peut-être pour ceux qui s'efforcent toujours de croire au «miracle chinois».

2009 : L'année de tous les dangers

Si l'année 2008 était attendue avec impatience par Pékin et bon nombre de Chinois, c'est tout le contraire pour 2009. La crise économique mondiale n'inspire rien qui vaille à l'horizon, et une série d'anniversaires n'amélioreront en rien l'image du régime communiste sur la scène internationale. En fait, les prédictions sont si mauvaises que les enthousiastes du «miracle chinois» commencent à calmer leurs jubilations stimulées par la montée de cette nouvelle puissance. Une exagération? Lisez pour voir.

Bill Schiller du Toronto Star écrit que les Jeux de Pékin étaient «selon l'opinion générale vraiment les meilleurs de tous les temps». La première phrase ouvrant son analyse du 1er janvier 2009 annonce d'emblée ses couleurs. Sont-ils nombreux ceux qui ont pu entièrement faire abstraction du contexte pour savourer les évènements sportifs et divertissants? Schiller semble être de ceux-là. Mais il ne s'éternise pas sur son affirmation et enchaîne rapidement en signalant que «les Jeux sont finis» et que les «feux d'artifice de clôture se sont dissipés».

En effet, le titre de son article est L'économie chinoise frappe-t-elle une Grande muraille?

Même les plus optimistes face à l'économie chinoise sont troublés par cette question. Mais peut-être pas autant que les mandarins communistes de Pékin. Au départ, ils croyaient peut-être que leur «socialisme aux caractéristiques chinoises» saurait se montrer supérieur au système capitaliste américain. C'est d'abord ce qu'ont tenté de faire croire les médias d'État. Mais la réalité a vite rattrapé et défait les tentatives de propagande.

La Chine est grandement affectée, et ce n'est un secret pour personne. En fait, comment s'est construit le «miracle chinois»? Avec des investissements étrangers massifs, une économie basée sur les exportations, une monnaie maintenue artificiellement basse et un immense bassin de main-d'œuvre bon marché. Ce système aura permis à la Chine d'accumuler des réserves de change étrangères colossales grâce à des balances commerciales penchant d’une manière draconienne en sa faveur.

  • Des milliers de jeunes diplômés visitent un Salon d'emploi le 20 novembre 2008 à Nanjing.(Stringer: China Photos / 2008 China Photos)

Son ralentissement économique n'est quand même pas seulement le résultat d'une conjoncture mondiale. Déjà au moment des Jeux olympiques, l'indice de Shanghai plongeait alors qu'il devenait évident que les retombées des JO n'étaient pas fameuses. De nombreux sièges vides, des tonnes d'entreprises fermées pour réduire la pollution, une myriade de petits commerces fermés pour plaire aux yeux des touristes et des projets de détournement d'eau aux conséquences néfastes. Ajoutez à cela une chute de la confiance des consommateurs dans les produits made in China, et votre manne récoltée sur les exportations devient de plus en plus maigre.

Le Los Angeles Times rapporte qu'avant la crise financière, 67 000 entreprises avaient fermé leurs portes durant la première moitié de 2008. On peut ajouter à ce nombre plusieurs milliers d'autres pour la deuxième moitié de 2008.

Les investissements directs étrangers, selon Bloomberg, ont chuté de 37 % par rapport à l'année précédente.

Le gouvernement chinois avait ému la presse occidentale en annonçant l'injection de plus de 500 milliards de dollars pour stimuler son économie. Un reportage du Washington Post suggère qu'il s'agissait plutôt d'un coup de publicité, car seulement le quart de cet argent doit provenir du gouvernement central, le reste devant être défrayé par les gouvernements locaux déjà en mauvaise situation et par les banques. Quant aux secteurs qui en bénéficieraient, l'argent prévu était en partie  déjà promis, donc rien de neuf.

Il est urgent pour le Parti communiste chinois (PCC) d'empêcher la désintégration de son économie et surtout de son image de bon gestionnaire auprès de la population. L'une et l'autre sont essentielles au maintien de sa stabilité. On dit qu'une croissance sous la barre des 8 % représente inévitablement de graves bouleversements sociaux causés par le chômage et l'insatisfaction. Déjà, des émeutes de travailleurs mis à pied ont commencé à perturber la «société harmonieuse» souhaitée par le dirigeant Hu Jintao. Les prédictions de croissance pour 2009 varient entre 5 et 7,5 %.

Beaucoup de gens à l'intérieur et à l'extérieur de la Chine croient que le développement du pays est un exploit du parti au pouvoir. Mais ce dernier a dû abandonner certains de ses principes économiques pour survivre, et ce sont les investissements de capitalistes étrangers qui ont fourni un second souffle au pays. Ensuite, le sang et la sueur du peuple chinois a fait le reste. Comme le mentionne Bao Tong, ancien conseillé de l'ex-secrétaire général du PCC Zhao Ziyang, le PCC n'y est pour rien :

«Dans l'Égypte ancienne, les pharaons ont utilisé mille années de travail d'esclaves pour construire le miracle que sont les pyramides [...] Le Parti communiste de la Chine a construit sa propre version des pyramides : le miracle économique du pays, et ce, sur le dos de cet immense bassin de cheap labor. Les pèlerins qui sont allés voir les Jeux olympiques de 2008 à Pékin étaient excessifs dans leurs louanges.»

Bao Tong mentionne qu'au niveau du rang économique mondial, la Chine est à la même position qu'en 1927, alors que les seigneurs de la guerre du Nord du pays avaient le contrôle. «Faut-il remercier les seigneurs de la guerre pour ça», demande-t-il? «Nous ne devrions pas non plus donner le crédit au Parti communiste pour la situation d'aujourd'hui.»

«Alors ça n'a pas été facile d'atteindre le rang économique que nous avions au moment de la période des seigneurs du Nord», poursuit Bao Tong. «Le prix que nous avons payé pour ça aujourd'hui a été trop élevé : une main-d'œuvre bon marché, un pillage massif des ressources naturelles, en plus de l'air empoisonné et de l'eau polluée. Les ancêtres regardent leurs descendants ici sur Terre, mais je ne crois pas qu'aucun d'eux ait envie de rire.»

Les tristes anniversaires

Bien que la crise économique soit source d'inquiétude intérieure en raison de l'instabilité sociale qu'elle provoque, d’importants anniversaires seront soulignés cette année en Chine, mais c'est surtout à l'étranger qu'ils devraient faire le plus de bruit.

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Un autre massacre au Tibet? C'est dans la mesure du possible. Le 10 mars 2009 marquera le 50e anniversaire du soulèvement tibétain de 1959 contre le contrôle communiste. Ayant échoué, le chef tibétain, le Dalaï-lama, avait alors fui vers l'Inde, sa résidence actuelle. Pour les Tibétains – jeunes et moins jeunes – du Tibet ou en exil, il s'agit d'un épisode hautement important qui sera à coup sûr souligné en grand.

Une économie chinoise qui s’affaiblit laissera-t-elle plus de marge de manœuvre aux chancelleries étrangères désirant condamner l'oppression au Tibet?

Alors que la question tibétaine aura quitté les écrans, les pages et les ondes, le 20e anniversaire du massacre de la place Tiananmen surviendra le 4 juin. Ce sera peut-être l'occasion pour différents éditorialistes peu scrupuleux de souligner à quel point la Chine a progressé depuis. À moins, bien sûr, qu'ils ne soient plus en mesure, à cette période, de vendre le «miracle chinois» ou que le Tibet ait tout simplement trop saigné au mois de mars pour encore essayer de vendre cette salade.

Tiananmen, pour les jeunes Chinois, ne veut plus rien dire. S'ils en ont entendu parler, ils sont convaincus que le régime a bien fait de liquider les étudiants rebelles. Pour eux, vaut mieux ne pas trop savoir et, surtout, ne pas se mêler de politique.

Tiananmen va quand même résonner à Hong Kong et dans d'autres milieux où l'image de l'homme qui stoppait les chars demeure la plus forte du 20e siècle, marqué par la tyrannie et les guerres mondiales.

Le 20 juillet soulignera le dixième anniversaire du début de la persécution contre le Falun Gong, la pratique de méditation chinoise qui enseigne les principes d'authenticité, de compassion et de tolérance.

En 1999, l'ex-dirigeant chinois Jiang Zemin avait banni le Falun Gong, jugeant que la discipline était trop populaire. Celle-ci comptait à cette époque, selon des estimations gouvernementales, entre 70 et 100 millions de pratiquants.

La campagne de diffamation, d'arrestations et de torture qui s’en est suivie se poursuit à ce jour. Selon le rapport Prélèvement meurtriers, coécrit par l'ex-parlementaire David Kilgour et l'avocat spécialiste des droits de l'homme David Matas, des pratiquants de Falun Gong en Chine ont été tués pour leurs organes par le gouvernement. En fait, dans plus de 40 000 transplantations en Chine depuis 1999, les organes proviendraient de sources non expliquées.

Le régime chinois fera tout pour que ces anniversaires passent inaperçus. Le seul anniversaire pour lequel il aura le cœur à fêter sera celui du 60e de sa prise du pouvoir en Chine, soit le 1er octobre. Mais, après tous les assauts précédents, voyons s’il pourra encore lever la tête et prétendre avoir sauvé la Chine.

Les médias chinois iront dans ce sens, ayant reçu la directive de focaliser sur les «accomplissements» du Parti tout en censurant les éléments «sensibles». Ceux qui voyaient dans les Jeux olympiques une «force pour le bien» seront, en 2009, très certainement confondus.

Petit à petit, l'effritement du PCC se poursuit et on verra très probablement, cette année, le nombre de démissions du PCC et de ses organisations affiliées franchir le cap des 50 millions. Un mouvement de libération de la conscience qui ne provient pas des efforts d'engagement avec le régime chinois, mais bien du rejet complet de tout ce qu'il est.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.